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Après Safran, tous ces secteurs dont l'Etat pourrait se désengager pour retrouver des marges de manœuvres financières
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Liquidation totale

Bercy a annoncé la mise en vente de 3,12% du capital de l'équipementier aéronautique Safran, dont il est l'actionnaire principal. Cette cession devrait rapporter 448 millions d'euros à l'Etat.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Atlantico : L'Etat a vendu une partie de ses participations dans l'entreprise Safran pour générer de nouvelles ressources financières à hauteur de 448 millions d'euros. Que vous inspire cette décision ? Est-ce une mesure de gestion intelligente dans la mesure où la participation de l'État dans cette entreprise ne s'imposait pas, ou bien est-ce une logique de vente des "bijoux de famille", signe d'une situation économique alarmante ?

Jean-Marc Daniel : Que l’Etat se défasse de ses participations industrielles est une bonne chose. Les économistes donnent trois missions économiques à l’Etat : combattre les externalités ; réduire les inégalités sociales et combattre la pauvreté ; assurer la régulation conjoncturelle. Ils ne lui donnent en aucun cas comme mission de gérer des secteurs économiques productifs, sauf dans le cas très particulier des monopoles naturels. Et dans ce cas là, il doit le faire en respectant ce que l’on appelle la règle de Ramsey-Boiteux, c'est-à-dire en pratique en essayant de reconstituer un comportement de type concurrentiel.

Le véritable enjeu dans les privatisations est l’utilisation des fonds collectés. Le bon sens comme les recommandations de la troïka européenne autour de la crise de la dette voudraient qu’ils soient consacrés au désendettement. Ce qui n’est pas forcément dans les intentions présentes de notre gouvernement. C’est ce décalage entre l’usage cohérent des fonds et leur usage annoncé qui est le signe d’une situation économique préoccupante.

Quels sont les secteurs où l'État possède de conséquentes participations sans réel intérêt pour la collectivité ? A combien peut-on estimer la valeur de ces participations qui ne servent finalement pas à grand chose et qui pourraient être cédées ?

Il y a des secteurs évidents comme l’automobile ou l’aviation civile : l’Etat n’a aucune raison de garder une participation dans Renault ou Air France. On l’a oublié mais les chemins de fer, les transports urbains, l’électricité ont commencé leur existence sous forme d’activité privée. D’ailleurs, la politique européenne de la concurrence exige que ces activités soient privatisées et allouées sur la base d’une mise en concurrence. Il n’y a plus que deux villes (Paris et Marseille) où les transports sont publics.

Il est évidemment très difficile de savoir combien l’Etat pourrait tirer effectivement de la vente des entreprises qu’il contrôle en partie ou en totalité. L’actif de l’agence des participations de l’Etat, qui est l’organisme qui gère l’activité de l’Etat actionnaire, est de 656 milliards d'euros, soit un tiers de la dette publique totale.

Qu'est-ce que la progressive sortie de l'État du capital de ces entreprises peut laisser entendre quant à leur future gestion ? Est-ce que finalement la réalité économique d'une entreprise en partie possédée par l'État change lorsque celui-ci s'en va ?

En fait, dès les nationalisations de 1981/1982, il avait été admis que l’Etat doit demander à ses entreprises de se gérer selon les règles de la concurrence et du marché. Ce qui conduit à s’interroger sur l’intérêt de garder les entreprises en question. La vraie différence est que souvent les personnels des entreprises publiques ont un statut particulier ; ils ne relèvent pas du code du travail usuel. Cela rigidifie la gestion des personnels et crée, lorsqu’on privatise, des périodes de transition assez souvent inutilement complexes comme ce fut le cas à France Télécom. Mais la situation évolue vers une homogénéisation des statuts comme ce fut le cas avec la réforme des régimes spéciaux de retraite.

Le ministère des Finances a déclaré que le choix de vendre Safran répond à une logique de "gestion active des participations de l'État, qui doit permettre de préserver les intérêts patrimoniaux et stratégiques de l'État [...]" Quels sont les secteurs stratégiques où, a priori, l'État ne cédera jamais ses parts ?

L’idée de secteurs stratégiques est une idée protectionniste qui ne résiste guère à la réalité. En Angleterre, la gestion du standard téléphonique du 10 Downing Street dont on pourrait considérer que pour des raisons de sécurité politique et de défense nationale qu’elle relève de l’Etat par excellence est privatisée. Elle a même été assurée pendant longtemps par une entreprise française. L’Etat est là pour réguler l’économie, pas pour la gérer.

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