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La France veut-elle
la peau des musées privés ?
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Entrée libre

Au cours de la dernière décennie, le budget de l'Etat consacré aux 37 musées nationaux est passé de 334 à 528 millions d'euros. Les temps sont rudes en revanche pour les investissements privés. La dispersion de la collection Gourdon au Palais de Tokyo l'a encore montré cette semaine.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Les Français ne sont pas de grands collectionneurs. Ce n’est pas un hasard si, depuis l’époque des impressionnistes, les collections les plus étoffées d’art moderne se trouvent aux États-Unis. Nous avons pourtant de grands amateurs en France, au point que sept d’entre eux figurent parmi les 200 plus grands collectionneurs au monde. Mais lorsqu’ils veulent en faire profiter le grand public, ils doivent souvent lutter contre les conservateurs d’institutions publiques qui les voient d’un mauvais œil, contre les administrations pléthoriques du ministère de la culture, et parfois aussi contre les blocages politiques.

Rappelons-nous l’abandon en 2005 par François Pinault de son projet de l’île Seguin dessiné par Tadao Ando. Il a délocalisé son projet de fondation à Venise, où le Palais Grassi, et maintenant la Douane de mer, attirent des foules d’amateurs d’art contemporain au détriment de Paris.

La vente de la collection Gourdon : un symbole

Une vente considérable a eu lieu ces jours-ci. Cette redistribution de la collection Gourdon ne marque pas seulement la fin de l’une des plus belles collections au monde d’art déco. Elle s’accompagne hélas aussi de la fermeture d’un musée privé aussi sublime que discret.

J’ai eu la chance de visiter cet écrin perché sur une colline. Rien d’ostentatoire, une passion partagée par une quinzaine de grands collectionneurs, membres d’une très confidentielle Société des amis de l’art déco fondée en Suisse, et l’envie de partager ce bonheur avec ceux qui ont fait l’effort de connaître son existence. Son fondateur était le fils d’une cuisinière du domaine. Sa fortune faite, il a racheté le domaine pour y abriter sa collection et a entamé une longue lutte pour surmonter les obstacles multiples posés par les architectes des Bâtiments de France. Espérons que l’aventure ne s’arrêtera pas là. Avec l’argent de la vente de cette collection de son père, Laurent Negro junior a déjà envie de démarrer sa propre collection. S’il a le courage de se battre contre les administrations, le château de Gourdon pourrait donc abriter à nouveau des merveilles, probablement avec le soutien de réseaux discrets de grands collectionneurs. 

Projets avortés et rebelles passionnés

A défaut de soutenir plus activement ces initiatives culturelles qui n’en manifestent pas le besoin, l’Etat ferait mieux de leur simplifier la vie. Le projet de fondation de Bernard Arnault vient d’être bloqué fin janvier par une décision du tribunal administratif pour un motif futile de classement de voierie secondaire. Le bâtiment dessiné par l’architecte Frank Gehry, auteur notamment du musée Guggenheim de Bilbao, annonçait pourtant une belle ambition. Mais non, notre bureaucratie n’aime pas la culture libre, privée. La simple plainte d’un riverain a suffi à tout figer. Bernard Arnault choisira-t-il de se délocaliser lui aussi ? La culture doit-elle rester un quasi monopole public à l’instar des démocraties populaires ? 

Quelques esprits libres se rebellent. Leur combat est quotidien face aux attaques, aux sarcasmes et aux ennuis récurrents. Marc Restellini fait partie de ces insurgés de la culture. Il a fondé la Pinacothèque en 2003. Le musée s’est installé place de la Madeleine en juin 2007. Son succès en fait l’un des musées les plus fréquentés de la capitale. Programme exceptionnel, populaire et pointu, marketing offensif et une boutique bien conçue permettent à cette institution de dégager des bénéfices malgré l’absence de subventions publiques. Ces excédents lui permettent de financer des expositions moins populaires, plus pointues. Avec des expositions comme Roy Lichtenstein, Soutine ou Edvard Munch, la Pinacothèque vient concurrencer les expositions « blockbuster » du Louvre et du Grand Palais. Résultat, le Louvre est intervenu auprès du Rijksmuseum afin de le dissuader de prêter des œuvres à la Pinacothèque pour son exposition « L’âge d’or hollandais ». L’évènement a bien eu lieu, et a été un grand succès. Son aventure marche parce que Restellini se bat contre le système. 

Combien d’entreprises de cette nature attendent dans les cartons à cause des obstructions administratives ? Est-ce la mission d’une institution publique d’entraver, voire de bloquer d’aussi belles initiatives privées ? Comment la classe politique peut-elle affirmer défendre la vie culturelle dans notre pays, et laisser dans le même temps nos administrations continuer leur jeu de massacre ?

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