Les personnalités devraient-elles s'abstenir de tweeter elles-mêmes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Valérie Trierweiler enchaîne les bourdes sur Twitter.
Valérie Trierweiler enchaîne les bourdes sur Twitter.
©Reuters

Après les twittergate...

On ne compte plus le nombre de mini-scandales qui ont éclos sur Twitter ces derniers mois. L'une des grandes spécialistes du twittogate est Valérie Trierweiler. La première dame a encore fait des siennes ce mercredi.

Armand  Treman

Armand Treman

Armand Treman est titulaire d'un master à l'IEP de Lyon et actuellement doctorant en sciences de l'information et de la communication.

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Valérie Trierweiler en avait déjà fait l'expérience, en juin dernier, en affichant sur son compte Twitter son soutien au rival de Ségolène Royal lors des législatives. Stupeur et tremblements. Séisme. Déferlement de reproches, et même un peu d'insultes, d'un bout à l'autre de la blogosphère. Ce qui n'était sans doute qu'un soutien sincère à une "amitié politique" n'a pas manqué d'être perçu comme une mesquinerie de la Première dame de France à l'encontre de l'ancienne femme de son nouveau compagnon. 

Dans un autre registre, Anthony Weiner, favori dans la course aux municipales new-yorkaises, a lui aussi connu quelques désagréments sur le site de micro-blogging. L'élu américain a diffusé par inadvertance des photos de lui en quasi-tenue d'Adam à la face du monde. La sentence ne s'est pas faite attendre : cet "incident" a sonné le glas de sa carrière politique.
Citons aussi le cas de Laure Manaudou, dont le talent de nageuse n'a d'égal que sa maladresse à surfer. La jeune femme a cru bon de donner son avis sur la tuerie de Toulouse impliquant Mohamed Merah, assénant un "non seulement il y a des fous mais en plus qu’il s’en prennent à des juifs, c’est honteux [sic]" qui n'a pas manqué de lui valoir des tombereaux de railleries.
Ce genre d'affaires est légion et pose une première question : les hommes et femmes célèbres doivent-ils s'allouer les services d'un conseiller plutôt que d'intervenir eux-mêmes sur leur compte Twitter ? En d'autres termes, un spécialiste de la communication doit-il être en permanence juché au-dessus de leurs épaules pour les empêcher de faire n'importe quoi lorsqu'ils sont devant un ordinateur ?

Le recours au Community Manager, un passage obligé ?

Pas forcément, à en croire Arnaud Dupui-Castérès, président du cabinet conseil en stratégie de communication et gestion de crise Vae Solis Corporate, qui estime que ces exemples, en faisant jurisprudence, contribuent à éduquer sur le bon usage d'internet. Selon lui, ces maladresses de personnalités sont amenées à se raréfier à l'avenir, précisément parce qu'elles ont fait tant de vagues par le passé. "Il fallait sans doute en passer par là pour que chacun prenne la mesure de l'importance et de la fragilité de l'e-réputation", estime-t-il. 
En témoigne le cas de Laurence Parisot, qui semble avoir parfaitement intégré les codes liés au bon usage des réseaux sociaux, puisqu'elle vient de se voir attribuer le Grand prix de l'e-réputation, catégorie économie. Pas peu fière, la présidente du Medef a tenu à signaler qu'elle est à l'origine de toutes ses interventions sur la toile.
Si les interventions de célébrités sur le web contribuent directement à tisser les contours de leur image, elles ont aussi pour fonction de corroborer l'idée que l'on se fait a priori de cette image. Dernièrement, la chanteuse Shy'm a défrayé la chronique en postant sur son compte Twitter la photo d'un dos lacéré jusqu'au sang, photo flanquée d'une phrase sans équivoque, en lettres capitales : "Good sex". Ce fait d'armes a choqué son public, pour la simple et bonne raison qu'il ne s'attendait pas à une intervention aussi "trash" de la part d'une chanteuse à la réputation lisse. Sans doute serait-elle passée inaperçue sur le compte de Marilyn Monson.
Si la notion d'e-réputation fait florès et que son importance est à présent largement admise, encore faut-il maitriser les rudiments de son édification. Trouver un positionnement numérique pertinent et s'y tenir se sont pas choses faciles. Pourtant, un certain "droit à l'erreur" existe, une tolérance relative.

Pas tous égaux face à la "boulette" 

Le tweet malheureux de Laure Manaudou ne lui a finalement pas tant porté préjudice que ça sur la distance. Si peu, en fait, qu'elle vient pour sa part d'obtenir le Grand prix de l'e-réputation catégorie sport, une poignée de mois à peine après sa bévue.
Le cas Laure Manaudou est révélateur à plusieurs escients et permet de plonger plus en avant dans notre étude. Si la nageuse s'est attirée moqueries et foudres des internautes, c'est sans doute autant pour le caractère objectivement gauche de son message que pour son incongruité. On n'attend pas une sportive sur un tel registre. Bien sûr Laure Manaudou a le droit d'exprimer son opinion sur ce que bon lui semble. Comme tout un chacun. Mais, en tant qu'athlète, sa légitimité à le faire sur des questions "graves" dans la sphère publique est nulle.
Orchestrer soi-même son image, c'est d'abord la circonscrire à un registre cohérent et s'y tenir. Si l'on s'attend à ce que les tweets de Laurence Parisot abordent des questions sérieuses et s'abstiennent de digresser sur la météo ou les résultats du foot, a contrario, Laure Manaudou est cantonnée dans nos esprits à une certaine frivolité. La jeune femme ne doit son salut et la restauration de sa popularité en ligne qu'à deux facteurs, qui se recoupent, se télescopent.
Le premier d'entre eux, c'est sa fraicheur, sur le compte de laquelle on a placé son intervention. Une intervention déplacée, certes, mais pas incohérente au regard de la jeunesse de son auteure et du registre qui est le sien. Un registre autorisant les dérapages (si tant est qu'ils ne soient pas excessifs), parce qu'il se situe en amont de toute réflexion stratégique. Davantage que des prises de positions sur des sujets sensibles, ce qu'on attend de Manoudou sur Twitter, ce sont en quelque sorte des micro-billets d'humeur, un aperçu de sa production psychique à un instant T. Sans fard.   
Mais la rénovation rapide de son e-réputation est aussi due à un autre facteur. Twitter est le média du présent, du temps-réel. Il n'a pas, ou peu de mémoire. Confrontés à un flux infini d'informations de toutes espèces, les twittos sont par essence versatiles. Autrement dit, la plupart des pas de clerc y sont rattrapables, pourvu qu'ils ne soient pas allés trop loin et, encore une fois, s'inscrivent en cohérence vis à vis du registre qui doit sous-tendre toutes les interventions de telle ou telle personnalité.
Un distinguo est en fait à établir entre deux grandes familles de personnalités. Celles qui, à l'instar de Shy'm ou de Laure Manaudou, ne tweetent que pour entretenir un contact avec leur public, leurs fans. Et celles qui se servent de Twitter à des fins plus sérieuses, afin de véhiculer un message stratégique et normé.
Le recours à un conseiller en communication aurait pour effet probable de "gâcher" la fraîcheur et l'originalité des premières. S'il doit avoir lieu, c'est en amont de l'acte de tweeter lui-même, afin de guider les personnalités, de les informer sur les sujets qu'elles peuvent aborder et ceux qu'elles doivent éviter.   

Il peut en revanche s'avérer plus qu'utile pour les secondes, qui n'ont pas le droit à la même marge d'erreur. Définitive, la "boulette" d'Anthony Weiner en atteste. Parce qu'ils sont censés maîtriser leur image de A à Z et n'intervenir qu'à bon escient, de façon réfléchie, les représentants de cette seconde famille ne se remettent pas aussi facilement de leurs écarts de conduite. Ces hiatus, en tant qu'ils rompent le fil conducteur profond qui sous-tend l'intégralité de leur image numérique, sont souvent irrémédiables. Pour les éviter, deux options : connaître sur le bout des doigts l'outil Twitter et s'en tenir en toutes circonstances à son registre propre, comme Laurence Parisot, ou s'en remettre à un pro.

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