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Ce que coûte à la France son obsession anti-libérale
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Carcan

Gaspard Koenig lance Génération Libre, un think-thank d'orientation libérale entre Londres et Paris. Le libéralisme est une idéologie mal-aimée en France. Elle est pourtant créatrice de richesses, et pas seulement économiques, les penseurs libéraux ayant été à l'origine de plusieurs grandes avancées sociales.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Atlantico :Vous lancez un think-thank Génération Libre d'orientation libérale entre Londres et Paris. Votre but est-il de réconcilier la France avec le libéralisme ? Est-ce vraiment possible ?

Gaspard Koenig : Je ne sais pas si les Français sont fâchés avec les libéraux, eux qui plébiscitent la réforme de l'auto-entrepreneur et qui se méfient naturellement de l'autorité centrale. Mais je sais qu'ils n'auront bientôt plus le choix. Trente ans de politiques étatistes ont mis le pays à genoux. L'État-Providence à crédit sur le dos des futures générations futures, c'est un modèle qui a vécu. Les Français vont devoir choisir entre deux alternatives au système actuel : l'extrémisme nationaliste, qu'il soit de gauche ou de droite, ou les libéraux, c'est-à-dire l'État de droit, les mécanismes de marché, la responsabilité individuelle. 

Dans le think-tank, notre but n'est donc pas de faire de l'agit-prop dogmatique, mais plutôt de préparer l'émergence d'une nouvelle génération de dirigeants, armés de propositions de réformes précises et chiffrées. Ne pas hésiter à provoquer, mais avec un fort substrat technique, de manière à crédibiliser des idées qui autrement apparaissent trop décalées. Quand les gens comprendront concrètement combien ils peuvent gagner grâce à une réforme radicale des retraites ou du système de santé, ils nous regarderont probablement d'un autre oeil. 

Contrairement à l’Angleterre, la France a une tradition libérale beaucoup moins marquée. Historiquement, il y a même une certaine méfiance des élites et du peuple français à l’égard du libéralisme. Cette méfiance nous a-t-elle été préjudiciable ? Combien ce refus du libéralisme coûte-t-il à la France ?

Je ne suis pas d'accord avec votre constat. La France a une grande tradition libérale. C'est nous qui avons inventé le mot et qui avons fourni les premiers auteurs et économistes libéraux : Turgot, Benjamin Constant, Tocqueville. Cette tradition s'est poursuivie avec - pour n'en citer que quelques-uns - Frédéric Bastiat, Jacques Rueff, Jean-François Revel, ou aujourd'hui Guy Sorman. 

En revanche, il est vrai que, depuis l'après-guerre, le système éducatif a totalement occulté l'étude du libéralisme. J'en sais quelque chose : j'ai étudié la philo en France pendant 5 ans, jusqu'à l'agrégation, et il a fallu que j'aille un an dans une fac américaine pour découvrir l'école libérale française! 

Ajoutez à cela que les politiques publiques sont toujours concoctées par la même élite formée dans l'adoration de l'État, et vous obtenez les dépenses publiques les plus hautes de l'OCDE, le taux de taxation le plus fort (après le Danemark) décourageant l'investissement et l'entrepreunariat, un marché du travail et un marché de l'immobilier bloqués par les insiders, des immigrés mal digérés par le "modèle républicain", une université paralysée par l'égalitarisme, une liberté d'expression sans cesse rognée, une intrusion oppressante de la réglementation dans toutes les activités, des lois anti-tabac jusqu'au code de l'urbanisme… Il faut renverser la logique sur tous les fronts, pas seulement sur le plan économique! "Cessez d'emmerder les Français", disait Pompidou, notre plus grand Président.

Cela a-t-il été un frein à notre adaptation dans la mondialisation ?

La France a un patrimoine intellectuel, culturel et économique prodigieux, qui lui permet de ne pas sombrer malgré l'incompétence évidente de ses dirigeants, et de rester très attractive. Mais elle ferait bien de s'inspirer de ce qui marche à coté de chez elle, et pas seulement en Angleterre ou en Allemagne. Simplification de la fiscalité en Estonie, flexibilité du marché du travail en Turquie, réduction drastique du poids de l'État en Suède, décentralisation de l'éducation en Nouvelle-Zélande, retraites par capitalisation au Chili… C'est pourquoi le think-tank s'appuiera beaucoup sur les expats français, de plus en plus nombreux, pour faire du benchmarking avec les pays où ils habitent. 

Par ailleurs, si nous avons décidé de nommer le think-tank Génération Libre, c'est précisément qu'émerge une nouvelle génération, plus exposée à la mondialisation, fortement autonome, aventureuse et créative, habituée sur internet à une liberté presque totale, et qui n'attend que de faire voler en éclat le carcan dans lequel on voudrait la maintenir. 

La mauvaise réputation du libéralisme en France est-elle due en partie à certains excès du libre-échange. Ne confond-t-on pas libéralisme authentique et néolibéralisme ?

Non, elle est due à l'éducation. Le libre-échange n'a jamais produit autant de richesses de par le monde. Des continents entiers sont en train d'accomplir en un temps record leur révolution technologique et d'accéder à la prospérité. Demandez à un Chinois ce qu'il pense du capitalisme S'agissant du "néolibéralisme", c'est un mythe, un mot totalement creux. Qui sont les libéraux ? Ceux qui se sont opposés au pouvoir autoritaire du Souverain, ceux qui ont fait voter les lois interdisant le travail des enfants (Jules Simon), accordant le droit de grève (Bastiat, Ollivier), ou autorisant les syndicats (Waldeck-Rousseau). Les grandes réformes économiques et sociales de la IIIe République sont l'oeuvre de libéraux ! Et je suis outré de voir leur travail saccagé aujourd'hui par des gouvernants incultes et populistes qui violent quotidiennement les grands principes de notre démocratie.

En quoi la France peut-elle s’inspire du modèle britannique ? Celui-ci est-il vraiment plus efficace en matière économique ?  

La France n'a pas à s'inspirer du modèle britannique. C'est un pays dont les fondamentaux sont entièrement différents du nôtre, et qui est en proie lui aussi à de grandes difficultés, pour des raisons différentes. En revanche, je ne cache pas mon admiration pour le système parlementaire britannique, beaucoup plus transparent et représentatif que le nôtre. Sur le plan des institutions, nous aurions pas mal de choses à apprendre de cette monarchie !

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