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Sarkozy, Cahuzac et cie : les Français s'intéressent-ils vraiment aux mises en cause judiciaires des politiques ?
©Reuters

Blazés

La mise en examen de Nicolas Sarkozy par le juge Gentil semble avoir chassé de l'espace médiatique l'ouverture d'une information judiciaire visant Jérôme Cahuzac. Un phénomène qui pose la question du traitement des affaires juridico-politiques et de l'intérêt qu'y porte l'opinion publique.

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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Atlantico : Les affaires Cahuzac et Sarkozy ont réussi à saturer l'espace médiatique dans la même semaine. Peut-on dire que le traitement de tels sujets est proportionnel à l'intérêt qu'y portent les Français ?

Thomas Guénolé : Probablement pas. Il faut rappeler que visiblement les électeurs ont tendance à faire abstraction du passé judiciaire des candidats lorsqu'ils se rendent dans les urnes. On a à titre d'exemple des précédents connus pour le prouver, Jacques Chirac étant le premier d'entre eux. 

N'y a t-il pas une certaine désillusion de l'opinion sur les feuilletons judiciaires des hommes politiques ? S'y intéresse-t-on vraiment encore ?

Plutôt que de parler de désillusion, on peut imaginer que les Français ont compris ce qui peut se trouver derrière le surgissement médiatique de telles affaires. Il est possible d'émettre l'hypothèse qu'ils ont compris qu'au delà de questions purement juridiques on trouve à l'origine de ces évènements des guerres de factions politiques qui cherchent à utiliser le système pour décrédibiliser un adversaire ou un concurrent. Voir surgir les affaires Cahuzac et Sarkozy la même semaine, ça pue et je pèse ici mes mots. 

Comment expliquer que de telles affaires continuent pourtant de faire la une des médias ? Peut-on parler d'une sur-représentation d'un sujet qui n'intéresse que les journalistes ?

Je n'irai pas jusqu'à dire que cela n'intéresse que les journalistes. Les médias, comme leur nom l'indique étymologiquement, sont des intermédiaires et ils sont obligés d'accorder leur message à leur audience. Il serait impossible de les voir survivre économiquement s'ils ne faisaient que traiter des sujets qui les intéressent personnellement. On ne peut donc pas dire que l'opinion ne porte aucune attention à ces affaires judiciaires, mais il faut par contre garder à l'esprit qu'elle regarde le phénomène comme un spectacle davantage qu'elle ne s'inquiète du sens politique qu'il peut avoir. 

L'aspect très technique de ces imbroglios juridiques n'a t-il pas aussi tendance à détourner l'intérêt de l'opinion ?

Effectivement, surtout lorsque les affaires s'emboîtent les unes dans les autres. A ce titre l'affaire Woerth-Sarkozy-Bettencourt est hautement révélatrice. L'opinion est ainsi incitée à ne plus suivre, ou du moins à regarder d'un œil distrait. Néanmoins elle conserve de chaque affaire un sentiment diffus : l'idée de l'innocence ou de la culpabilité de telle personnalité continue de faire débat et se forge de manière durable dans l'esprit d'un électeur.

Les personnalités mises en cause par la Justice en payent-elles politiquement le prix ?

C'est justement l'aspect le plus inacceptable du fonctionnement actuel du système judiciaire français. Je veux dire par là qu'une mise en examen équivaut aujourd'hui à une présomption de culpabilité. Évoquer aujourd'hui le principe de présomption d'innocence, supposément garanti par le droit, est une vaste tartuferie. Rien ne se passe ainsi lorsque vous êtes une célébrité dans ce pays. Le problème véritablement posé par cette logique est qu'une mise en examen peut durer des années, et c'est là quelque chose de moralement inacceptable dans le sens ou elle pèse durablement sur la vie publique d'une personnalité. Rappelons au passage qu'une mise en examen peut frapper n'importe qui et que le temps pris par la justice pour examiner une affaire se fait au détriment du temps de vie de la personne concernée. Cette procédure, si elle s'étale sur plusieurs années, équivaut à une mort publique et professionnelle même si l'issue est un non-lieu. Il s'agit là d'une certaine légèreté de notre système judiciaire qui peut aller jusqu'à porter atteinte aux libertés ainsi qu'aux droits civiques. 

Est-il possible, dans le cas de Sarkozy, d'assister à un effet boomerang qui lui permettrait d'apparaître plus fort politiquement ?

Oui, cela peut clairement jouer en sa faveur. Tout dépendra ici de la façon dont se déroulera la procédure et de la stratégie qu'adoptera l'ancien Président de la République pour se tirer d'affaire. Rappelons que ce dernier a fait appel, ce qui laisse la faible possibilité de voir cette mise en examen annulée. En conséquence, la probabilité d'une immense victoire politique pour M. Sarkozy reste envisageable, bien que faible. A l'inverse, si la mise en examen traîne et qu'elle est encore en cours d'ici deux ans, il est clair que son retour annoncé pour 2017 est rendu caduque. Autrement dit, un non-lieu ou l'abandon des poursuites sont ses seules options de survie, à moins qu'il n'arrive à s'en sortir de manière atypique, ce qui n'est pas tout à fait impossible avec un tel personnage. 

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