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La souveraineté territoriale du Mali bientôt rétablie mais combien de temps l'Etat malien sera-t-il capable de la préserver ?
©Reuters

1 an après

Le 22 mars 2012, une partie de l'armée malienne, sous la houlette du Capitaine Sanogo renversait le président Amadou Toumani Touré.

Antonin Tisseron

Antonin Tisseron

Antonin Tisseron est chercheur associé à l’Institut Thomas More. Il est Consultant auprès de l’Office des Nations Unies  contre la Drogue et le Crime (ONUDC)  bureau pour l’Afrique de l’Ouest et centrale (ROSEN).

Il est spécialisé dans l'étude des doctrines militaires, des questions de sécurité en Afrique et des enjeux de défense européenne. Il travaille principalement sur le Maghreb et le Sahel.

 

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Atlantico : François Hollande a déclaré mardi soir que la souveraineté du Mali serait presque rétablie d'ici "quelques jours". Alors que le début du retrait des forces françaises est annoncé pour fin avril, peut-on dire que les institutions maliennes soient aujourd'hui en état d'assurer la souveraineté qu'elles viennent de retrouver ?

Antonin Tisseron : C’est une question très pertinente. Déjà, il ne faut pas oublier que l’on est dans un État où les institutions sont bien moins conséquentes que dans des pays comme la France, même si leur organisation peut être calquée sur le modèle de l’ancienne métropole. Ensuite, l’armée malienne est un révélateur des limites de la capacité de l’État malien à assurer aujourd’hui sa souveraineté. Le 5 mars dernier, au cours d’un entretien avec des journalistes, le général français François Lecointre, à la tête de la mission EUTM-Mali, évoquait le mois de juillet pour engager un bataillon malien dans le nord en raison des besoins et lacunes « considérables » de l’armée malienne, notamment dans le domaine organisationnel. Autrement dit, l’armée malienne n’est pas aujourd’hui capable d’assurer la souveraineté de l’État malien sur l’ensemble de son territoire, ce sans même évoquer les réticences – voire le rejet – par le MNLA de la présence de soldats maliens dans la région de Kidal. Et les choses ne changeront pas avant plusieurs mois.

Peut-on réellement dire aujourd'hui que les djihadistes ont été mis hors d'état de nuire ? Y a t-il un risque de résurgence ?

Plusieurs groupes djihadistes ont été mis hors d’état de nuire et leur organisation dans la bande sahélo-saharienne a été fortement affectée par l’offensive française dans le massif des Ifoghas. Ceci étant, comme le rappelle la tentative d’intrusion de combattants dans l’aéroport de Tombouctou dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, la menace reste présente quoique diffuse, avec des groupes qui cherchent à maintenir l’insécurité. Des opérations de renseignement sont d’ailleurs menées, en associant au maximum la population, pour lutter contre les djihadistes encore présents et ceux qui pourraient souhaiter venir au Mali pour attaquer des soldats et ressortissants français, des Maliens ou des militaires de la MISMA. En l’état actuel, parler de résurgence me semble cependant trop fort. Une baisse de la pression militaire risque d’entraîner mécaniquement une augmentation des attentats, du moins dans un premier temps, des groupes ayant réussi à échapper aux opérations militaires profitant du répit relatif pour initier des actions. Mais pour qu’il y ait résurgence, il faudrait un vacuum sécuritaire comparable à celui précédent l’offensive du MNLA en janvier 2012.

Par ailleurs, les divisions politiques entre putchistes et anti-putchistes à Bamako ne risquent-elles pas de fragiliser une stabilité tout juste retrouvée ?

La situation au Mali est encore loin d’être stable. Vous avez raison d’évoquer les divisions entre putchistes et anti-putchistes Le capitaine Sanogo conserve une influence forte à la tête du Comité de réforme de l’armée et l’arrestation le 6 mars du directeur de publication du Républicain, Boukary Daou, pour avoir publié une lettre critiquant le capitaine Sanogo, est révélatrice du climat de tension qui règne à Bamako. Mais il ne s’agit que d’une partie du problème. Les relations entre les populations du nord et celles du sud du Mali sont loin d’être apaisées et différents acteurs du Nord-Mali, à commencer par le MNLA, cherchent à se positionner et à négocier leur influence future en mettant notamment dans la balance un éventuel désarmement. En fait, on est dans une phase de recompositions, potentiellement instable, et dont la principale garantie de stabilité est la présence et l’implication de la France ainsi que des États africains ayant envoyé des troupes au Mali.

Des élections censées offrir un pouvoir légitime aux Maliens sont annoncées pour juillet. Cette perspective est-elle réaliste ?


Tout dépend de ce que l’on souhaite comme élections et de ce que l’on en attend. Oui, plusieurs partis maliens ont annoncé une candidature ou des discussions en leur sein pour désigner un candidat. Oui, il s’agit d’un préalable dans un système international plaçant en haut de son échelle de valeur la démocratie. Oui, c’est un préalable à tout engagement américain au profit de l’armée malienne. Oui, enfin, des élections pourraient renforcer le pouvoir politique devant les militaires. Mais sur le fond, elles posent plusieurs questions à la communauté internationale. Quelles sont les attentes de la population malienne à satisfaire rapidement et élections en font-elles partie ? Dans quelle mesure les Maliens souhaitent-t-ils réellement des élections et, si oui, qu’en attendent-ils ? L'État malien est-il capable de garantir une élection incontestée ? L’ensemble des parties en présence vont-elles jouer reconnaître la légitimité des élections et en accepter les résultats ? Bref, les élections vont-elles créer de la stabilité ou, au contraire, nourrir l’instabilité ?

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