La France a un incroyable aveuglement... sur l'islam : le débat public est-il totalement décalé de la perception qu'en ont les Français au quotidien ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La haute juridiction a considéré que le licenciement de cette salariée constituait "une discrimination en raison des convictions religieuses" et devait être "déclaré nul"
La haute juridiction a considéré que le licenciement de cette salariée constituait "une discrimination en raison des convictions religieuses" et devait être "déclaré nul"
©Reuters

Malvoyants

La Cour de cassation a annulé, mardi 19 mars, le licenciement en 2008 de l'employée de la crèche Baby Loup qui avait refusé d'ôter son voile islamique. "S'agissant d'une crèche privée", et "en dépit de sa mission d'intérêt général", la haute juridiction a considéré que le licenciement de cette salariée constituait "une discrimination en raison des convictions religieuses" et devait être "déclaré nul".

Malika Sorel - Claude Sicard- Haoues Seniguer

Malika Sorel - Claude Sicard- Haoues Seniguer

Malika Sorel est essayiste et membre du Haut conseil à l'intégration.

Parmi ses ouvrages figurent notamment Le puzzle de l'intégration et Immigration, intégration – Le langage de vérité (Fayard / Avril 2011).Elle tient par ailleurs un blog.

Claude Sicard est agronome, docteur en économie, spécialiste du développement, auteur de deux livres sur l'islam, "L'islam au risque de la démocratie" et "Le face à face islam chrétienté-Quel destin pour l'Europe ?".

Haoues Seniguer est docteur en science politique, chercheur associé au GREMMO et enseignant de science politique à l'IEP de Lyon.

Voir la bio »

Atlantico : La Cour de cassation a annulé, mardi 19 mars, le licenciement en 2008 de l'employée de la crèche Baby Loup qui avait refusé d'ôter son voile islamique dans le cadre de son travail.  "S'agissant d'une crèche privée", et "en dépit de sa mission d'intérêt général", la haute juridiction a considéré que le licenciement de cette salariée constituait "une discrimination en raison des convictions religieuses" et devait être "déclaré nul".  Quelles peuvent êtres les dérives possibles entraînées par cette décision de justice ? N'est-on pas en train d'ouvrir une boîte de Pandore ?

Malika Sorel : Il y a plusieurs éléments qui choquent dans cette décision. Je vais en citer quelques uns. Le premier c’est que la Cour de cassation puisse se permettre d’endosser les habits d’une instance religieuse ou encore d’un centre d’experts de l’islam en décrétant que le voile serait un signe religieux. Dans le monde musulman, les spécialistes de l’islam eux-mêmes ne s’accordent pas toujours sur une même interprétation des textes religieux relatifs à ce point. L’un des passages les plus précis de ces textes recommande que les femmes se couvrent le bustier. Que vient donc faire la Cour de cassation dans ce sujet de l’interprétation de textes religieux ? La Cour outrepasse clairement le périmètre de son champ de compétences. Pourtant, à plusieurs reprises, l’avocat général s’est appuyé sur le contenu de l’audition par cette même Cour du spécialiste de l’islam Gilles Kepel, pour demander à la Cour de cassation de rejeter la demande de la salariée voilée. C’était le 12 février dernier et j’étais présente dans la salle.

Pour la Cour de cassation, demander à un salarié de respecter une neutralité religieuse inscrite dans le règlement intérieur s’apparenterait à une discrimination en raison de convictions religieuses. Si l’on voulait donner la démonstration au peuple français que sa Justice n’est plus systématiquement rendue en son nom, on ne s’y prendrait pas autrement. Que ce soit sur ce sujet, ou encore sur celui de la suppression des peines planchers et des tribunaux correctionnels pour mineurs, notre société est, bien malgré elle, engagée dans la voie de l’impunité.

Il ne faudra pas venir s’étonner ensuite de voir flamber la violence et la remise en cause des règles du vivre-ensemble dans notre société. Il y aura aussi d’autres conséquences dont celle pour les entreprises de craindre le recrutement de femmes issues de familles musulmanes qui pourraient, du jour au lendemain, arriver voilées. Dans cette affaire, comme dans bien d’autres, ce sont les femmes qui seront les premières à subir les conséquences. Pour ceux qui s’interrogeraient encore sur le voile, je citerai Abdelwahab Meddeb dans un article publié dans le journal le Monde en décembre 2009 : "Il n’y a pas de différence de nature ni de structure mais de degré et d’intensité entre burqa et hijâb, lequel est rien qu’en lui-même une atteinte au principe de l’égalité et de la dignité partagées entre les sexes."

Claude Sicard :Le jugement qui vient d'être rendu par la Cour de cassation est infondé : il atteste de la culture très insuffisante des juges en matière de droit constitutionnel, ce qui est tout à fait surprenant, et de droit musulman. Cela est consternant dans un pays comme le nôtre !

Pour ce qui est tout d'abord de la démocratie : chacun sait que ce système politique résulte de la Révolution de 1789 qui sous l'influence des philosophes des Lumières a fait faire à notre société ce que Marcel Gauchet a appelé une "sortie de religion". On est passé nous dit ce philosophe d'une société hétéronome dans laquelle les lois sont fixées aux hommes de l’extérieur (par Dieu et/ou un pouvoir royal de droit divin) à une société autonome dans laquelle ce sont les hommes eux mêmes qui se fixent les lois auxquelles ils vont être soumis. Et pour que la société vive en harmonie, on a exigé alors que les préoccupations religieuses des uns et des autres soient rangées dans leur sphère personnelle : elles ne doivent plus interagir avec la façon dont on organise la vie en commun des citoyens. Ce principe est fondamental, et cette mutation a été considérée comme un progrès déterminant au plan sociologique. L'État est devenu laïc. Il s'est trouvé que le christianisme qui était au XVIIIè siècle la religion de la grande majorité des Français est une religion qui peut se cantonner très facilement dans la sphère privée de chacun, Jésus n'ayant pas fixé, à la différence du Prophète Mahomet, les règles d'organisation de la société des hommes. Il est donc acquis aujourd’hui que dans une démocratie les préoccupations religieuses des uns et des autres soient mises de côté dans la façon dont on organise la vie en commun : ce principe est curieusement violé aujourd'hui avec l'arrivée et le développement de l'islam en France, et personne ne semble rappeler aux pouvoirs publics ce que sont les  principes fondamentaux de toute démocratie.

En ce qui concerne, ensuite, le second point : celui du droit musulman. Celui ci prévoit explicitement, mais nos dirigeants semblent l'ignorer (tout comme les représentants du culte musulman), que des musulmans ayant à vivre dans un pays non musulman (le "dar al harb") où ils se trouvent être minoritaires (et cette condition est essentielle) ont l'autorisation de ne pas respecter toutes les obligations coraniques et ce afin de ne pas créer de troubles dans leur société d'accueil. Exiger d'une musulmane qui vit dans notre pays qu'elle s'abstienne de porter le voile en public (et tout particulièrement sur son lieu de travail) est tout à fait conforme au droit musulman, et cela a été confirmé par la plus haute autorité d'al azhar au Caire. Il serait temps que nos autorités connaissent cette disposition du droit musulman : elle éviterait que l'on veuille nous imposer un peu partout la viande halal, la non mixité dans les piscines, les interruptions du travail pour cause de prière, etc.  Lorsque Nicolas Sarkozy était en charge du ministère de l’Intérieur il a été fort mal conseillé : il aurait du exiger que soit défini par les représentants du culte musulman un "islam de France", puis créer seulement ensuite le CFCM qui aurait eu pour mission de diffuser cet islam de France. Ayant pris le problème à l'envers, on a créé le CFCM  prématurément : au lieu de diffuser un "islam de France " (c'est à dire un islam en quelque sorte "reformé") le CFCM n'a fait qu'imposer aux autorités l'islam classique tel qu'il ressort de la lecture littérale du Coran.

Selon un sondage Ifop réalisé pour Le Monde, 74% des Français jugent l’islam intolérant. Et ils sont 68% à estimer que les musulmans ne sont pas bien intégrés. Au-delà de l’affaire Baby Loup, existe-t-il finalement un immense décalage entre la réflexion politique, philosophique et juridique portée par le débat public sur l’intégration des musulmans et la perception moyenne qu’en ont les Français au quotidien ?

Malika Sorel : Je crois que l’étude la plus intéressante, car elle donne aussi la voie à emprunter, c’est celle qui avait été menée par la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme et qui avait été publiée dans son rapport 2009. La moitié des Français sondés considéraient qu’il revenait aux personnes d’origine étrangère de se donner les moyens de s'intégrer, et 67% des Français y manifestaient un attachement très fort au principe de laïcité. Les Français ne cèderont pas sur leurs principes constitutionnels qui sont le fruit de leur histoire politique et culturelle. Ce n’est pas un décalage qui existe entre les élites politiques et le peuple mais un gouffre qui ne cesse de s’élargir et ce, année après année.

Claude Sicard : Il est conforme à l'islam que les musulmans ne s’intègrent pas dans notre société. Les raisons sont multiples et il y va de leur honneur. L'islam et le monde de la chrétienté devenu au cours du temps l'Occident sont en opposition depuis plus de treize siècles : pour des raisons doctrinales, pour des raisons historiques et, finalement, psychologiques. Il s'agit de deux blocs tectoniques qui se choquent nous dit le célèbre islamologue Malek Chebel. Le Prophète a dit aux musulmans que l'islam doit conquérir le monde et il leur a précisé qu"'ils sont la meilleure des communautés que Dieu ait jamais créée.Tout musulman est l’héritier de cette longue histoire et sa dignité veut qu'il ne la renie pas : c'est une affaire non plus tant de religion que d'identité. Les musulmans les plus extrêmes voudront nous imposer la charia : c'est une infime minorité. Les plus modernes et notamment les intellectuels musulmans qui vivent en Europe souhaitent que l'islam amène notre civilisation occidentale à faire une mutation, et c'est en fait ce qui va se produire à terme. Il suffit de lire les œuvres d'intellectuels comme le philosophe Abdenour Bidar, voire Tariq Ramadan : ils parlent d'une émergence future d'une nouvelle civilisation en Europe sous l'influence de la civilisation islamique, et cette mutation est d’autant plus probable que la civilisation occidentale européenne a amorcé à présent sa phase de déclin : elle n'a plus guère dans ses rangs de partisans pour la défendre. Pour des raisons donc d'identité et de conviction la société occidentale qu'ils ont sous leurs yeux est décadente, les musulmans européens auront donc tendance à ne pas s’intégrer : il faut savoir qu'un musulman lorsqu'on lui demande de s'identifier annoncera d'abord qu'il est musulman et ensuite seulement mentionnera le territoire dont il relève. On ne voit pas comment un musulman pourrait quitter le monde de l'islam pour adopter celui de l'Occident, deux mondes qui sont en opposition depuis l'apparition de l'islam au VIIè siècle.

Haoues Seniguer : Ce sondage comporte de nombreux biais méthodologiques que j'ai déjà signalés sur votre site. S'il ne faut certainement pas en exagérer la portée anxiogène, il traduit cependant une défiance certaine d'une partie de la population française vis-à-vis des musulmans. Il y a un malaise général autour de l'islam et des musulmans, et il serait hypocrite de le nier. La véritable question qui doit nous occuper est : quelle en est la genèse?

Comment expliquer ce malaise et comment y remédier ? 

Haoues Seniguer : Ce malaise, et je parlerai même de crispation à cet égard, d'une partie de notre société autour de l'islam et des musulmans est le symptôme, d'un côté, d'une "désintégration" de certains musulmans qui se réfugient alors dans des pratiques de la religion, même minoritaires, très rigoristes, voire sectaires, aux fins de fuir un quotidien parfois difficile à supporter; ces derniers se réfugient alors dans une espèce d'identité réinventée ou mythifiée qui leur assure une forme de cohésion sociale alternative via la protection du groupe, et, de l'autre, le symptôme de la situation socio-économique actuellement très difficile, voire désastreuse d'un certain nombre de Français, lesquels reportent nolens volens leur colère sur les concitoyens musulmans, parce qu'ils sont abreuvés parfois de discours politiques qui jettent de l'huile sur le feu...Résultat : les "identitaristes" de tous bords se renforcent sur fond de paupérisation généralisée, à laquelle les politiques répondent ou bien par l'ethnicisation des questions sociales ou bien par des réformes sociétales.

C'est pourquoi, chacun de nous, pour y remédier, et de là où il se trouve, doit prendre sa part de responsabilité en levant tous les tabous : mettre en évidence la radicalité religieuse de certains musulmans, individuels ou collectifs, qui doivent procéder à leur autocritique, pointer un certain discours politique ou identitaire qui entretient l'amalgame au sujet de l'ensemble des musulmans, tout en prétendant distinguer les "modérés" des "intégristes", etc. Si l'on fait ce diagnostic, sans fausse mauvaise conscience, alors nous aurions, ensemble, accompli un grand pas vers un mieux-vivre ensemble.

Jeannette Bougrab a déclaré : "C'est un jour sombre pour la République parce qu'on met à mal la laïcité". Mais le principe de laïcité n'est-il pas finalement dépassé pour résoudre tous les problèmes, surtout pratiques, que pose l'islam en France ? De manière générale, les réponses théoriques peuvent-elles être adaptées face à une religion dans laquelle la pratique prédomine ?

Malika Sorel : Si cela n’était qu’une question de jour sombre ! Ce qui est en jeu c’est bien davantage car c’est la menace d’un crépuscule qui pèse de plus en plus sur notre capacité à vivre ensemble ; sur notre République ; sur notre pays. La Laïcité c’est la digue qui protège la France. C’est elle qui peut permettre une cohabitation harmonieuse. J’ai longtemps vécu en Algérie et j’y ai connu deux périodes distinctes. L’une où la religion, donc l’islam, n’était pas utilisée par les uns pour empiéter sur les libertés des autres, et une autre période où la religion a investi tous les lieux publics et a peu à peu dressé les gens les uns contre les autres jusqu’à l’effroyable guerre civile qui a dévasté la société algérienne. On a tort de refuser la laïcité aux musulmans. La Laïcité est aussi une protection pour eux et pour tous ceux qui souhaitent vivre en paix.

Claude Sicard : Je suis d'accord avec Jeannette Bougrab : la laïcité est un principe essentiel. Il implique que pour l'organisation de la vie en société les hommes décident de ce qu'il convient de faire sans prendre en compte les préoccupations religieuses des uns et des autres. C'est un principe fondamental auquel il n'y a pas lieu de déroger. Il y a dans une société moderne des citoyens de différentes religions et des citoyens athées : pour assurer la bonne cohésion de la société et la paix sociale, les préoccupations religieuses des uns et des autres doivent être neutralisées.

Haoues Seniguer : À mon avis, on ferait une erreur d'analyse majeure, et, en même temps, on commettrait une faute morale immense, si l'on admettait que le principe de laïcité est dépassé. Pourquoi ? Parce que cela, au préjudice de l'ensemble de la société française, signifierait d'une part, que le principe laïque n'est pas aussi universel que ses grands promoteurs le prétendaient au tout début du siècle dernier (et ils avaient raison de croire en ses vertus), et, d'autre part, que les musulmans ou l'islam de France seraient à ce point "exceptionnels", "extra-ordinaires", qu'il faudrait en conséquence réviser la laïcité pour ou contre eux ! Seulement la lecture de laïcité a évolué ces dernières années, notamment après la loi sur les signes religieux à l'école en 2004, et, ainsi, depuis lors, des confusions ont germé dans les esprits et se sont désormais bien installées. Qu'est-ce à dire ? Originairement, le principe de laïcité s'appliquait aux agents du service public et, plus récemment, à certains de ses usagers (à l'école par exemple). Or, force est de constater que s'il existe, de façon extrêmement minoritaire, des atteintes à la laïcité perpétrées par des musulmans, ces derniers, dans leur immense majorité, n'ont toutefois jamais demandé, à ma connaissance, la réécriture ou la réforme de la loi de 1905. En revanche, c'est bien chez certaines personnalités politiques ou publiques que germe l'idée d'une extension de l'empire de la laïcité dans l'espace social, à l'épreuve du fait musulman. Ce serait à mon avis le meilleur cadeau (empoisonné) qui serait fait aux "intégristes" de tout poil !

Faut-il définir une bonne fois pour toute ce que la société française est prête à accepter en termes de pratique de l'islam et, à l’inverse, assumer de manière décomplexée ce qu’elle décide de rejeter ?

Malika Sorel : Cela s’appelle la Charte des droits et des devoirs du Citoyen que le Haut Conseil à l’Intégration, dont je suis membre, a remis en novembre 2011 au précédent gouvernement. Il y a bien d’autres textes qui existent et sur lesquels nous pouvons nous appuyer, à commencer par la Constitution. Notre principal problème c’est que depuis plus de trente ans la volonté politique a déserté.

Claude Sicard : Au titre de l'application des règles de la démocratie, aucune revendication des musulmans au titre de leur religion ne peut être acceptée pour modifier les modes d'organisation de notre vie en société. Et ce d'autant que les musulmans se trouvent autorisés par le droit musulman à ne pas respecter toutes les obligations coraniques lorsqu'ils ont a vivre dans un pays non musulman où ils se trouvent être minoritaires. Ces dispositions de la loi musulmane semblent complètement ignorées par nos dirigeants, ce qui est paradoxal ! Et les musulmans se gardent bien, évidemment, d'en faire état dans la mesure où l'on a consenti jusqu'ici à ce qu'ils fassent valoir leur droit à pratiquer leur religion comme ils l'entendent. Il faut donc s'en tenir aux stricts principes de la laïcité, et rester très fermes sur cette ligne.

Haoues Seniguer : Le droit, le débat critique et contradictoire doivent être les seuls maîtres mots.

La loi sur l’interdiction de la burqa n’est pas forcément appliquée. Les réponses à apporter aux problèmes liés à l’islam sont-elles forcément juridiques ? 

Malika Sorel : Un État qui révèle son impuissance à faire respecter les lois doit être remanié en profondeur. Souvent, j’entends dire que la République a échoué. Non, la République n’a pas échoué. C’est l’État qui a échoué à défendre la République. Ce n’est pas pareil.

Haoues Seniguer : Non, la loi ne peut évidemment pas tout résoudre ; quelquefois, celle-ci peut même au contraire crisper, braquer ou radicaliser des musulmans (individus ou groupes), et c'est alors que certains groupuscules se réclamant de l'islam en profitent justement pour gonfler leurs rangs en cultivant un discours victimaire, identitaire, protestataire, voire haineux contre la République et le reste de la société, au plus grand dam des franges plus libérales de l'islam français. 

Quelles réponses concrètes la loi peut-elle, néanmoins, apporter pour éviter les dérives sans se heurter notamment au droit européen ?

Malika Sorel : Les travaux de la mission Laïcité du Haut Conseil à l’Intégration ont mis en évidence le fait que sur le terrain, le terme de feu était celui qui était à présent le plus approprié. Que ce soit dans nos universités ou dans le monde des entreprises, partout le vivre ensemble se retrouve en péril, menacé de partir en fumée. Le président de la République a dit qu’il envisageait que le gouvernement légifère par ordonnances afin de réformer plus vite. Voilà un sujet où il pourrait montrer aux Français qu’il est capable de se mobiliser rapidement pour éteindre le feu à l’intérieur de nos frontières et pas simplement en opérations extérieures. Il est urgent que la loi permette que tous les règlements intérieurs puissent intégrer le respect du principe fondamental de la laïcité. Il n’y a pas qu’à l’école ou dans les services publics que l’on est appelé à vivre ensemble !

Vous évoquez le droit européen. À force de vouloir se construire sur le cadavre des nations européennes, les technocrates ont mis en danger la grande ambition première du projet européen. Il appartient à nos politiques d’imposer le respect d’un principe fort simple, celui de la subsidiarité. Les nations ne mourront pas. Elles sont l’aboutissement d’un long processus historique. Elles sont le lieu géographique, culturel, psychologique, affectif et politique où s’exprime et se traduit la fameuse solidarité si bien exprimée par Ernest Renan. À nos concitoyens auxquels je demande de se mobiliser en faveur de notre laïcité, j'offre ces sages paroles de Victor Hugo à méditer sans modération : "La protestation du droit contre le fait persiste à jamais. Le vol d’un peuple ne se prescrit pas. Ces hautes escroqueries n’ont point d’avenir. On ne démarque pas une nation comme un mouchoir."

Claude Sicard : Le seul moyen d’éviter d'être sanctionné par l'Europe en interdisant que des musulmans fassent valoir leurs obligations coraniques pour modifier l'organisation de notre vie en société telle que notre pratique républicaine l'a conçue est de s'en référer au droit musulman. En exigeant des musulmans européens qu'ils fassent quelques entorses aux règles coraniques on est fidèle au droit musulman et la Cour de justice européenne n'aurait rien à y redire.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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