Intronisation de François : un nouveau souffle, oui mais pas la rupture que veulent y voir les médias<!-- --> | Atlantico.fr
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Le pape argentin pourrait bien apporter un nouveau souffle à cette institution millénaire
Le pape argentin pourrait bien apporter un nouveau souffle à cette institution millénaire
©Reuters

Révolution tranquille

La messe inaugurale du Pape François a confirmé la révélation d'un style novateur sur la perception du rôle de l'Église. Sans tomber dans le piège médiatique de la "modernisation" du Vatican, on peut affirmer que l'ex-cardinal argentin pourra bel et bien apporter un nouveau souffle à une institution millénaire.

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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Atlantico : Le Pape François a placé hier sa messe inaugurale sous le signe de la "tendresse" à l’égard des pauvres. Cette posture originale confirme t-elle qu’il est prêt à imposer un nouveau souffle au Vatican ? 

Nicolas Diat : Je ne pense pas qu’il faille parler de rupture car on aborde alors le phénomène avec un œil politique, ce qui reste une erreur d’analyse dans la compréhension de l’Église et de son fonctionnement. Chaque pape a toujours eu sa personnalité propre et l’on peut bien sûr affirmer que François possède un style différent de celui de Benoît XVI ou de Jean-Paul II, mais cela ne signifie pas qu’il engagera une "rupture" avec les papes précédents. Autrement dit, le message change en fonction des papes mais l'Église reste fondamentalement la même. Si j'osais une comparaison un peu provocante, je dirais que Clemenceau déclarait en son temps que la Révolution française devait être analysée comme un bloc et qu’on ne pouvait pas dissocier l’une ou l’autre de ses périodes. Il en va de même pour l’Église. On ne peut se contenter de retenir les éléments qui intéressent (modernisation et ouverture par exemple) et oublier au passage la continuité propre à l'histoire de l’Église. 

Néanmoins, le fait de choisir, comme vous l’avez mentionné, le mot tendresse lors de sa messe inaugurale est une action forte qui fait écho à l’ensemble des déclarations prononcées depuis le début de ce pontificat. François avait ainsi appelé lors de sa première messe à la Chapelle Sixtine (le 14 mars dernier, NDLR) à rejeter la mondanité tout en insistant sur le fait que l'Église, sans la foi, était condamnée à n’être qu’une "ONG piteuse". Il a affirmé deux jours plus tard devant les journalistes, salle Paul VI, qu’il aimerait une Église pauvre au service des pauvres, puis il a consacré son premier angélus à la miséricorde et au pardon. On peut dire que François a déjà réussi à imprimer une marque très personnelle et l’on peut s’attendre à certaines "nouveautés". Paradoxalement nous allons probablement vers un pontificat marqué par une grande liberté de parole, de paroles très concrètes, pleines de sensibilité, et en même temps son message est radical, tourné vers l'essentiel. De même, le cardinal Bergolio a réussi à gagner les esprits durant les Congrégations générales (rassemblement des cardinaux qui précède le Conclave fermée) en tenant un discours bien plus généreux et sensible que ceux des favoris, Angelo Scola et Odilo Scherer. Cette liberté de ton et cette humanité ont été déterminantes dans son élection. 

Le Pape François peut-il dépasser les luttes internes du Vatican pour imposer sa marque ?

Depuis son élection, il a pu avoir accès au rapport sur l’affaire Vatileaks commandé par son prédécesseur, et il est évident que cela aura un impact sur sa façon d'appréhender le gouvernement de l’Église. Cela va lui permettre de savoir quelles sont les personnes, prélats comme laïcs, qui ont pu être impliquées dans des dérives et de choisir avec discernement ses prochains collaborateurs. Contrairement à la plupart des précédents Papes, il a décidé de ne pas renouveler immédiatement la Curie (ensemble des institutions du Saint Siège, NDLR) en préférant reconduire les divers représentants des dicastères (ministères) jusqu’à ce qu’il ait pris le temps de composer sa nouvelle équipe. 

Le choix du secrétaire d'État, de son bras droit, sera très important. A tous égards, un choix crucial. La nomination du cardinal Bertone en septembre 2006 a été l'erreur majeure de Benoît XVI. Le secrétaire d'État de Benoît XVI a été incapable de gouverner la Curie. Le Pape François a le choix de prendre un diplomate ou non (Benoît XVI n'avait pas pris un ancien nonce, ce qui lui avait été beaucoup reproché). Il peut également prendre quelqu'un qu'il connaît personnellement, ou faire le choix d'apprendre à travailler avec un prélat qui ne fait pas parti de son entourage ancien. Et puisque le nouveau Pape est non-européen, il y a de fortes chances que le futur secrétaire d'État vienne du Vieux Continent. Visiblement, le Pape François a l'intention de prendre son temps, et il a raison car il s'agit d' un choix qui va engager son pontificat. Le nouveau pape a tiré certaines leçons des multiples problèmes de gouvernance qui ont tant fait souffrir Benoît XVI. 

Par ailleurs, la réforme de la Curie visera aussi le caractère trop souvent "auto-référentiel" (ce sont les propres mots de François) d’une Église qui a parfois pu manquer de simplicité. Un autre de ses grands chantiers concerne l’ouverture vers un pontificat plus universel, là ou Benoît XVI avait explicitement décidé de concentrer une grande part de sa réflexion et de son action à l'identité chrétienne de l'Europe. La nationalité du Pape François est déjà un message en lui-même : nous avons quitté, peut-être pour longtemps, une papauté européenne pour une papauté latino-américaine, c'est un fait historique. Le pontificat de François commence aujourd'hui. Il a déjà su créer les conditions d'un très belle envol. Les temps à venir seront certainement riches d'évènements importants.

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