Des traces même dans l'eau en bouteille : que sait-on vraiment de la dangerosité des pesticides ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Les bouteilles d'eau minérale contiennent des pesticides.
Les bouteilles d'eau minérale contiennent des pesticides.
©Reuters

Vous avez dit "toxique" ?

Des traces de médicaments dans les rivières, des traces de pesticides dans les bouteilles d'eau... Nous sommes exposés plus que jamais à des substances dangereuses pour l'organisme. Il faut malheureusement souvent 15 à 20 ans pour découvrir ces effets : nous réalisons aujourd'hui les conséquences des produits utilisés dans les années 1990.

Jean-François Narbonne

Jean-François Narbonne

Jean-François Narbonne est l'un des experts de l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, professeur de Toxicologie, expert pour l’affaire du Chlordécone.

Il est par ailleurs professeur à l'Université de Bordeaux 1 et docteur en nutrition.

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Atlantico : Pouvez-vous nous rappeler très concrètement pourquoi les pesticides sont dangereux ? Quels sont les effets et les risques sur ceux qui les utilisent, et, en bout de chaîne, les consomment ?

Jean-François Narbonne : Les pesticides sont des substances qui servent à tuer plusieurs formes de vie, que ce soit les insectes en attaquant le système nerveux (ce qui est aussi directement toxique pour l'homme, et provient même des anciens gaz de combat), des herbes, en bloquant notamment la photosynthèse, ou des champignons.

Donc il peut y avoir un effet direct de la molécule dans le cas des insecticides, ou des effets secondaires de molécules qui agissent comme des perturbateurs endocriniens. Enfin il y a aussi les risques liés aux solvants présents mélangés à ces produits, qui ont même souvent une toxicité plus forte.  

Y a-t-il des évolutions qui réduisent la dangerosité des pesticides ? Existe-t-il des pesticides avec un risque pour la santé nul ou négligeable ?

Il y a toujours par nature un danger potentiel, puisque le pesticide est conçu comme un produit toxique fait pour tuer la vie, sinon ce ne serait pas un pesticide ! Cependant, on est passé de 1 300 molécules autorisées il y a une quinzaine d'années, à 300 aujourd'hui. Beaucoup plus récemment, on a commencé à interdire certains adjuvants, notamment celui qui était dans le Roundup et était extrêmement toxique pour les membranes. On voit que les mesures de précaution ont été prises. 

Je tiens quand même à rappeler une petite chose : les premiers produits toxiques pour l'homme, ce ne sont pas les pesticides, ce sont les médicaments. Il y a plus de résidus de médicaments dans les rivières que de traces de pesticides.  

Les normes maximales fixées pour l'utilisation des pesticides, quand elles sont respectées, sont-elles efficaces ? Un produit de consommation qui ne dépasse pas une certaine dose de pesticides est-il réellement inoffensif ?

Tout à fait. Un produit qui respecte la réglementation, même si on peut toujours discuter de la dose jugée admissible, est inoffensif. Il n'y a aucun risque à consommer ces produits. Bien sûr, il est toujours mieux de ne jamais consommer la moindre dose de pesticides, mais si l'on compare les avantages sur la santé de consommer des fruits et légumes, même issus de l'agriculture conventionnelle (donc avec des résidus de pesticides), avec tous les bénéfices pour la santé pour les maladies cardiovasculaires et les cancers, il y a largement un gain à les consommer.

Sait-on tout aujourd'hui sur la dangerosité des pesticides ou y a-t-il un risque envisageable que certains effets ne soient découverts que dans 20 ans sur des produits que nous consommons aujourd'hui ? Comment le savoir ?

C'est vrai qu'il y a souvent un délai de vingt ans entre l'exposition aux produits et l’apparition des maladies. Donc, ce qui alerte les médecins aujourd'hui sont des pathologies qui n'ont pas été causées par les pesticides que l'on utilise actuellement. Demander l'interdiction des pesticides d'aujourd'hui n'a donc pas de sens, puisque les produits utilisés ne sont plus les mêmes.

Aujourd'hui, de nombreuses mesures ont été prises : on a fortement baissé le nombre de molécules utilisées, on a ôté les adjuvants les plus toxiques, on a changé les comportements des utilisateurs en poussant à stocker les produits loin des habitations ou en imposant un délai entre le traitement d'une parcelle et le fait de pouvoir y retourner. Cependant on ne verra les effets de ces mesures que dans dix ou quinze ans. Mais clairement, on a fortement amélioré les pratiques pour réduire les risques.

Pour le consommateur enfin, la dose de pesticide que l'on retrouve dans l'alimentation est plutôt plus faible que d'autres contaminants comme les phtalates ou les médicaments. Il y a toujours ce problème de perception du grand public : les gens voient le côté positif du médicament, sans voir les risques, alors que les pesticides représentent un problème bien moins important.  

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