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Que va vraiment rapporter le contrat Airbus ?
©REUTERS/Gonzalo Fuentes

Des commandes qui décollent !

Airbus a signé ce mardi, à l'Élysée, une commande avec la jeune compagnie indonésienne Lion Air. L'occasion pour l'avionneur français de réaliser son record : 234 avions pour 18,4 milliards d'euros.

Pierre  Sparaco

Pierre Sparaco

Pierre Sparaco est journaliste aéronautique depuis le début des années soixante. Il est également président de la section Arts, Histoire et Lettres de l’Académie nationale de l’Air et de l’Espace.

Après de nombreuses années consacrées au bimensuel français Aviation Magazine, il a rejoint en 1992 l'hebdomadaire américain Aviation Week & Space Technology.

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Atlantico : Une commande record a été signée à l'Élysée ce mardi entre la compagnie indonésienne Lion Air et Airbus. L’objet de la performance : 234 appareils de la famille des A320 vendus pour la modique somme de 18,4 milliards d’euros. Que va vraiment rapporter le contrat Airbus ?

Pierre Sparaco : En fait, c’est une commande qui prolonge évidemment de manière spectaculaire le succès de la famille de l’A320. Cela renforce d’autant que le carnet de commandes déjà bien rempli de l’avionneur, correspondant à huit années de production garanties au rythme actuel. Pourtant, il n’en résultera pas, a priori, de créations d’emplois parce que la cadence de production ne va pas être modifiée pour autant. Aujourd’hui, 42 exemplaires sont prêts à être livrés chaque mois, avec ou sans la commande indonésienne. En effet, il ne s’agit que d’un quiproquo lors de la signature du contrat à l’Élysée : François Hollande a parlé de la création de 5 000 emplois mais il s’agit, faute de mieux, de l’assurance de conserver des emplois existants.

Les Airbus, sur un plan administratif, sont des avions français (même ceux qui sont assemblés en Allemagne). Ils représentent un apport important dans la balance commerciale même si celle-ci ne devrait être créditée que de la partie finalisée sur notre territoire. Pour l’A320 dont nous parlons, le prix catalogue s’élève environ à 100 millions de dollars, sachant que 42 exemplaires sont assemblés chaque mois, autant dire que le bénéfice est considérable, bien que le prix catalogue ne soit pas nécessairement respecté… C’est une activité industrielle exceptionnellement importante, et l’exception qui confirme la règle dans le contexte économique actuel grâce à une croissance à faire pâlir les autres industries !

Où seront-ils produits ?

Sur plusieurs sites dans le monde. C’est ce que l’on appelle dans le jargon de l’industrie aéronautique européenne le "système Airbus", mis en place il y a 40 ans, lors du lancement du tout premier avion de la marque. Il consiste à répartir la fabrication dans les différents sites du groupe en évitant toute duplication. Par exemple, les usines anglaises fabriquent uniquement les ailes d’un avion. Puis les différents sous-ensembles sont dirigés soit en France à Toulouse - selon le modèle d’avion -, soit en Allemagne à Hambourg, où aura lieu le travail d’assemblage, et non pas de "fabrication".

Et que dire des transferts de technologies ?

L’inquiétude est mythique. Il est notamment entretenu par la presse. Voyons l’exemple de la Chine. L’avionneur y possède une usine qui assemble quatre avions par mois. Usine qui sera bientôt également implantée aux États-Unis, pour une cadence similaire. Là-bas, on peut assembler des sous-ensembles sans pour autant qu’il y ait de transferts de technologies. Bien entendu, quand vous assemblez un avion vous apprenez comment il est fait… mais les employés ne maîtrisent pas les nouveaux alliages, ni les moteurs derniers cris. Le but n’est pas d’éviter que les étrangers n’en apprennent davantage. En réalité, la maison Airbus n’est pas inquiète puisque là où les secrets technologiques sont gardés, il n’y a pas de fuites.

C’est la première fois qu’un contrat conclu entre Airbus et un client privé se signe à l’Élysée. Que faut-il y voir ?

Il semble que ce soit de la pure récupération politique puisque l’Élysée et les différents membres du gouvernement ne sont intervenus à aucun moment dans la négociation avec Lion Air. On peut imaginer que le client soit heureux de voir la réussite de cette commande d’envergure soulignée par le président de la République certes, mais le mérite revient entièrement à l’avionneur français. D’ailleurs, cela m’étonnerait que ce soit Airbus qui soit à l’origine de cette mise en scène dans laquelle il n’a finalement aucun intérêt !

Globalement, le marché de l’aviation européen se porte-t-il aussi bien qu’on aimerait le croire ?

L’an dernier, Boeing est repassé devant Airbus, une année record pour l’avionneur américain. Mais il suffit d’une commande très importante pour augmenter les chiffres… Ce mardi par exemple, une jeune compagnie a passé une commande record de 234 avions. Le lendemain, Ryanair a annoncé une commande de 175 avions chez Boeing. On comprend bien que le rapport de force est très variable ! La répartition du marché oscille entre 46 % et 54 %, pour l’un ou pour l’autre.

Aussi, il faut comprendre que, contrairement à l’industrie automobile par exemple, le transport aérien se porte très bien. En sa faveur : il n’est ni français, ni européen. Il est mondial. L’an dernier, ce mode de transport a progressé d’environ 6%, ce qui est exemplaire. La seule chose qui compte étant la demande en termes de voyage. Même si des compagnies telles qu’Air France sont en difficultés, la demande ne cesse d’augmenter, ce qui laisse présager une excellente visibilité pour, au minimum, les vingt prochaines années.

Nous sommes dans une période faste pour l’industrie aéronautique parce que, ces dernières semaines, des commandes importantes ont été passées. Les compagnies ont besoin de 12 à 13 000 avions par an à la fois pour remplacer les anciens trop gourmands en carburant et bien évidemment pour augmenter la capacité d’accueil. Cela dit, vendre 2500 avions annuellement n’est pas tenable sur la durée. Nous finirons nécessairement par arriver à saturation du marché, à l’absurde.

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