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Genève 2013, luxe et confort pour un marché automobile en quête d'apaisement
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Tendances

Retour sur les grandes tendances qui ont émergé lors du Salon de l'automobile de Genève, entre innovations et marché morose.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Le 83e Salon de l’automobile de Genève a fermé ses portes le 17 mars sur un constat de succès: 690 000 visiteurs, soit 2% de moins qu'en 2012. L’automobile attire toujours autant de curieux et de passionnés. La crise de l’automobile était en effet peu discernable dans les allées du salon. Toutefois, chez les grands constructeurs, les budgets plus serrés ont conduit à moins de débauche de prototypes, d’effets d’annonce tapageurs, de démonstrations spectaculaires. Ils se font plus discrets face à un marché incertain, même en Asie. Néanmoins, la tonalité générale des produits reste orientée vers le haut de gamme et les fortes motorisations pour séduire plus volontiers un consommateur aisé, ou asiatique, qu’un client européen contraint.

L’automobile reste toujours, en dépit des crises, un objet de désir paradoxal. Les voitures de très haut de gamme, inaccessibles, et inutilisables dans leurs spécificités techniques extrêmes, déploient tous leurs chromes et leurs cuirs. Elles marquent encore ce salon qui fait du luxe et de l’exception une tradition accentuée, comme chaque année, par la présence visible de très nombreux carrossiers et préparateurs. Cette fête de l’automobile d’exception continue à attirer les foules qui n’hésitent pas à se masser devant les stands de voiture de luxe pour apercevoir la dernière Ferrari ou Maserati, ou s’extasier devant la McLaren P1, déjà mythique, ou la Koenigsegg de plus de 1000 CV dans sa livrée toute pailletée d’or que l’on imagine destinée aux nouveaux milliardaires chinois.

En revanche, il faut chercher les nouveautés sur le front de la voiture raisonnable, accessible économiquement et dont la trace environnementale est peu visible. Il y a incontestablement un retrait de la "voiture propre" en ce printemps 2013 comme si cet engouement fébrile destiné, depuis 2008, à sauver l’industrie automobile en danger, était retombé. Il n’y a plus d'espace consacré aux motorisations alternatives ni de piste d’essai de véhicules électriques, et les produits innovants se cherchent dans les stands.

Il y a plusieurs raisons à cette situation. Le monde de l’automobile est pragmatique. La mévente des voitures électriques sur le marché européen conduit les constructeurs à minimiser leurs investissements dans ce qui apparaît devoir rester longtemps un segment marginal malgré les immenses avantages du véhicule électrique. La déconfiture en Israël du modèle de location Better Place, malgré 2000 bornes et 21 stations d’échange de batteries, a aussi désenchanté le marché. L’ensemble des voitures à motorisation alternative ne représente en 2012 en Europe que 2,5 % du marché. Et parmi celles-ci, 70% sont des hybrides. D’autre part, alors qu’en 2008 les voitures "zéro émission" représentaient un espoir fédérateur, le marché aujourd’hui s’est consolidé et a opéré des choix. Les véhicules existent, sont en vente, peuvent être essayés chez les concessionnaires. Et on observe une segmentation naturelle entre le haut de gamme très cher, bien représenté à Genève par Fisker, qui a vendu 44 voitures en Suisse en 2012, et Tesla qui exposaient leurs berlines statutaires, ou BMW qui annonce l’entrée en production de ses I3 et i8 , et l’entrée de gamme accessible avec la séduisante Zoé de Renault, très mise en valeur pour fêter son entrée officielle sur le marché après avoir été visible depuis longtemps sur les salons en tant que concept car. Renault est le seul constructeur généraliste à continuer à valoriser le véhicule électrique aux côtés de ses motorisations thermiques optimisées et de l’utilisation de start & stop. Mitsubishi expose sa "Mitsubishi house" qui installe la voiture électrique comme réserve d’énergie connectée à un réseau électrique intelligent. Volkswagen présente sa e-Up ! électrique annoncée sur le marché pour 2014.

Il faut aussi noter que si l’électrique donne le sentiment d’avoir perdu sa dynamique, les véhicules hybrides connaissent un succès réel. La plupart des constructeurs ont désormais emboîté le pas au groupe Toyota et proposent dans leur gamme des motorisations hybrides. L’hybride est donc clairement entré dans une phase de normalisation.

PSA développe sur ses modèles Citröen et Peugeot (DS5, 3008) son système Hybrid 4 qui a fait l’objet de 20000 commandes en 2012. Le groupe présente également sa recherche sur le système Hybrid Air, avec moteur pneumatique et gaz comprimé. Honda poursuit le développement de sa stratégie hybride avec une petite Jazz. Même Nissan s’engage dans cette voie, même si Renault pour l’instant ne s’y est pas engagé, alors que sa Leaf pure électrique ne faisait pas l’objet de la même mise en scène que lors des années précédentes. GM adapte à sa légendaire marque Cadillac sa chaîne de traction électrique à prolongateur d’autonomie, développée pour la Volt, sur son coupé ELR.

L’hybride gagne du terrain chez tous les constructeurs mais l’opiniâtreté de Toyota est récompensée. Son stand illustre le savoir-faire de la marque dans ce domaine avec quatre véhicules de toutes tailles - Prius +, Prius, Auris, Yaris- désormais bien installés sur le marché, puisque Toyota et Lexus ont dépassé quatre millions de véhicules vendus depuis la première Prius confidentielle de 1997, dont 500 000 en Europe, soit 13% des ventes du groupe Toyota en Europe. Les hybrides plug-in, comme la Prius, tentent la synthèse entre électrique pur et hybride, à l’instar de la Volvo V-60 ou de la Chevrolet Volt.

Les motorisations à pile à combustible à hydrogène sont plus discrètes. La Hyundai ix 35 Fuel Cell se présente comme la première voiture de série à hydrogène, avant la Classe B F-Cell de Mercedes Benz alors que Honda expose une fois encore la même iconique Clarity. Toyota qui a pourtant de grandes ambitions en matière d’hydrogène ne reprend pas ce thème sur son stand comme cela avait été fait à Paris.

Pour relancer le marché, il est clair que l’évolution des motorisations vers des solutions moins gourmandes en carburant ne suffit pas. L’avantage en coût d’usage sauf pour les gros rouleurs ne justifie pas l’investissement. Aussi les constructeurs continuent à déployer de larges gammes pour couvrir tous les micro-segments de marché. On veut séduire en proposant des véhicules personnalisables, flatteurs, tellement personnalisables que la revente sur le marché de l’occasion risque de poser problème. Les mini-SUV de Renault, avec Captur, de Peugeot, avec 2008, Opel, avec sa Mokka sacrifient à cette tendance du multicolore.

Il faut aussi noter que plusieurs groupes misent sur l’Internet embarqué pour séduire leurs clients mobiles et connectés. C’est le cas de Renault avec son très complet système R-Link et de Ford avec Sync. Enfin carrosseries et environnement intérieur se font plus flatteurs pour renforcer le caractère distinctif et redonner un plaisir esthétique aux conducteurs.

Il faut aussi relever quelques symboles dans ce monde automobile qui en est très friand.

- Les constructeurs chinois sont les grands absents de ce salon. Geely, BYD ont disparu. Visiblement leurs ambitions européennes sont brisées par le marché. Seul un nouveau venu, Qoros, montre sa volonté de vendre en Europe un véhicule haut de gamme à prix cassé, GQ3, une berline tricorps très typée BMW Série 5. Ce stop and go des constructeurs chinois, qui n’engendre pas la confiance, illustre un manque de cohérence et de vision dans leur approche de l’Europe.

- Si le groupe Volkswagen affiche sa puissance en déclinant avec force toutes ses marques dans un même espace, si le groupe Fiat en fait de même en montrant la cohérence Fiat/Chrysler et esquissant même un rapprochement Alfa Roméo/ Ferrari avec la 4C, l’Alliance Renault-Nissan, en revanche, choisit une discrète et curieuse dispersion en diluant l’entrée de gamme Dacia et son haut de gamme Infiniti, avec sa nouvelle berline Q50, très loin des stands Renault et Nissan.

- Les véhicules alternatifs qui avaient marqué les précédents salons ont quasiment disparu à l’exception d’un intéressant stand du département des Yvelines qui met en valeur sa contribution au renouveau de l’automobile en montrant des véhicules automatiques de transport et des véhicules de livraison électriques. Deux véhicules cherchent également à explorer la voie des systèmes automatiques de transport : le MicroMAX du suisse Rinspeed et Edag. Répondant au Twizy de Renault, le trois-roues de Toyota i-road est une figure de style sans grande ambition commerciale. Il faut également mentionner l’étude de Volkswagen pour un véhicule descendant au-dessous d’un litre aux 100 de consommation, la VW XL1, doté d’un système de propulsion hybride diesel/électrique de 0,8 l de cylindrée, d’une structure en fibre de carbone et surtout d’un aérodynamisme exceptionnel avec un Cx de 0,189. Ce véhicule ne répond en rien aujourd’hui à des critères d’industrialisation !

- Au moment où les véhicules diesel font l’objet d’une vigoureuse mise en garde en matière de santé publique, on ne sent pas chez les constructeurs une prise de conscience du sérieux de cette situation.

Genève 2013 s’inscrit bien dans la tradition d’un salon attractif, ouvert et séduisant, panorama représentatif de l’automobile mondiale. Il est vrai que le marché suisse a continué à croître de 3% en 2012. Il n’en reste pas moins vrai que les espoirs mis un temps sur la volonté de l’industrie automobile de trouver des pistes nouvelles audacieuses pour s’affranchir de la contrainte pétrolière et mieux s’insérer dans l’espace urbain sont aujourd’hui déçus. Est-ce un renoncement provisoire face à la crise, ou au contraire la tentation du retour au bon vieux temps de la croissance alimentée par les marchés émergents ?

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