Propagande kadhafiste : quand la mort s'exhibe<!-- --> | Atlantico.fr
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La propagande de guerre...
La propagande de guerre...
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Guerre des images

La propagande fait partie intégrante d'une guerre. Le révolution libyenne ne déroge pas à la règle. Les images d'atrocité diffusées par la télévision d'État répondent aux déclarations de la coalition sur l'absence de dégâts collatéraux.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Kadhafi a, paraît-il, ses "spin doctors". Pourtant les rares images de la télévision libyenne ne témoignent pas d'une inventivité stupéfiante. Après ses discours (au monument des bombardements de 1986, sous un parapluie surréaliste dont le symbolisme intrigue, haranguant des foules maigrelettes..) voici les images prévisibles qui rappellent  celles d'avant la chute de Saddam en 2003.

Bande son de slogans... Fausses annonces de triomphes mirifiques. Foules impatientes de mourir pour Mouamar (mais cadrées assez serré pour qu'il soit difficile de les compter)... Bambins revêtus du vert de l'islam et expliquant face à l'objectif qu'ils n'ont pas peur... Petit moment kitsch : des orchestres patriotiques poussent la mélopée.

La mort en gros plan

Il y a les inévitables enterrements de présumées victimes civiles des bombardements. Et une caméra qui s'attarde  sur les cercueils. Comme les habitants de Belgrade (1999) ou de Bagdad (2003), les bombardés de Tripoli parlent aux bombardiers (nous) sur des affiches dans un anglais effroyable. Pour nous culpabiliser :  "Pourquoi tuez-vous nos femmes et nos enfants ? Nous ne vous avons rien fait." Un  francophone ose un "Sarkozy assassin" pour les téléspectateurs étrangers.

La dialectique kadhafiste joue des référents historiques - nos ennemis sont des croisés plus des colonialistes - et religieux. Des imams bénissent les martyrs et annoncent que Dieu châtiera les agresseurs. Mais ils le disent... en anglais,  car cette mise en scène est destinée à l'opinion internationale.

Toute propagande de guerre a ses figures obligées : les atrocités de l'ennemi contre les civils innocents, ses armes déloyales, sa propagande mensongère, le moral impeccable des populations, le soutien des autorités morales et spirituelles,  l'adversaire qui a voulu la guerre et nous qui ne faisons que nous défendre...

Recettes anciennes, nouveaux médias

Ces figures sont répertoriées depuis le début du XX° siècle ; dans les années 1920, lord Arthur Ponsonby analysait déjà les techniques britanniques employées en 1914-18 en des termes qui s'appliqueraient parfaitement à cette guerre. Du reste, les armées modernes et l'Otan en particulier se préparent à contrer l'inévitable "propagande d'atrocité" adverse en dirigeant les caméras du bon côté et en la submergeant sous leur propre information.

Si les fondamentaux restent, la nouveauté est que Kadhafi ne contrôle ni les airs ni les ondes. Et sa population, qui n'a guère accès à Internet, sans doute pas davantage aux médias non arabophones ne peut être tenue dans l'ignorance de ce que disent les chaînes d'information en arabe. Avec le recul, on mesurera sans doute mieux le rôle immense d'al Jazeera dans les événements qui ont secoué le monde arabe cette année. Et le paradoxe de cette propagande destinée, certes à son peuple, mais aussi aux Occidentaux et au troisième acteur : l'opinion arabe qui vient de trouver son espace public et cathodique.

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