La femme est-elle un loup pour la femme au bureau ? <!-- --> | Atlantico.fr
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D'après une étude de 2011, 95% des femmes pensent avoir déjà été sapées par une autre femme à un moment ou à un autre de leur carrière.
D'après une étude de 2011, 95% des femmes pensent avoir déjà été sapées par une autre femme à un moment ou à un autre de leur carrière.
©Flickr/CC Francois Schnell

Crêpage de chignons

Des études montrent que les femmes sont loin d'être solidaires entre elles au travail.

La cour de récré s'invite dans les bureaux.En adéquation avec ce que beaucoup imaginent, les femmes sont loin d'être solidaires entre elles au travail. Et le phénomène ne date pas d'hier.

Déjà dans les années 1970, les chercheurs de l'Université américaine du Michigan Graham Staines, Toby Epstein Jayaratne et Carol Tavris s'intéressent à l'impact des femmes sur la promotion des salariés dans les bureaux. Ils découvrent alors que les femmes qui réussissent dans des secteurs d'habitude dominés par les hommes s'opposent très souvent aux succès d'autres femmes, ou quand la femme est un loup pour la femme au bureau, ce qu'ils appellent le "Queen Bee Syndrome".

Les chercheurs justifient ce comportement par la culture patriarcale du travail : comme les hommes, les femmes qui arrivent à se hisser au sommet d'une entreprise deviennent obsédées par l'idée de rester au top, et pour cela, rien de mieux que d'écraser ses concurrents, plus particulièrement ses concurrentes, d'autant plus que les places à responsabilités pour les  femmes semblent limitées. Le classement du magazine Fortune des 500 premiers PDG ne contient en effet que 2% de femmes. Ces mesdames pensent donc que les autres femmes risquent de prendre leur place, et non pas de "voler" l'une des nombreuses occupées par des hommes.

Une étude réalisée en 2007 sur 1 000 salariés américains indique ainsi que 45% des sondés avaient déjà été tyrannisés au travail. Quant aux tyrans, 40% d'entre eux seraient des femmes.Une autre étude, réalisée trois ans plus tard par le Workplace Bullying Institute, montre quant à elle que les femmes qui tyrannisent les autres salariés au bureau dirigent directement leur haine contre leurs pairs 80% du temps quand les hommes sont plus "équitables" et s'en prennent aussi bien aux messieurs qu'aux dames. Une étude encore plus récente datant de 2011 a trouvé que 95% des femmes pensaient avoir été à un moment ou à un autre dans leur carrière sapées par une autre femme. Les études s'accumulent sur le sujet mais rien ne change.

Et si les hommes s'en prennent bien évidemment également à la gent féminine, les femmes sont bien plus vicieuses lorsqu'elles veulent miner la crédibilité d'autres femmes. Elles connaissent en effet mieux leurs faiblesses et savent donc où le bât blesse. Entre ragots qui abîment l'égo et démolissent une carrière, et piques envoyées l'air de rien, les lieux de travail peuvent se transformer en véritables terrains de jeu pour adultes chipies.

Mais les chefs de la gent féminine ne sont pas les seules fautives. Les femmes travaillant pour une "femme alpha" n'apprécient en effet pas toujours cette situation et peuvent rechigner à faire le travail, et donc moins respecter leurs supérieures juste parce qu'elle n'a pas tous les attributs masculins.

La difficulté tient également au fait qu'on attend d'une femme qu'elle soit plus douce, plus à l'écoute, plus gentille. Or, ce ne sont généralement pas ces qualités qui lui ont permis d'arriver aux plus hautes responsabilités. Autant dire que si c'est de plus en plus facile pour les femmes d'arriver aux plus hauts postes au travail, cela reste toutefois toujours compliqué. Et compter sur ses pairs n'est pas vraiment la solution.

Vivianne de Beaufort, "full professeur" de droit européen à l’ESSEC, co-directrice du Centre Européen de Droit et d’Economie et spécialiste de gouvernance d’entreprise, a accepté de répondre à nos questions :

Atlantico : Plusieurs études montrent que les chefs de sexe féminin tyrannisent plus facilement les autres femmes que les hommes. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Vivianne de Beaufort : Ces femmes qui sont arrivés en position de pouvoir l'ont fait souvent - même si c'est regrettable - en se conformant à des normes masculines. Comme ce n'est pas forcément leur tempérament, elles vont être "pires" que les hommes car elles vont les singer, elles vont durcir le trait. Il y a donc ce risque pour certaines femmes de se comporter de manière machiste ! Je suis persuadé néanmoins que l'on est en phase de changement, même si on ne peut pas nier le fait qu'il y ait à l'heure actuelle des femmes - ayant atteint ces zones de pouvoir - qui se comportent comme des tyrans.

Est-ce un phénomène nouveau ?

C'est un phénomène ancien et c'est aussi une question de génération. Encore une fois, je pense que c'est en train de changer. Il faut faire tout ce qu'il faut pour changer la donne. Une des réponses possibles à ce phénomène, c'est le réseau féminin au sein de l'entreprise ou à l'extérieur de l'entreprise, qui permet le mentoring (un processus de développement personnel où une personne plus expérimentée ou plus de connaissances aide une autre personne, ndlr) et qui permet aussi une réflexion sur soi. Il faut que ces femmes prennent consciences qu'elles reproduisent des modèles dont elles souffrent. Si elles en prennent effectivement conscience, elles vont arrêter de se comporter de cette manière car je suis persuadé que ce ne sont pas des femmes qui sont devenues méchantes ; elles sont simplement suradaptées.

Quels réseaux existent aujourd'hui, à l'intérieur et à l'extérieur du monde de l'entreprise ?

Ces réseaux permettent à ces femmes de créer des échanges car si elles restent isolées dans le mode de management hyper masculin et agressif, elles ne vont pas évoluer. Donc il faut qu'elles apprennent à s'ouvrir à l'autre en particulier dans le cadre d'un réseau féminin, qui peut apparaître plus sécurisé et où elles auront davantage l'occasion de se confier plus facilement, ce qui permettra à terme une prise de conscience.

Dans les grandes entreprises il y a de nombreux réseaux de ce type-là : ils ont souvent été créés par des femmes et ont ensuite été - du fait des normes sur la mixité sociale et des nouvelles sur le monde de l'entrepris - encouragés financièrement par les dirigeants. Le premier a été Accent sur Elles d'Accenture, on en parle souvent car c'est le réseau historique. Depuis de nombreux ont été créé chez Renault, Vivendi, GDF Suez et dans pratiquement toutes les grosses boites. Il en existe aussi hors entreprises, ces réseaux sont intéressants car on y rencontre des gens plus variés. Le plus important est sans doute le PWN (Professionnal Women Network) qui a été créé à Paris d'une émanation américaine. Ce sont des espaces d'échange, de libre-parole où on aborde ces questions difficiles, qui nécessite une remise en cause. Ces discussions sont très riches et sont une manière de casser la reproduction du système.

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