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Complémentaire santé : quand le gouvernement s'assoit sur le dialogue social et l'intérêt des salariés
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Liberté bafouée

L'Etat omniprésent menace aujourd'hui de nous priver de la liberté de choisir notre compagnie d'assurance ou notre mutuelle : la transcription de l'Accord National Interprofessionnel en un projet de loi prévoit en effet de désigner l'organisme assureur par les branches professionnelles.

Sophie De Menthon et Jérôme Dédeyan

Sophie De Menthon et Jérôme Dédeyan

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME). Elle est aussi l'une des personnalités qualifiées membres du Conseil Economique, Social et Environnemental. Sophie de Menthon intervient régulièrement sur iTélé dans l'émission "On ne va pas se mentir".

Jérôme Dédeyan est président de Debory Eres, une entreprise spécialisée dans l’épargne salariale et l’actionnariat salarié. Il intervient régulièrement sur BFM Business dans l’émission "Les Experts".

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La liberté d'assurer son avenir, son revenu, sa santé devrait être le socle de notre démocratie fondée sur la déclaration des Droits de l'homme. La liberté individuelle chère au libéralisme n'est pas le sacrifice des plus faibles mais bien leur protection contre un Etat omniprésent qui nous veut du bien au point de savoir mieux que nous-mêmes ce que nous devons faire, comment nous soigner, comment nous protéger les uns des autres, combien d'heures nous devons travailler etc. Le ver est dans le fruit... La complexité des lois, les accords qui se multiplient sous le nez des intéressés font que nous sommes peu à peu dépouillés de nos droits fondamentaux. Le risque est d'autant plus grand que les partenaires et les intermédiaires sont nombreux, chacun voulant son bout de pouvoir...

La menace aujourd'hui c'est d'être privé de la liberté de choisir sa compagnie d'assurance ou sa mutuelle, rien que ça ! Le sujet est technique et concerne le piège que constitue la transcription de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) en un projet de loi (un de plus). En effet, alors que l’accord prévoyait un socle minimal de garanties négociées par chaque branche professionnelle avec au bout du compte l'incontournable droit du choix de l’organisme assureur, le projet de loi rajoute que les prestataires seront désignés par les branches professionnelles. Pourquoi ? Au nom de quoi ? De quelques potentats.

Plongeons nous dans le projet de loi et notamment dans son article 1 sur les modalités de choix de l’assureur. On a décidé de descendre dans le détail et on en vient ainsi soit à examiner les conditions, notamment tarifaires, dans lesquelles les entreprises peuvent être autorisées à  retenir le ou les organismes assureurs de leur choix, dans un objectif de couverture effective de l’ensemble des salariés des entreprises de la branche, soit carrément de désigner un prestataire imposé à toutes les entreprises de la branche "dans un souci de mutualisation des risques".

Cette disposition bafoue l’accord initial et vise clairement à organiser la préemption de ce marché par les Institutions de Prévoyance et de Retraite paritaires, au mépris :

De l’intérêt des entreprises et de leurs salariés

La mutualisation au niveau d’une branche est techniquement moins efficace qu’une mutualisation interprofessionnelle. Chaque entreprise perdra la maîtrise de sa capacité à négocier ou à bénéficier régulièrement d’un changement pour obtenir de meilleures conditions techniques, tarifaires ou de nouveaux services. Certains acteurs puissants avancent que la prévention sera plus facile à organiser au niveau de la branche. Cet argument ne tient pas. En effet, les assureurs et les mutuelles sont tous outillés pour travailler en prévention de façon adaptée pour chaque branche. Le seul véritable enjeu, on ne le répétera jamais assez, c’est la liberté de choix des entreprises et des salariés avec une vraie mutualisation.

De l’emploi

50 000 emplois au moins sont en jeu chez les assureurs, les mutuelles, les plateformes de services et de gestion, et le courtage d’assurance (10 000 dans ce seul métier !) puisqu'on réduit la concurrence tout simplement et les empêche d’exercer leur métier.

De la libre concurrence

Les prestataires désignés dormiront sur les lauriers d'un marché captif, sachant qu'une fois la rente de situation instaurée, toutes les promesses d'efficacité seront vite oubliées. On supprime la capacité du marché des mutuelles, des assureurs et bien sûr des institutions de prévoyance de faire évoluer en permanence ses offres. Les rentes de situation contribueront à financer les dérives justement dénoncées par le député Nicolas Perruchot dans son rapport sur le financement des syndicats. Rapport soigneusement étouffé par la gauche comme par la droite, un scandale français. L’acquisition forcée des bases de données de ces régimes obligatoires permettra aux organismes désignés de revenir sur des offres concurrentes des assureurs et des banques en créant une distorsion de concurrence supplémentaire. Des pans entiers de notre économie risquent de basculer sous un contrôle paritaire centralisé qui a toujours fait la preuve de son inefficacité.

Du dialogue social

Que dire d’un projet de loi qui semble ignorer et même "détricoter" le travail des partenaires sur un point aussi important ?

La tentation est permanente en France de revenir à une économie centralisée et administrée. Non seulement c'est une occasion pour les élus d'interférer, et donc de peser, sur des décisions, renforçant ainsi un pouvoir qu’ils n’ont pas et qu'ils auront de moins en moins. Tout cela dans une certaine bonne foi qui joue sur les peurs de nos concitoyens, peur de la concurrence, peur des nouveaux entrants, peur de redonner de la liberté. La crise en cela est un formidable moteur pour laisser croire que seul l'Etat, ses affidés et leurs grandes manœuvres centralisatrices nous protégeront de tout. Les entreprises et les citoyens y perdent sur tous les plans : au nom du rejet partagé d'un ultra libéralisme dont il n'y a pourtant pas la moindre trace chez nous, on verrouille, on ligote, on grignote les libertés d'entreprendre et tout cela au détriment de la croissance et du dynamisme économique.

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