Quelles seront les vraies conséquences d'une hausse de la TVA ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le débat sur la hausse de la TVA bat son plein.
Le débat sur la hausse de la TVA bat son plein.
©Reuters

Taxman

Jean-Louis Borloo a relancé cette semaine le débat sur la hausse de la TVA, en réclamant au gouvernement le renoncement de cette mesure prévue pour janvier 2014.

Pascal Salin

Pascal Salin

Pascal Salin est Professeur émérite à l'Université Paris - Dauphine. Il est docteur et agrégé de sciences économiques, licencié de sociologie et lauréat de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.

Ses ouvrages les plus récents sont  La tyrannie fiscale (2014), Concurrence et liberté des échanges (2014), Competition, Coordination and Diversity – From the Firm to Economic Integration (Edward Elgar, 2015).

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Atlantico : Le débat sur la hausse de la TVA  a été relancé ce mercredi sur France Info par Jean-Louis Borloo qui réclame le renoncement des hausses en janvier 2014. Fin février, le rapporteur général (PS) de la commission des Finances de l'Assemblée, Christian Eckert, avait pour sa part proposé de fixer les nouveaux taux à 5%, 9%, 20,5%. Quelles seront les conséquences concrètes d'une hausse de la TVA ? 

Pascal SalinOn considère traditionnellement que la TVA est un impôt sur la consommation, de telle sorte que son augmentation entraînerait une hausse des prix à la consommation et diminuerait donc le pouvoir d'achat des ménages. Mais cette idée est erronée. Comme son nom l'indique parfaitement la TVA est un impôt sur la valeur ajoutée, c'est-à-dire la création de valeur dans les entreprises. Or, toute cette valeur ajoutée a pour contrepartie une distribution de revenus (salaires, intérêts et profits) et l'on peut donc dire que la TVA est un impôt sur le revenu. L'impôt est perçu avant distribution des revenus dans le cas de la TVA et après dans le cas de l'impôt sur le revenu, mais ces deux impôts sont en fait identiques. Pourquoi en est-il ainsi ? Contrairement à ce que l'on prétend en général, il est absolument impossible que tous les producteurs augmentent leurs prix de vente du montant de l'augmentation de la TVA. S'ils pouvaient augmenter librement leurs prix, pourquoi ne l'auraient-ils pas fait avant son augmentation ? En réalité, les prix sont donnés par confrontation entre les offres et les demandes et l'augmentation de la TVA ne change rien à la situation, de telle sorte que les prix de vente ne sont pas affectés. Celle-ci est donc répercutée non pas sur les prix, mais en amont sur les revenus (c'est-à-dire que la TVA est prélevée sur la valeur ajoutée, comme cela est logique !). Or, lorsque l'augmentation a lieu, les producteurs ne pouvaient pas immédiatement la répercuter sur les salaires et les intérêts qu'ils ont promis de payer par contrat. C'est dire que la hausse de la TVA se traduit essentiellement, dans le court terme, par une baisse des profits, ce qui serait particulièrement regrettable dans la conjoncture actuelle si hostile aux entrepreneurs. A plus long terme, ceux-ci essaient de répercuter partiellement la hausse de la TVA, par exemple en acceptant des hausses de salaires plus faibles que cela n'aurait sinon été le cas.

Jusqu'ici, quels ont été les effets des hausses de la TVA ?

Il est impossible de le dire avec précision car on ne peut pas comparer une situation existante (celle où il y a augmentation de la TVA) à une situation hypothétique (celle où il n'y aurait pas eu d'augmentation). De ce point de vue, le raisonnement – tel que celui présenté ci-dessus – est plus important que l'expérience. Mais, à titre d'exemple, on peut prendre le cas symétrique et relativement récent de la baisse de la TVA sur la restauration. On en attendait une baisse des prix dans ce secteur, conformément à l'idée traditionnelle selon laquelle les variations de TVA se répercutent sur les prix de vente. Or, il n'en a rien été et cette baisse s'est traduite essentiellement par une augmentation des salaires et des profits.

Cela va-t-il détruire des emplois ? Combien ?

La hausse de la TVA doit logiquement réduire le nombre d'emplois puisqu'elle réduit les profits et donc les incitations à entreprendre. Par ailleurs, à plus long terme, la baisse des rémunérations peut aussi décourager des travailleurs potentiels. Mais il est évidemment impossible de chiffrer ces effets. On peut d'ailleurs dire de manière générale que toute augmentation d'impôts détruit les incitations à produire, à travailler, à entreprendre, à épargner et à investir. Ceci s'applique évidemment à la TVA. C'est pourquoi, dans les circonstances actuelles, une seule politique s'impose : la diminution des dépenses publiques. Et il serait même très souhaitable de diminuer les impôts pour restaurer les incitations productives.

D'après le président de l'UDI, la hausse mettrait en danger les deux secteurs : les services à domicile et le bâtiment. Qu'en est-il ? En quoi ces secteurs sont-ils particulièrement importants pour l'économie ?

Il n'y a aucune raison de penser qu'une augmentation de la TVA toucherait en particulier ces deux secteurs.Et par ailleurs, il n'y a également aucune raison de penser que ces deux secteurs sont particulièrement importants pour l'économie (c'est-à-dire pour les individus). Seules les réactions des individus aux changements de leur environnement (fiscal, institutionnel ou technique) donnent une indication sur ce qui est important à leurs yeux. Il nous faut adopter une attitude modeste et savoir que nous ne savons pas : le marché – c'est-à-dire l'ensemble des interactions entre tous les individus - sait mieux que nous.

En période de crise, ces deux secteurs plutôt porteurs ne devraient-ils pas être davantage aidés ? Comment ?

Pour les raisons indiquées ci-dessus il n'y a aucune raison de penser que ces secteurs sont particulièrement porteurs et il n'y a donc aucune raison de les aider particulièrement. La crise est en fait la manifestation des distorsions dans les structures productives apportées par des politiques monétaires et des politiques économiques déstabilisantes. Il faut laisser les marchés revenir aux équilibres qui correspondent aux véritables souhaits des individus et ne pas ajouter de nouvelles causes de distorsions via des politiques économiques arbitraires, consistant par exemple à sélectionner certains secteurs et à les aider.

Propos recueillis Mathilde Cambour

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