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Sauvée ? L'Irlande pourrait être le premier pays à prouver que l’austérité fonctionne
©Reuters

Recette pratique ?

Alors que l'Irlande fut l'un des premiers pays à s'enfoncer dans la crise et à être soumis à des efforts de rigueur budgétaire, l'économie du pays présente de grands signes de redressement.

Thibaut Mercier

Thibaut Mercier

Thibaut Mercier est économiste chez BNP Paribas, spécialiste des pays périphériques de la zone euro : Irlande, Portugal, Grèce et Espagne.

 

 

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Atlantico : Après plusieurs années de crise et d'efforts budgétaires imposés par l'Union européenne, l'Irlande est-elle sur le point de devenir le premier pays des PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne) à sortir de la crise par la voie de la rigueur ?

Thibault MercierLe scénario qui semble se dessiner est celui, effectivement, d'une sortie de crise de l'Irlande après plusieurs années de rigueur et d'austérité budgétaire :

  • le déficit public se réduit à des niveaux encore plus bas que ceux qu'exigeait la Troïka (FMI, BCE, Commission européenne)

  • le taux de chômage s'est stabilisé et laisse espérer une diminution

  • les prix immobiliers ont arrêté de baisser et reprennent même des couleurs à Dublin

  • le pays retrouve la croissance ce qui le différencie de la plupart des pays de la zone euro

  • les comptes courants sont de nouveaux en excédent ce qui signifie que le pays est désormais en capacité de financement vis-à-vis du reste du monde

  • les taux d'intérêt obligataires (ceux auxquels s'endette l'Etat, ndlr) ont sanctionné ces résultats en diminuant significativement. Le pays s'endette donc pour "moins cher" pour toutes les maturités, y compris à long terme (10 ans). La confiance envers le pays est donc de retour.


Résultat, le pays devrait sortir de son programme d'aide de financement à la fin de l'année et les investissements étrangers reviennent.

Flexibilité, faible imposition... Ces bons résultats sont-ils aussi dû aux spécificités du pays par rapport à l'Espagne ou au Portugal par exemple ?

Effectivement, il faut nuancer la situation :  l'ajustement des déficits à été plus étalé dans le temps puisque Dublin a eu jusqu'à 2015 pour rétablir son déficit à 3% du PIB. A titre de comparaison, le Portugal et la Grèce n'ont obtenu qu'un délai de rétablissement des comptes fixé à 2013. Le rythme de consolidation des finances publiques fut donc plus modéré ce qui a permis d'atténuer les effets récessifs sur l'activité économique et de produire de meilleurs résultats. N'oublions pas au passage que le pays a commencé à adopter des mesures d'efforts budgétaires dès 2007, soit avant n'importe quel autre autres pays de la zone euro. Si le PIB a fortement chuté entre 2007 et 2010 il a, en contrepartie, rebondi plus rapidement.

L'économie irlandaise est aussi relativement très flexible par rapport aux pays du Sud de l'Europe. Ce point est fondamental dans la mesure où les pays périphériques doivent non seulement réduire leurs déficits publics mais aussi leurs déficits externes, c'est-à-dire la balance commerciale, ce qui leur impose des politiques de déflation salariale se traduisant par des compressions sur les salaires, une dévaluation monétaire étant par nature impossible du fait de leur présence à la zone euro. Dans la plupart des pays, le marché du travail s'ajuste plus rapidement que celui des biens et services. Nous avons donc constaté des baisses de pouvoir d'achat importantes un peu partout. Or, la flexibilité irlandaise a permis une baisse des biens et services en même temps qu'une baisse des salaires ce qui signifie que la perte en pouvoir d'achat fut beaucoup plus faible et, par conséquent, mieux tolérée par la population.

L'Irlande est très compétitive sur plusieurs secteurs comme la pharmacie. Enfin, rapellons que l'île dispose d'une fiscalité sur les sociétés extrêmement faible. Elle attire ainsi de grandes entreprises internationales que se soit dans le secteur pharmaceutique, financier ou des nouvelles technologies (Google est présent sur le territoire irlandais). L'Irlande est très tournée vers l'extérieur : les exportations y représentent 100% du PIB contre 40% au plus en Espagne ou au Portugal. Dès lors, les effets des efforts budgétaires sur l'activité sont moins forts.

Quels fut les coûts et les contraintes de cette politique d'austérité budgétaire pour le peuple irlandais ?

Les coûts et les contraintes furent très importants pour les Irlandais notamment avec un taux de chômage à 15% qui est dû, d'une part, à une plus faible demande résultant des politiques d'austérité, et, d'autre part, à un chômage structurel dû à l'éclatement de la bulle immobilière. Beaucoup d'emplois directement ou indirectement générés par le secteur immobilier ont ainsi été détruits.

Dans le même temps, les Irlandais ont aussi été soumis à une plus forte pression fiscale et à une baisse des dépenses sociales.

Qu'est ce que le scénario irlandais peut laisser présager pour l'Espagne, le Portugal ou la Grèce ?

Nous constatons actuellement un changement de stratégie en zone euro en ce qui concerne la réduction des déficits publics. Alors qu'il s'agissait d'une priorité considérée comme un "remède ultime", un rejet populaire émerge de ces politiques ainsi qu'une relative inefficacité de celles-ci. L'exemple de l'Irlande montre que les efforts budgétaires qui réussissent sont ceux qui sont davantage étalés dans le temps. C'est le principal enseignement à retenir même si, il faut le souligner, l'économie irlandaise, de par sa flexibilité, est fondée  sur un modèleatypique comme nous l'avons vu précédemment.

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