Comment l'Amérique du Sud va devenir le grenier du monde<!-- --> | Atlantico.fr
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Le quinoa est en train de faire le bonheur de son principal producteur, la Bolivie.
Le quinoa est en train de faire le bonheur de son principal producteur, la Bolivie.
©Reuters

Decod'Eco

Plante de l'année pour l'ONU, le quinoa est en train de faire le bonheur de son principal producteur, la Bolivie. Mais c'est toute l'Amérique du Sud qui va, à l'avenir, profiter de l'augmentation de sa production.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Plante de l’année pour l’ONU, le quinoa est effectivement en train de faire le bonheur de son principal producteur, la Bolivie. Rendez-vous compte, le prix de la tonne se négociait à 3,80 euros dans les années 1970, contre 2 450 euros actuellement !

On peut se demander ce qui a poussé une institution aussi sérieuse, voire austère, que les Nations unies à placer cette plante au cœur de sa politique de soutien à l’agriculture cette année. En posant l’hypothèse que tous les fonctionnaires onusiens ne sont pas tous adeptes des brunchs au quinoa bio dans le 11ème arrondissement, cette plante a probablement des qualités insoupçonnées. En creusant, on se rend vite compte que ses caractéristiques nutritives sont uniques. Pauvre en lipides, sans gluten, le quinoa est un aliment riche en protéine, de l’ordre de 16 à 18%. Pour l’ONU, c’est une arme de plus pour réduire les problèmes de dénutrition. C’est surtout une aubaine pour la Bolivie, qui est le premier exportateur au monde de quinoa, devant le Pérou.

Le projecteur mit sur le quinoa cette année devrait permettre de rappeler le pouvoir sud-américain en matière d’agriculture et d’agrobusiness. Le Brésil était surnommé jusqu’à il y a peu le “grenier du monde”. Depuis quelques années, le pays a toutefois vu son étoile pâlir avec la crise économique, qui s’est traduite par un misérable 0,9% de croissance l’année dernière.

Au regard des enjeux de l’agriculture mondiale, l’Amérique du Sud reste toutefois le continent le plus prometteur. Le continent sera le seul capable de répondre à la hausse, selon l’USDA, de la demande dans les années à venir. En particulier, la demande par habitant devrait augmenter de 15% par an dans les huiles végétales, 9% pour la viande et 5% pour les céréales d’ici 2020%. L’Argentine, le Brésil ou encore le Chili seront les principaux producteurs. Voici pourquoi.

L’Amérique du Sud, une puissance oléagineuse

Alors que les classes moyennes des pays émergents se sont mises à table ces dernières années, être le premier producteur d’une matière agricole est devenu particulièrement rentable. C’est cette dynamique en particulier qui a enrichi les pays sud-américains, car de leadership agricole, le continent n’en manque pas. D’abord en ce qui concerne les produits tropicaux. Le continent est parmi les premiers producteurs d’oranges (70%), de café (45%), de bananes ou encore de cannes à sucre. Plusieurs pays sont également leaders sur certains marchés de niche, comme les raisins de table ou les asperges pour le Pérou. Toutefois on ne devient pas une puissance régionale grâce aux asperges. La vraie puissance du continent, c’est la place qu’il occupe sur le marché du soja et du maïs.

L’émergence de l’Amérique du Sud en tant qu’exportateur de soja date des années 1970. En 1973 pour être précis, les Etats-Unis imposent un embargo sur leurs exportations de soja, suite à une sécheresse. L’Europe se tourne alors vers l’Amérique du Sud pour s’approvisionner. Depuis, les échanges n’ont cessé de d’intensifier. En 2009, la société Déméter révèle que 52% des graines de soja dans le monde, un tiers du maïs, 40% de la viande bovine et aviaire proviennent d’Amérique du Sud. A partir des années 2000, le continent commence à diversifier ses productions. On n’en est pas à une montée en gamme de la production, mais cette politique permet de créer de nouveaux marchés, qui portent la croissance du continent. Ainsi l’Uruguay profite de l’envolée de la demande en produits forestiers, et le Chili de la demande en vin. Le Brésil occupe pour sa part le créneau très national des biocarburants, dont l’industrie commence à s’internationaliser à cette époque. Mais le grand changement de cette époque ne sont pas les quelques sarments de vignes chiliens, mais bien l’explosion de la demande chinoise.

La Chine a encore faim

L’histoire est connue. L’émergence d’une classe moyenne chinoise nourrit la demande en produits plus protéinés, comme les huiles et les produits carnés. Selon la FAO, entre 1980 et 2005, la demande de produits carnés a été multipliée par quatre et celle de lait par dix.

Titre : Consommation en kg par habitant et par an

Source : FAO

La demande chinoise en vient même à concurrencer la demande européenne et américaine. En quelques années, les pays d’Amérique du Sud réorientent leurs exportations. En 2009, la Chine devient le premier partenaire commercial dans l’agriculture du Brésil, devant les Etats-Unis. A la même époque, l’Argentine exporte 50% de ses produits dérivés du soja vers l’empire du milieu.

L’Amérique du Sud joue sa carte contre les Etats-Unis

Il semble bien que l’Amérique du Sud soit consciente de son potentiel, car elle a ces dernières années repoussé les avances de partenaires commerciaux occidentaux. C’est le cas notamment des Etats-Unis. En 2005, l’Amérique du Sud a mis fin aux négociations autour d’un traité de libre-échange avec les Etats-Unis. Bien leur en a pris, au regard des conséquences des autres accords. Les résultats des accords signés par les Etats-Unis avec l’Amérique centrale et la République dominicaine, accord CAFTA-RD, n’ont fait que profiter sur le plan agricole aux Etats-Unis, les pays d’Amérique Centrale ayant vu leur dépendance agricole s’accroître après l’accord. L’Alena avait produit les mêmes effets sur le Mexique.

L’objectif des pays sud-américains est bien de conquérir de nouveaux marchés. Cette stratégie est d’abord passée par une attaque sur le plan juridique, à l’OMC, lorsque le Brésil a attaqué les Etats-Unis et l’Union européenne sur leurs subventions au coton et au sucre. Ensuite, le Mercosur, le marché commun sud-américain, a cherché à signer un traité de libre-échange avec l’Union européenne, ce qui a inquiété les agriculteurs européens. Le continent a également orienté ses exportations vers le continent africain, en multipliant les accords sur le développement de filière éthanol et de filière soja. Mais en ligne de mire, c’est le continent asiatique qui reste l’objectif de Brasília, Buenos Aires ou encore Santiago.

L’Asie reste le Graal des exportateurs

Comme on le déduit du graphique plus haut, la demande chinoise a encore du chemin à faire pour rattraper la demande de pays industrialisés. Ainsi pour la FAO, ce rattrapage sera réalisé en 2030. Le problème, comme l’a analysée une étude récente du centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture français, c’est que l’agriculture chinoise est encore en retard pour assurer une indépendance alimentaire du pays. Selon l’étude, “malgré une politique agricole forte, la production agricole chinoise risque de ne pas pouvoir croître en conséquence, pour de nombreuses raisons, notamment environnementales”. L’épuisement des sols est effectivement un des dangers qui plane sur l’agriculture chinoise. Plus contraignant encore est le recul des terres arables depuis 30 ans, du fait la progression des villes chinoises. Ainsi, la place de l’Amérique du Sud est assurée dans les années à venir si celle-ci est capable d’augmenter ses rendements.

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