L'avis défavorable rendu par le Comité d'éthique sur les assistants sexuels est-il un premier pas vers un enterrement de la GPA ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le film "The Sessions" raconte l'histoire d'un homme, paralysé à cause de la polio, qui souhaite goûter aux plaisirs de l'amour.
Le film "The Sessions" raconte l'histoire d'un homme, paralysé à cause de la polio, qui souhaite goûter aux plaisirs de l'amour.
©DR

Les sages se rebiffent

Dans un avis rendu ce mardi, le Comité d'éthique dit craindre qu'une telle assistance entraîne un risque de "dérives".

Pierre Le Coz

Pierre Le Coz

Pierre Le Coz est Professeur des Universités en philosophie, et docteur en sciences de la vie et de la santé. Il a été vice-président du Comité National d'Ethique jusqu'en 2012.

Ses recherches portent, entre autres, sur la biomédecine, la bio-éthique et le principe de précaution.

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Atlantico : La décision du Comité national d'éthique (CCNE) d'invalider le statut d'assistant sexuel pour les handicapés s'est fait au nom du respect du principe de "non-marchandisation du corps". Cela peut-il aussi s'appliquer au droit à la GPA actuellement débattu ?

Pierre Le Coz : Oui. Je pense qu'ici le principe est le même bien que nous soyons dans deux contextes différents. Dans les deux cas on requiert la présence d'un tiers dont le corps pourrait satisfaire les attentes d'une personne qui souffre, soit parce qu'elle ressent le besoin d'avoir un enfant soit parce qu'elle est handicapée. Pour les assistants sexuels on peut ajouter que même si l'on part sur le principe d'un service rendu, et non d'un paiement, on peut rester sceptique puisque rien ne peut garantir qu'on ne verra pas des versements "sous la table" proliférer un peu partout. Une fois que les personnes concernées sont en contact, il devient impossible d'imaginer une surveillance policière adéquate et c'est pour cette raison que l'argument de la gratuité ou du don de soi n'est pas réellement convaincant. Cette réserve s'applique aussi au processus de GPA, dans le sens où le risque de détournement de mères porteuses volontaires à des fins financières est aussi envisageable. Pour cette raison je préférerais que l'on oppose le principe de "non-instrumentalisation du corps humain" plutôt que celui de "non-marchandisation" afin d'éviter toute confusion sur la possibilité d'un service supposé "gratuit". Le corps humain n'est pas, par principe, quelque chose de disponible. 

Va-t-on en conséquence vers un enterrement de la GPA ? Peut-on la repenser pour qu'elle puisse satisfaire les exigences éthiques ?

Il faut rappeler que le Comité national d'éthique se trouve dans une situation inconfortable. La sphère politique peut-effectivement le saisir pour rendre un avis sur telle ou telle question de société mais les conclusions qui sont rendues ne font pas autorité en dernier recours. D'autres ont justement pointé le paradoxe qui résidait dans l'adoption pour des couples homosexuels via des techniques d'assistance à la procréation. Le gouvernement a effectivement déclaré qu'il saisirait le CNE avant d'affirmer que son rôle n'était que purement consultatif et que ses conclusions n'avait pas force de loi. Le politique n'a pas toujours tenu compte des décisions du Comité, et cela est justifiable ne serait-ce que pour des raisons démocratiques, mais on peut néanmoins s'étonner du peu de cas qui peut-être fait de l'avis des scientifiques. En conséquence, un avis négatif du CCNE ne signifie pas forcément un enterrement de la mesure. On peut dire néanmoins que si plusieurs arguments s'accumulent et que la pression médiatique devient trop forte, le gouvernement peut aussi être tenté de passer outre. Citons à titre d'exemple l'affaire des tests ADN pour vérification de la paternité dans le processus de regroupement familial en 2007. Le CCNE s'était alors prononcé contre et la forte médiatisation de l'évènement avait finalement poussé le gouvernement de l'époque à annuler la mesure.

D'aucuns ont pointé le risque d'une "objetisation" de l'enfant avec l'adoption de la GPA, s'agit-il d'une véritable éventualité ?

A voir. Si par ce terme on entend la possibilité de choisir ses spécificités (couleur des yeux, des cheveux...) on peut dire que c'est déjà le cas. Les donneurs de spermatozoïdes par exemple sont déjà triés sur le volet pour écarter tout risque de déficience ou de maladie grave, il en va de même dans les fécondations in vitro où l'on ne conserve que les meilleurs embryons. On peut aussi évoquer certaines banques de sperme comme Cryos International (Danemark) qui peuvent aller jusqu'à sélectionner et répertorier des étudiants en fonction de leur cursus universitaire. Le principe de sélection, bien que cela soit peu évoqué, est ainsi déjà largement appliqué dans les faits. 

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