Nicolas Sarkozy préféré à François Hollande : pourquoi l'ancien président de la République est passé du statut de pestiféré à celui de rock star de l'opposition<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon un sondage Ifop pour Paris Match publié mardi, 53% des Français préfèrent Nicolas Sarkozy à François Hollande.
Selon un sondage Ifop pour Paris Match publié mardi, 53% des Français préfèrent Nicolas Sarkozy à François Hollande.
©Reuters

C'était mieux avant

Selon un sondage Ifop pour Paris Match publié mardi, 53% des Français préfèrent Nicolas Sarkozy à François Hollande. En politique, les absents ont-ils toujours raison ?

Philippe Braud

Philippe Braud

Philippe Braud est un politologue français, spécialiste de sociologie politique. Il est Visiting Professor à l'Université de Princeton et professeur émérite à Sciences-Po Paris.

Il est notamment l'auteur de Petit traité des émotions, sentiments et passions politiques, (Armand Colin, 2007) et du Dictionnaire de de Gaulle (Le grand livre du mois, 2006).

 

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Atlantico : Selon un sondage Ifop pour Paris Match publié mardi, les Français préfèrent Nicolas Sarkozy à François Hollande. Interrogés pour savoir lequel des deux présidents était leur préféré, 53% des sondés ont répondu Nicolas Sarkozy et 44% François Hollande. Seuls 3% des Français ont répondu n'avoir aucune préférence entre les deux hommes. En politique, les absents ont-ils toujours raison ? Comment l’expliquez-vous ? 

Philippe Braud : Il n’est pas rare en effet qu’un homme politique connaisse un net regain de popularité après avoir connu un désaveu politique et s’être trouvé marginalisé. Encore faut-il distinguer deux situations bien différentes. De Gaulle après l’échec de son référendum d’avril 1969, François Mitterrand et Jacques Chirac, à la fin de leurs derniers mandats respectifs, ont bénéficié de ce que l’on peut appeler par anticipation l’effet "hommage funèbre". Parce qu’ils sont morts politiquement, cette situation atténue les critiques qui pouvaient leur être adressées. Ils ne sont plus à redouter ni comme adversaire ni comme rival ; ils ne sont plus que des êtres humains qui suscitent facilement une certaine admiration pour leurs qualités personnelles. En redécouvrant leurs côtés positifs certains espèrent en outre capter politiquement une partie des soutiens dont ils ont bénéficié. 

Le regain de popularité dont bénéficie aujourd’hui Nicolas Sarkozy et, avant lui, Raymond Barre entre 1981 et 1988, est d’une tout autre nature. Dans leur cas, il ne s’agit pas de "l’effet oraison funèbre" puisqu’ils apparaissent comme des acteurs potentiels, et potentiellement puissants. L’ex-Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing avait sombré dans une grande impopularité à la fin du septennat avant de redevenir un candidat très sérieux à l’élection présidentielle de 1988. Et aujourd’hui personne ne croit que Nicolas Sarkozy est "fini". Les raisons de leur regain de popularité résident effectivement sinon dans leur « absence » du moins dans leur « distance » au jeu politique immédiat. Cette distance est porteuse d’un double avantage : celui de faire oublier bien des griefs (car une partie de l’opinion publique est versatile) ; celui également de les créditer d’une certaine hauteur de vues. Alors que les gouvernants en place se trouvent en permanence sous le feu des critiques et exposés au phénomène d’usure du pouvoir, eux, au contraire, peuvent se refaire une certaine virginité politique. A la double condition de ne pas se faire oublier, et de savoir mesurer soigneusement leurs interventions pour surfer sur les attentes d’une opinion publique désenchantée

S’il avait été réélu, peut-on imaginer que Nicolas Sarkozy aurait connu une aussi forte impopularité que François Hollande ?

Il est toujours difficile de réécrire l’Histoire. Mais plusieurs indices tendent à montrer qu’il aurait, lui aussi, affronté une forte impopularité. D’abord parce qu’un second mandat est toujours une épreuve plus difficile qu’un premier. Il n’aurait pu compter sur un nouvel état de grâce puisque son style et sa politique auraient été trop bien connus. Si François Hollande était condamné à décevoir, en raison de ses promesses de campagne, Nicolas Sarkozy, lui, aurait irrité. Les mobilisations syndicales notamment auraient été beaucoup plus âpres qu’elles ne le sont avec un Président socialiste. Par ailleurs, la "sarkophobie" qui est actuellement en veilleuse, se serait de nouveau déchainée. Enfin la réélection de Nicolas Sarkozy aurait, si l’on ose dire, privé la droite de sa crise de succession. Or celle-ci aura beaucoup contribué à renforcer l’image positive de Nicolas Sarkozy comme recours.

Les sondages positifs de Nicolas Sarkozy doivent-ils être interprétés comme la volonté des Français de le voir revenir ?

Oui et non. Bien sûr, cette dimension est présente mais elle s’exprime dans un sondage qui formate les opinions dans une perspective seulement duelle. Il faut par ailleurs méditer le précédent de Raymond Barre. Tant qu’il n’était plus Premier ministre et pas encore candidat en campagne, il atteignait de beaux scores de popularité. Mais à l’épreuve du feu des critiques, lorsque ses ambitions présidentielles se sont concrétisées, il n’a cessé de perdre du terrain. La force et le handicap de Nicolas Sarkozy résident l’une et l’autre dans le fait qu’il est très connu.  S’il rassure le cœur de ses supporteurs (qui savent à quoi s’attendre sur le fond comme sur le style de gouvernement), il lui est plus difficile de faire rêver les franges de l’opinion plus indécises, dont dépend pourtant la victoire.

Valéry Giscard d’Estaing, qui a également eu de velléités de retour après son échec en 1981, a-t-il connu lui aussi une  période de popularité comparable à celle de Nicolas Sarkozy ?

Il est trop tôt pour établir une comparaison valide de leurs courbes respectives de popularité. Après son échec de 1981, Giscard a longtemps été assez populaire à droite et au centre mais pas au point de s’imposer comme candidat crédible face à François Mitterrand en 1988. S’agissant de Nicolas Sarkozy on manque encore beaucoup de recul pour en juger. Surtout il ne faut pas oublier la qualité de leurs adversaires respectifs, ni les données spécifiques de la conjoncture politique.

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