Planche à billets, gaz de schiste ou immobilier : quels sont les vrais moteurs de l'économie américaine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En dépit de difficultés budgétaires, l'économie américaine se porte relativement mieux que celle de la zone euro.
En dépit de difficultés budgétaires, l'économie américaine se porte relativement mieux que celle de la zone euro.
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The booster

Entre l'usage de la planche à billets, le gaz de schiste et les divers plans de relance, l'économie américaine se porte relativement mieux que celle de la zone euro.

Inna Mufteeva

Inna Mufteeva

Inna Mufteeva est économiste, spécialiste des Etats-Unis chez Natixis.

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Atlantico : Alors que la Banque centrale européenne a rabaissé ses prévisions de croissance pour 2013 avec une contraction de l'activité de 0,5%, contre 0,3% initialement, les États-Unis semblent retrouver la voix de la croissance, bien qu'à un niveau inférieur à celui d'avant crise. Comment expliquer une telle différence ? Planche à billets, plans de relance... à quoi est dû cette croissance américaine ?

Inna MufteevaSix ans après l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, les ajustements du secteur privé de l’économie américaine semblent toucher à leur fin : les bilans des banques sont assainis, le désendettement des ménages a probablement ralenti et le marché résidentiel est sorti du marasme. En parallèle, les entreprises ont maintenu des gains de productivité élevés et ont profité de l’affaiblissement des coûts salariaux. Par ailleurs, la reprise économique a été soutenue par plusieurs plans de relance et la politique d’assouplissement monétaire.

Si les facteurs structurels comme la productivité et le coût de l’énergie sont à l’origine des différences de production potentielle entre les États-Unis et la zone euro (avec la croissance potentielle plus élevée aux Etats-Unis), l’écart dans les dynamiques de croissance en 2012 s’explique en grande partie par la crise des dettes souveraines qui a affecté l’activité de la zone euro. En effet, si les États-Unis ont à peine commencé l’ajustement budgétaire à partir de l’année 2013, les programmes d’austérité européens ont déjà pesé sur l’activité notamment dans les pays périphériques. En ce qui concerne les banques centrales, la BCE et la Fed mènent toutes les deux des politiques monétaires très accommodantes. Cependant, tous les pays de la zone euro ne bénéficient pas d’un environnement de taux bas. Ainsi, le policy-mix global (combinaison des politiques budgétaire et monétaire) apparaît plus expansionniste aux États-Unis que dans la zone euro.

Dans une interview accordée à Atlantico, Jean Peyrelevade estimait que "grâce au gaz de schiste, l'économie réalisée sur les coûts liés à l'énergie équivaut à une baisse du coût du travail de 13% dans l'industrie, un chiffre énorme". Quelle part de responsabilité joue le gaz de schiste et l'indépendance pétrolière américaine à venir dans la reprise économique du pays ? Quelles conséquences à plus long termes en termes de croissance pour les États-Unis ?

Si le pétrole est de loin la principale source d’énergie primaire utilisée aux États-Unis, le gaz naturel occupe aujourd’hui la seconde place dans les énergies consommées. Cette ressource est à la fois utilisée comme bien intermédiaire dans la production d’électricité et par certaines industries, et comme bien de consommation final par les ménages qui l’utilisent principalement pour le chauffage.

Avec d’autres facteurs positifs (les coûts salariaux relativement faibles par rapport aux autres pays développés entre autre, et également la baisse structurelle du dollar), le développement de gaz de schiste a permis de baisser le coût de l’énergie pour les entreprises, ce qui constitue un facteur de soutien à l’industrie américaine. En conséquence, il existe un potentiel pour voire apparaître des poches de réindustrialisation dans certains secteurs.

Par ailleurs, l’exploitation du gaz non conventionnel pourrait également permettre aux États-Unis de réduire leur dépendance énergétique. Si l’on considère le ratio de dépendance, qui se présente comme la part nette des besoins énergétiques importés, il est passé d’un pic de 31% en 2005 à 20% en 2011, soit un niveau inférieur à celui des pays de l’UE (53% en 2009). Selon les estimations de l’AEIA (l'Agence internationale de l'énergie atomique, ndlr), ce ratio pourrait atteindre 13% en 2035 pour les États-Unis.

La plus faible dépendance énergétique devrait avoir pour effet d’augmenter la résilience de l’économie face aux chocs d’offre négatifs sur les marchés de matières premières et avoir un impact favorable sur la balance courante américaine, qui est structurellement déficitaire. L’évolution récente de la balance commerciale énergétique montre déjà une baisse des importations de pétrole en volume de 23% depuis 2006. Bien qu’une diminution des importations de pétrole soit largement attribuable à la crise, qui a réduit considérablement le volume d’activité et donc les besoins en pétrole, la tendance observée devrait se maintenir à moyen long terme.

La place prédominante du dollar dans les échanges commerciaux mondiaux profite-t-elle encore à la croissance américaine ? Alors que Barack Obama a rejeté le budget proposé par les républicains et que 80 milliards de dollars de coupes budgétaires automatiques sont déjà entrées en vigueur faute d'accord, ces difficultés politiques internes font-elles peser un risque sur la reprise et sa consolidation outre-Atlantique ?

Dans un environnement post-électoral toujours caractérisé par de fortes divergences politiques, le début d’année 2013 a été marqué par un accord de dernière minute sur la falaise budgétaire. Cet accord, qui a réduit à 1 point de PIB la consolidation budgétaire (contre 4 points prévus initialement) a également contribué à enrayer le climat délétère qui pesait sur la confiance des agents en fin d’année 2012. L’échec des pourparlers sur le remplacement des coupes de dépenses automatiques (« sequestration ») début mars, a néanmoins accru l’effort fiscal prévu sur l’année tandis que le besoin d’équilibrer les finances publiques à long-terme demeure.
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Par conséquent, même si la politique monétaire restera accommodante sur la période, la politique budgétaire impactera négativement l’activité. Les données macroéconomiques disponibles suggèrent toutefois que la dynamique de croissance s’est avérée plutôt résistante en début d’année, avec notamment, un maintien de la consommation, une accélération des créations d’emplois en février et une baisse du taux de chômage. Le besoin de consolidation fiscale portant principalement sur la trajectoire des finances publiques à long-terme, le risque de voir le Congrès adopter de nouvelles mesures d’austérité à court-terme semble limité. A l’avenir, la croissance continuera d’être épaulée par le marché immobilier, qui connait depuis début 2012 une reprise graduelle et par la fin du processus de désendettement des ménages. La refonte et l’expansion du secteur énergétique devrait également soutenir la croissance sur le moyen/long-terme. Au final, la croissance de l’économie américaine pourra ralentir de 2,2% en 2012 à 1,5% en 2013.

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