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Pourquoi laisser les actionnaires décider des niveaux de rémunération de dirigeants ne les fera pas baisser, au contraire
©Reuters

Plafond

83% des Français se déclarent favorables à une loi instaurant un contrôle des rémunérations des dirigeants selon un sondage Tilder/LCI/Opinionway.

Franck Margain

Franck Margain

Franck Margain est vice-Président du Parti Chrétien Démocrate et conseiller régional UMP en Ile-de-France.

Après des études en finances, il est devenu cadre dans une grande banque internationale.

 

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Le débat des rémunérations revient avec force.les Suisses dans leur votation de la semaine dernière ont décidé de plafonner les bonus ou la part variable des hauts salaires. La Communauté européenne vient de décider une taxation des bonus supérieurs a 100% des salaires fixes ou 200% si ceux ci sont votés par le conseil d'administration.

Le précédent gouvernement français souhaitait démettre le conseil d’administration de son pouvoir de décision en matière de rémunération. Il pointait du doigt la consanguinité des membres interdépendants et enclins à conserver des privilèges très substantiels. Il défendait la fixation des rémunérations par les actionnaires comme dans le monde anglo-saxon ou l'on voit fleurir des comités de rémunération "indépendants " composés de sages, d'actionnaires, de cabinets en charge d’identifier le niveau de rémunération des autres dirigeants européens dans chaque secteur. Le code de gouvernance créé en 2008 , recommande que le rapport annuel comporte une présentation détaillée de la politique de détermination de la rémunération des mandataires sociaux, et notamment les règles d'attribution de la partie variable. Dans la réalité le niveau des rémunérations des hauts dirigeants est surtout déterminé par les pratiques des entreprises concurrentes à l’international et le cas des dirigeants français ne diverge pas fondamentalement de ceux de leurs homologues européens

Les actionnaires seraient-ils plus rigoureux que les administrateurs ?

L’assemblée générale serait elle plus propice à la modération des rémunérations que le conseil d’administration ? Ne nous méprenons pas, l’actionnariat individuel est aujourd'hui peu représentatif en France, les actionnaires en assemblée générale sont bien souvent en majorité des fonds d’investissement étrangers ( fonds de pension, fonds spéculatifs...) pour lesquels les performances financières et boursières priment sur toute préoccupation sociétale ou morale. Or si ces performances sont élevées, les rémunérations accordées le seront aussi. Les actionnaires souhaiteront "remercier - bien payer" quelqu'un qui valorise leur patrimoine. Les actionnaire étrangers par définition ne sont pas sensibles aux cultures locales et particulièrement en Europe ou la relation à " l' argent" a évolué considérablement au travers des différentespériodes de notre histoire.

De même une rémunération élevée en France ne se compare pas a une rémunération élevée au Royaume-Uni ou aux États-Unis où les services de l'État sont moins nombreux et moins efficaces. Cette reforme soi-disante fondamentale ne répondra pas à la véritable question

Le véritable enjeu relève en réalité davantage de la morale sociale : celle de la juste rémunération.

La France d'en-bas, pour reprendre une formule célèbre, peut-elle trouver une quelconque justification économique, sociale ou morale dans la rémunération annuelle de plus de 10 millions d'euros d'un dirigeant de l'industrie automobile ? Dans cette entreprise où les salaires oscillent entre le smic et 15 fois le smic, travaille-t-il 200 fois plus ? Est-il 200 fois plus compétent que ses employés ou ses cadres ?

Dans l 'ancien régime une pension annuelle accordée par le roi a un courtisan du roi était supérieure au salaire d'une vie de couturière. Dans la bourgeoisie du XIXème, le revenu annuel d'un industriel était de plus de 500 fois le salaire du mineur comme celui Au XXème, d'un oligarchie communiste comparée a celui des paysans ou ouvriers de feu l'URSS.

L'être humain est prédateur et le devoir de l'homme politique est d 'œuvrer de manière continue face cette dérive prédatrice. Or, avant d’être une question de morale, une rémunération est une question de performance. Ainsi est-ce sans doute du côté de la mesure de cette performance qu’il convient de chercher des éléments de réponse à une problématique sensible aux yeux de l’opinion publique.

Plusieurs pistes peuvent être étudiées. Les indicateurs de performance devraient traduire la performance relative de l’entreprise par rapport à celle de ses principaux concurrents. On pourrait également formuler dans les objectifs personnels du président des critères relatifs au climat social, au bien être des employés, au respect de leur dignité ou encore à l’environnement. Les "retraites-chapeaux", ces compléments de retraite financés, devraient s’acquérir progressivement année après année plutôt que consister en une somme versée sans relation avec le temps passé dans l’entreprise. Il devient impératif de redonner un sens aux rémunérations et a leur rapport entre elles afin de retisser le lien social. Nous éviterions peut-être une crise majeure de notre modèle qui pourrait aisément basculer dans la démagogie et la revanche.

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