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Le sexe semble de plus en plus s'imposer comme argument de vente.
Le sexe semble de plus en plus s'imposer comme argument de vente.
©Reuters

Idée reçue

Du dernier livre de Marcela Iacub sur DSK aux couvertures de magazines en passant par les publicités, le sexe semble de plus en plus s'imposer comme argument de vente. Mais est-ce vraiment le cas ?

Elodie Laye Mielczareck

Elodie Laye Mielczareck

Elodie Laye Mielczareck est sémiologue. Elle est spécialisée dans le langage verbal (sémantique) et non verbal (body language). Elle conseille également les dirigeants d’entreprise et accompagne certaines agences de communication et relations publiques internationales, notamment sur la question de la raison d’être. Très régulièrement sollicitée par les médias, Elodie Laye Mielczareck décrypte les tendances sociétales de fond, ainsi que les dynamiques comportementales de nos représentants politiques et autres célébrités. Elle est également conférencière et auteure.

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Atlantico : Du dernier livre de Marcela Iacub sur DSK aux couvertures de magazines en passant par les publicités, le sexe semble de plus en plus s'imposer comme argument de vente. Qu'en est-il réellement ? 

Elodie Mielczareck : La réponse peut sembler paradoxale mais... oui et non. 

Oui, car dès qu’on parle de sexe, on fait appel à nos deux besoins fondamentaux : la nourriture et la reproduction. Cela évoque un aspect archaïque de nos émotions. C’est quelque chose que l’on retrouve dans la pyramide des besoins de Maslow, et dans laquelle la part de la reproduction a une place très importante. Quand on parle de sexe, on parle à la fois de données personnelles - le besoin de reproduction propre à chaque individu - mais aussi d’une dimension collective - celle de la survie de l’espèce. 

Mais certains universitaires ont réalisé des études qui tendraient à montrer que le sexe ne fait pas vendre. Brad Bushman, de l’Université du Michigan, a réalisé une étude qui montrait que le sexe, quand il était mis en scène, venait brouiller le message publicitaire car l’attention étant perturbée. Pour vendre, l’utilisation du sexe n’est pas forcément plus efficace. 

Par contre, si on parle d’efficacité en terme d’impact sur la personne qui regarde l’image, oui : la mise en scène d’un visage ou d’un corps attire, selon les statistiques, beaucoup plus le regard du consommateur. Mais cela ne conduit pas à un acte d’achat, simplement à une interpellation.

Les publicités utilisant des images sexuées sont-elles en moyenne plus efficaces que les autres ? 

Oui. Une publicité efficace est une publicité qui répond à trois conditions : elle doit mobiliser les aires émotionnelles du cerveau, impliquer le consommateur (projection ou empathie de celui qui regarde), et transgresser un tabou. Quand ces trois données-là sont réunies, l’impact est maximal. Or, dans une publicité, s’il y a une mise en scène d’un corps nu, on retrouve ces trois composantes-là. 

Dans la société, le sexe est d’ailleurs un réel argument de vente : pour preuve, la prostitution existe, et plus dans un sens que dans l’autre, le féminin. La prostitution masculine est beaucoup plus rare, et beaucoup moins bien ancrée dans les schémas de pensée.La publicité n’est qu’un miroir de la société, et c’est plus ou moins toujours le corps de la femme qui est consommé. Socialement, le sexe est un argument de vente.

Le sexe est-il utile pour tout vendre ? Quels sont les types de "produits" pour lesquels l'utilisation du sexe est réellement efficace ? 

La vocation de la publicité est de mettre en scène le désir : c’est une déclinaison à l’infini d’un seul et même besoin originel, à la fois individuel et collectif. 

Pour l’achat de types de produits liés à la séduction (maquillage, parfums...) , on a affaire à une problématique genrée : la mise en scène du corps ne va pas être la même si le public est masculin ou féminin. La publicité, lors de l’achat dans la sphère de séduction, va mettre en scène des corps certes dénudés mais uniquement féminins, la projection sera du féminin au féminin. Alors que pour les hommes, en ce qui concerne les produits qui ont une connotation phallique (voitures..), c’est encore une fois le corps de la femme qui sera mis en scène. La femme va entrer en compétition avec le mannequin de la publicité, et essayer d’identifier pourquoi elle la trouve attirante, alors que l’homme va se positionner davantage sur le territoire de la force, de la "chasse" de la femme, dans une vision archaïque de l’homme animal au milieu de son harem.

Et tant que les rapports sociétaux iront toujours dans le même sens (on voit très peu de prostitués hommes, et le phénomène des gigolos est très peu admis socialement), on aura toujours une problématique de genre et le sexe ne sera pas vu de la même façon, selon la cible du produit, homme ou femme. 

Si l'utilisation du sexe pour vendre est en constante augmentation, on peut imaginer que c'est parce qu'il y a une demande. Pourquoi notre société de consommation désire-t-elle toujours plus de sexe ? 

Je ne pense pas qu’il faille penser les choses comme cela, ce qui tendrait à penser qu’on a la publicité qu’on mérite. Au contraire, la publicité a un rôle moteur dans la société, elle doit avoir un rôle prescripteur. Elle pourrait ainsi révolutionner et casser ces procédés stéréotypiques. A partir de quand voir des femmes dénudées sur tous les Abribus devient la normalité ? A partir de quand ne peut-on plus sortir de cet aspect-là ? Est-ce que la société désire toujours plus de sexe ? Je ne suis pas sûre. Mais ce désir-là devient toujours plus visible et public. On retrouve ici la théorie de Serge Tisseron, celle de "l’extimité", qui serait l’intimité qui se fait extérieure et qui se montre aux yeux de tous. Avec les réseaux sociaux, on atteint un seuil rarement égalé. 

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