Venezuela : comment le vernis démocratique de la "révolution bolivarienne" n'a servi qu'à masquer un système corrompu et totalitaire (3/3)<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Hugo Chavez
Hugo Chavez
©Reuters

Emprise

Malgré ses discours, Hugo Chavez a installé un régime totalitaire dès qu'il a pu s'emparer du contrôle de l'exécutif. En quelques années, il a fait du Venezuela un état paria à l'économie sinistrée. (3/3)

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie est journaliste et écrivain. Il est notamment l’auteur de Les Farc ou l’échec d’un communisme de combat (Publibook, Paris, 2005).

 

Voir la bio »

Article datant du 20 février paru dans le n°50 d'Histoire et Liberté, en vente actuellement

Voir la première partie : Hugo Chavez, l’homme fort qui n’était plus que le pantin de La Havane

Et la deuxième :  Oui, le pétrole d'Hugo Chavez a amélioré le niveau de vie du peuple, mais pas celui du Venezuela, celui de Cuba

Cependant, le vrai collapsus de la démocratie vénézuélienne ne fut que le résultat d’évènements s politiques très caractérisés et précis. On peut dire, pour résumer, que les trois chocs les plus dévastateurs contre la démocratie au Venezuela ont été : les deux coups d'État manqués des militaires "progressistes" (en février et novembre 1992), la première élection présidentielle d'Hugo Chavez en 1998 et la Constitution issue de l'Assemblée constituante de 1999.


Même avortée, l’action illégale des militaires commandés par le lieutenant-colonel Chavez, additionnée à l’incapacité des gouvernements de Carlos Andrés Pérez et de Rafael Caldera et des partis historiques, Copei et Action Démocratique, de trouver une sortie à la crise économique et à la perte de repères de la population, en renouvelant les canaux de la représentation politique, a fait croire à beaucoup que le Venezuela pourrait surmonter ses difficultés grâce à un nouveau guide sorti de nulle part (ou des rangs militaires ultra politisés).

Ainsi, le 6 décembre 1998, le candidat Hugo Chavez s’est fait élire pour la première fois grâce à sa promesse de " refonder la République ". Il agitait, certes, l’idée d’un changement radical de l’ordre politique et social, en évitant tout de même toute allusion à une rupture avec la démocratie et à la construction d’une société socialiste. Ensuite, il a fait sa campagne pour la réalisation d’un référendum et pour la convocation d’une Assemblée constituante, en prêchant  contre la Constitution " moribonde " de 1961. Il allait donner aux Vénézuéliens plus de libertés, disait-il, et non le contraire, grâce à l’adoption du système de la démocratie " participative ". Pourtant, à cause de la surreprésentation de l’alliance pro-Chavez, une charte a été rédigée, réduisant, en réalité, les libertés et ouvrant une brèche vers l’autocratie.

Car la nouvelle Constitution a donné, en effet, des pouvoirs exorbitants au chef de l’État : légiférer par décret, dissoudre le Parlement, convoquer des plébiscites, nommer et retirer les chefs des forces militaires et de police sans passer par le pouvoir législatif. La durée du mandat présidentiel est passée de cinq à six ans, la réélection immédiate du président sortant a été instaurée ainsi que la réélection à vie lors du référendum de 2009.

De ces pouvoirs Chavez a usé et abusé. Une fois qu’il a pu s’emparer  du contrôle absolu  de l’exécutif,  il a pu mener des campagnes pour réduire à zéro les autres pouvoirs et les organismes de contrôle. Il a fait destituer des parlementaires et des magistrats qu’il jugeait encombrants  et gagné le contrôle de l’Assemble nationale, du Tribunal supérieur de justice, du Conseil national électoral, du parquet (Fiscalía) et du ministère public (Procuraduría).

Aujourd’hui, aucune instance d’État au Venezuela n’est capable de contester le bon vouloir d’Hugo Chavez qui pèse plus que la Constitution.
Pour écraser ses adversaires, il a pulvérisé la liberté de la presse, mené des campagnes de diffamation à l’encontre des journalistes et des médias critiques. Les milices et d’autres groupes armés fidèles au régime ont semé la terreur dans les rues, particulièrement contre les manifestations des opposants. La sécurité des villes est tombée très bas. Le narcoterrorisme colombien a trouvé refuge et soutien matériel et politique au Venezuela.

En vain, la SIP a demandé à Chavez de cesser ces violences et ses campagnes de harcèlement policier, judiciaire et politique  à l’égard des journalistes et des médias, et exigé la dérogation de la législation contre la liberté d’expression et de  la presse.

 Guillermo Zuluaga, président de Globovisión, a dû quitter son pays et son média a été fermé. Il était vu comme un bastion de l’opposition. Les journalistes Rafael Poleo et Patricia Poleo, parmi des dizaines d’autres, on dû s’exiler. A l’heure actuelle, 34 radios et la chaîne de télévision RCTV sont toujours fermés et interdits.Sous Chavez l’État est devenu l’ennemi de l’entreprise privé.  Tout a été fait pour déprimer ce secteur et amplifier le secteur public : contrôle des prix, nationalisations, expropriations. Et ce surtout depuis  la grève de décembre 2001 contre la loi des terres et la grève des entreprises et du secteur pétrolier de décembre 2002. Les augmentations de salaires sont à présent décrétées de façon unilatérale par l’État. Les organismes de contrôle fiscal des entreprises sont passés de 13 à 30 en 2009. Malgré l’augmentation des prix internationaux du pétrole depuis 2003, la croissance de l’économie Vénézuélienne stagne à un taux de 2.8%, quand celle de l’Amérique latine, sans dirigisme étatique, est de 3.3%.  La dépendance du Venezuela par rapport au pétrole a augmenté. En 1998, le pétrole constituait 77% des exportations. En 2011 elle est de l’ordre de 96%.


L’économie est en berne. Sur 14 000 entreprises existantes en 1999, il n’en restait que 9 000 en 2011. Pour éviter les persécutions,  elles délocalisent vers la Colombie, le Panama et les Etats-Unis. Les investissements étrangers ont chuté : seulement 5 000 millions de dollars (alors qu’à la même période la Colombie encaissait 13 000 millions).  Le bolivar, la monnaie nationale, a perdu les deux tiers de sa valeur depuis 2008 et une forte dévaluation sera inévitable en 2013 car le déficit fiscal est énorme : 20 points du PIB. L’augmentation des dépenses publiques a fait augmenter la dette extérieure qui est actuellement de 200 000 millions de dollars.  L’inflation entre 1999 et 2011 a été de 23% en moyenne tandis que celle de l’Amérique latine était de 4.6%. Les convergences diplomatiques entre Caracas et la Russie, la Chine, l’Iran, la Biélorussie, la Corée du Nord, et d’autres dictatures, a fait du Venezuela un État paria.  Sans parler de la quasi fusion institutionnelle avec le régime communiste de  Cuba.

Face à une telle désolation, l’argument suprême des amis du régime, pour vanter les mérites d’un tel modèle, est celui des élections. " Le chavisme a remporté, disent-ils, une quinzaine d’élections depuis 1998 ". Peut-être, si l’on oublie certaines choses.  La démocratie ne consiste pas à organiser des rituels électoraux,  truqués d’avance. Fidel Castro a remporté lui aussi toutes les " élections " à Cuba depuis 1959  dans un pays avec un parti unique.


Le système électoral vénézuélien est l’un des plus corrompus et pervers du monde. L’opposition est exclue de toute participation aux travaux du Conseil national électoral. Le système du vote électronique, très répandu, est opaque et source de nombreuses plaintes. Le régime paie des millions de bolivars aux citoyens en les arrosant de  bons-salaires,  des produits alimentaires et des  appareils électroménagers  pendant les campagnes électorales, où les menaces de licenciement fusent à l’égard des fonctionnaires s’ils votent ou aident l’opposition. Autre exemple : pendant la dernière campagne présidentielle, le candidat Chavez a eu huit fois plus de temps dans les médias que Capriles, candidat de l’opposition. Samuel Angel,  de l’Institut  Liberté et Démocratie, résume la situation : " On ne peut pas vaincre Chavez par les urnes car le système est totalement vicié ".

Avant de tomber malade, le président Chavez avait fait savoir que la révolution bolivarienne n’en était qu’à  ses débuts et qu’elle devait être " approfondie ". Tel serait le but déclaré de son quatrième mandat, à partir de 2013. Les théoriciens du gouvernement ont commencé alors à parler de la création d’un " Etat communal ", où la doctrine du " nouveau constitutionnalisme " (la disparition de la division des pouvoirs et la concentration du pouvoir sur la tête du chef de l’Etat) serait appliquée avec encore plus de rigueur.  Le Venezuela, malgré des élections apparemment démocratiques,   évolue  probablement vers une forme de totalitarisme, si les majorités ne parviennent pas à s’imposer contre la démarche de Chavez et des frères Castro. Ce pays doit faire face à présent, et de manière abrupte, à une transition politique décisive. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !