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Mettre les ministères au régime sec sans toucher à la qualité de service ? C'est possible
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Dégraisser le mammouth

Le ministre du Budget Jérôme Cahuzac a confirmé jeudi, comme l'avait annoncé Le Monde, que les lettres de cadrage envoyées aux ministères prévoient, au total, des économies "un peu supérieures" à 4 milliards d’euros.

Agnès  Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est "Ce que doit faire le (prochain) président", paru aux éditions Albin Michel en janvier 2017.

 

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Atlantico : Le ministre du Budget Jérôme Cahuzac a confirmé jeudi que les lettres de cadrage envoyées aux ministères prévoient, au total, des économies "un peu supérieures" à 4 milliards d’euros. Cette impulsion s'ajoute aux 10 milliards d'euros d'économies par an promis par le gouvernement. Combien est-il possible d'économiser au niveau de l'État et de ses organes ?

Agnès Verdier-Molinié : Il n’est pas étonnant que le gouvernement cherche 4 milliards d’économies de plus sur les dépenses de l’État car les 10 milliards d’économies annoncés pour 2013 étaient fictifs : nous avons montré à la Fondation IFRAP qu’il y avait non pas 10 mais au maximum 5,7 milliards d’économies programmées en 2013. François Hollande a déclaré vouloir réaliser 60 milliards d’économies sur les dépenses publiques d’ici 2017. Il faudra bien les trouver.

Au cours de nos recherches, nous nous sommes rendus compte que, par rapport aux autres pays de l’Union européenne, le surcoût de production (par "coût de production", l’OCDE entend coût de fonctionnement de nos services publics) de nos services publics à la fois centraux, locaux et sociaux est de 60 milliards d’euros mais… par an. Ce sont donc 60 milliards d’euros (soit 5% des dépenses publiques) par an que la France peut économiser sans baisser la qualité de nos services publics.

Selon le quotidien, "l'effort d'économies en 2014 pourrait même être de l'ordre de 4 milliards d'euros". Mais de telles mesures d'économies budgétaires peuvent-elles altérer la qualité des services publics ? De même, des licenciements sont-ils inéluctables ?

Ma conviction est que nous pouvons tout à fait préserver la qualité de nos services publics tout en baissant les coûts de structure. Cela sera certes dur sur le plan politique mais simple en terme de réalisation potentielle : il suffira que chaque échelon public retrouve sa place, une place qui n’empiète pas sur les autres. Dans mon livre, je chiffre à 6,5 milliards les économies que l’on peut réaliser en 2014 sur les dépenses de l’État. En 2021, ce sont 18,5 milliards sur l’État, 29,9 milliards sur les dépenses sociales et 11,6 milliards sur le local. Le grand problème de la France qui engendre le surcoût public et nos fameux 57% de dépenses publiques par rapport au PIB, c’est le fait que chaque échelon veut tout faire.

La commune veut tout faire, le département veut tout faire, la région veut tout faire, l’intercommunalité veut tout faire, l’État veut tout faire. Chacun dépense pour la culture, l’école, le social… et la Sécu aussi. Nous sommes en 2013 au pied du mur de la réforme dite des périmètres publics, celle que la Révision générale des politiques publiques (RGPP) n’a pas réalisée. A mon sens, il n’y aura pas besoin de licencier des agents publics. Les seuls départs en retraite des trois fonctions publiques permettent de supprimer autour de 470 000 postes ETP. Ensuite, au niveau des communes, il faudra jouer sur les postes contractuels pour réduire le nombre d’agents au niveau du bloc communal de 233 000 ETP.

Quelles difficultés, notamment en période de crise économique, pourrait rencontrer le gouvernement dans une telle démarche ? La France peut-elle s'inspirer de ses partenaires européens, en termes de mesures et de dialogue social, pour y parvenir ?

A l’intérieur même de l’État et des collectivités locales, il y a des agents très attachés à l’intérêt général qui osent écrire dans leurs rapports comment il faudrait réformer notre système public. Malheureusement, ces rapports sont quasi impossibles à consulter. En France, on parle beaucoup d’égalité mais, lorsque l'on souhaite savoir combien est dépensé pour tel ou tel service public et que l’on veut comparer ces coûts, on se heurte à un mur. Combien coûte ma place en crèche, combien coûte ma cantine, combien coûte mon école, mon hôpital ou mon assurance-maladie, combien mon maire ou mon président de région a-t-il de voitures de fonction, à qui donne-t-il des subventions ? Voilà des questions auxquelles les Français ont le droit d’avoir des réponses. Mais cela va demander de changer la démarche globale de nos administrations, de nos élus et de nos syndicats, qu’ils soient patronaux ou de salariés. Aucun de ces trois pouvoirs ne souhaite vraiment la transparence. Nos administrations se considèrent comme propriétaires de nos services publics et des données chiffrées qu’ils génèrent.

Les élus sont à la fois représentants de la Nation et élus locaux et cette double casquette les empêche d’avoir une vision juste des réformes à réaliser. Quant aux syndicats, comme je le montre dans mon livre, ils sont trop impliqués dans la gestion paritaire de la protection sociale pour avoir un véritable esprit critique sur la dérive des dépenses sociales. Le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a eu des mots très justes en parlant du "poids excessif des intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général" pour expliquer le fait que la France a toujours calé devant le sujet de la baisse des dépenses publiques. Cela dit, mon livre est un livre optimiste : d’autres pays (Suède, Allemagne, Canada…) ont rencontré avant nous le même type de problèmes et ont réussi à les surmonter. Pourquoi pas la France ? Cela demandera que chacun soit plus responsable mais c’est possible.

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