France- Allemagne 82 : un match de foot resté dans les annales <!-- --> | Atlantico.fr
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Après avoir été percuté par Harald Schumacher, Patrick Battiston est évacué du terrain sur une civière.
Après avoir été percuté par Harald Schumacher, Patrick Battiston est évacué du terrain sur une civière.
©DR

Bonnes feuilles

Chérif Ghemmour revient sur l'affaire Battiston : le 8 juillet 1982, à l'occasion de la demi-finale de la Coupe du monde 1982, Harald Schumacher percute Patrick Battiston qui filait seul au but. Le choc est violent: Battiston s'écroule inconscient sur le terrain... Extrait de "Terrain miné : Quand la politique s'immisce dans le football" (2/2).

Chérif  Ghemmour

Chérif Ghemmour

Chérif Ghemmour est journaliste au magazine So Foot depuis sa création en 2003. Il a par ailleurs collaboré avec RMC (L’After Foot), Europe 1 et Eurosport (Lundi Foot ainsi que le blog « Tac au tacle » sur eurosport.fr). Depuis un an, il commente également les matchs du championnat des Pays-Bas sur Ma Chaîne Sport.

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"La guerre 39-45", et plus précisément le désastre de Juin 40 ainsi que l’Occupation allemande qui va avec : en 2012, ce traumatisme national nous hante encore. Peut-être parce que, justement, entre 1945 et aujourd’hui, il y eut ce RFA-France 1982 (que les Français persistent à appeler France-Allemagne 82 !) marqué par une défaite sportive incroyable et par l’agression impunie d’Harald Schumacher sur Patrick Battiston. Cette tragédie du 8 juillet 1982 avait engendré ce que le germaniste Jean-François Tournadre qualifiait, en 2006, de « réalimentation d’une germanophobie qui trouvait là matière à se manifester sans complexe en dépit de la célébration officielle du “couple franco-allemand” ». Et c’est vrai qu’à l’été 1982, notre presse écrite n’y était pas allée de main morte… Jean-Pierre Lacour, du Figaro, le 10 juillet : « Les Allemands n’avaient pas caché leurs intentions : imposer leur force et leur esprit de corps aux Français. Termes militaires qui expriment le doute qu’ont encore nos voisins sur le courage physique des Français en général… » Jacques Ferran, France Football du 13 juillet : « L’agression dont fut victime Battiston […] restera comme le symbole du triomphe impuni de la violence sur le jeu, du crime sur le droit ». On croirait un réquisitoire prononcé au Procès de Nuremberg. France Foot titra d’ailleurs « Justice est faite ! » à sa une, après la finale remportée par l’Italie sur la RFA (3-1).

[…]

Le match va débuter au Stade Sánchez Pizjuán. Il fait encore jour et la température est de 33°. Les Allemands sont en blanc-sans-retour. Qui a vu de près la tunique de Franz Beckenbauer frappée de l’aigle noir au musée personnel de Louis Nicollin comprendra la terreur blanche qu’a longtemps inspirée la Nationalmannschaft. Le Kaiser avait rencardé les joueurs de Jupp Derwall, entraîneur de la RFA à Séville : « Jouez dur, les Français détestent ça. » Au Mundial 1986, le sélectionneur Beckenbauer bouclera sèchement le dossier France après une autre demie victorieuse contre les Bleus (2-0) : « Cette équipe ne sait pas battre l’Allemagne. » En juin 1982, la RFA est championne d’Europe 1980, invaincue depuis quatre ans contre une équipe européenne. On a déjà oublié que dix-huit mois plus tôt, en novembre 1980, elle avait dézingué les Bleus 4-1 à Hanovre…

[…]

Après un premier quart d’heure allemand, Littbarski ouvre le score à la 18e juste après son coup franc sur la barre. Platini égalise sur péno à la 27e (1-1), et la France se met à dérouler avec un niveau technique prodigieux.

[…]

Battiston entre à la 50e, il a du jus. Sept minutes plus tard, l’incident : lancé plein axe par Platini, il se présente seul face à Schumacher. Entré dans la surface, il a le temps de tirer. Mais à côté… Fallait pas rater ça : tel est le premier drame. Le second, c’est le tampon ultra violent de Schumacher qu’il se prend en pleine poire ! Pendant que Battiston gît au sol, inanimé, son agresseur moustachu au regard halluciné rumine un chewing-gum, les mâchoires crispées, attendant poings sur les hanches de reprendre le jeu. Battiston le Lorrain est évacué sur civière et l’arbitre néerlandais Charles Korver siffle un 6 mètres. Pas de jaune, pas de rouge, pas de péno… Lopez remplace Battiston, dernier changement.

[…]

Prolongation.

[…]

Fin de la prolongation. Pour la première fois en Coupe du monde, une qualification va se disputer aux tirs au but. Stielike rate, Six rate aussi, et Bossis échoue à son tour à 23 h 41 avant que Hrubesch n’assène le coup de grâce : le blond immense aux initiales létales HH bondit, extatique, les bras levés. La symbolique franco-allemande des « gabarits » parle d’elle-même : Hrubesch-Giresse, Kohl-Mitterrand, Bismarck-Thiers (le Prussien était un géant, le « Versaillais » était tout petit)… Thierry Roland rend l’antenne. Puis le micro encore ouvert laisse entendre la voix lointaine de Jean-Michel Larqué en détresse : « Allô Paris ? » En RFA, on retiendra surtout le happy end : « Oui, ce match est vraiment l’un des matchs du siècle, insiste à nouveau Edmund Stoiber.

[…]

Du drame de Séville va naître en France une véritable mystique, condensée dans l’appellation « France- Allemagne 82 ». Littérature, chanson (souvent des histoires de lose amoureuse !), cinéma, danse, théâtre, documentaires TV : tout le monde connaît les allusions innombrables inscrites dans tous ces domaines de la création. À la base, un vieux fatalisme sportif dans lequel la nation s’est toujours complu (la France de Poulidor, de Jazy et des Verts de Glasgow 76, pour faire vite), doublé d’une manie très française de magnifier certaines défaites, les transformant parfois en (presque) victoires… Même si elle le voulait, la France n’était pas une grande nation de sport.

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Extrait de "Terrain miné : Quand la politique s'immisce dans le football", Hugo Sport Editions (février 2013)

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