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Les histoires d'amour en temps de guerre, loin des champs de bataille, à Bletchley Park
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Bonnes feuilles

Sinclair McKay raconte la vie insolite des civils qui, enrôlés auprès des plus brillants cerveaux britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale et au cœur du renseignement, ont changé le cours de l'Histoire. Extrait de "Les Casseurs de codes" (1/2).

Sinclair McKay

Sinclair McKay

Sinclair McKay est un auteur et journaliste anglais. Il collabore régulièrement au Telegraph et au Mail on Sunday. Il a écrit Sunday Times bestseller en 2011.

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"L’ancien de Betchley S. Gorley Putt présente les choses légèrement différemment. Il évoque le « confinement bouillant » du Park qui créait une atmosphère ardente dans laquelle « les amours […] devenaient obsessionnelles […] les nerfs poussés à bout en permanence recherchaient maladroitement une nourriture émotionnelle pendant les périodes de temps libre ».

Certainement. Et vu la claustrophobie de la communauté, ajoutée à la tension générée par le travail, l’explosion de cette hystérie sexuelle était peut-être inévitable. Cependant, en dehors de cette vision digne de Bloomsbury34, figurent les histoires plus subtiles mais néanmoins agréables des nombreuses relations durables. Ce qui surprend aujourd’hui quand on écoute les récits de la naissance de mariages heureux et solides, c’est la décontraction affichée par les autorités du Park vis-à-vis des affaires de coeur.

Le mathématicien Keith Batey se remémore l’un de ses tout premiers souvenirs de Bletchley Park, à savoir la vue de « jeunes femmes nubiles » allant et venant. Mais c’était peu de temps avant que lui et Mavis Lever se rencontrent. Il était dans le baraquement 3, tandis qu’elle travaillait dans le Cottage aux côtés de Dilly Knox. Une nuit, elle reçut un message l’invitant à se rendre dans le baraquement 3. Leurs regards se croisèrent, comme ils s’en rappellent aujourd’hui en riant : « Un soir tard, j’étais de service avec l’équipe du soir dans le baraquement et c’est là que je l’ai rencontrée, dit Keith. Cette fille, petite, est arrivée de l’équipe de Dilly avec un message contenant un problème. Elle ne savait pas comment le résoudre. Je ne l’ai pas revue avant un an, dit Keith, en riant. Elle ne l’a jamais admis, mais c’est pourtant vrai. »

M. Batey n’exagère pas tant que ça lorsqu’il évoque le temps qu’il a fallu pour qu’ils se revoient. Les gens travaillant dans différents baraquements et diverses zones du Park se croisaient rarement car les départements étaient parfaitement cloisonnés. S’il leur arrivait de se rencontrer, il leur était interdit de parler travail.

Au regard de ce souci sécuritaire, on aurait pu penser que les autorités du Park voyaient d’un mauvais oeil les relations entre individus de différents baraquements. Et pourtant, comme le rappelle Mavis Batey, les choses semblèrent plus simples une fois Keith et elle-même en couple. « Il n’y avait aucune règle interdisant de “sortir ensemble”. Nous pensions avoir été très discrets, mais quand nous avons annoncé nos fiançailles, on nous a dit que notre union faisait déjà l’objet de paris sur la date choisie. La personne qui gérait les réservations à la cantine avait remarqué que nous faisions toujours en sorte d’être dans le même coin. »

Autrement dit, malgré leurs efforts pour ne pas se faire remarquer, Keith et Mavis étaient parfaitement repérés, mais avec bienveillance. Mavis se souvient que Dilly Knox essayait de la mettre en garde pour plaisanter, lui disant que « les mathématiciens manquent cruellement d’imagination ». Elle lui assura que le sien était parfait. Les fiançailles tinrent bon et le mariage suivit peu de temps après. Mavis Batey poursuit : « Ce n’est qu’une fois mariés que le règlement nous a obligés à travailler dans des bureaux séparés. Mais il s’agit des règles de la fonction publique. Cela n’avait rien à voir avec les services secrets. »

Sheila et Oliver Lawn découvrirent non seulement une atmosphère tout aussi bon enfant et pleine de promesses, mais prirent également conscience, bien avant leur rencontre, que l’organisation au sein de Bletchley Park était très propice aux idylles. Ils avaient en outre remarqué la tendresse grandissante entre Keith Batey et Mavis Lever. Oliver Lawn raconte : « Il y avait un certain nombre d’histoires d’amour. Dans le baraquement 6, plusieurs se sont mariés pendant leur séjour à Bletchley.  Il y a eu bien sûr les Batey. Sheila et moi nous sommes mariés plus tard, car Sheila a dû partir terminer sa formation. »"

Extrait de "Les Casseurs de codes", Ixelles éditions.

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