François Hollande applique-t-il méticuleusement le programme de... Nicolas Sarkozy ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande n'a pas oublié le programme de Nicolas Sarkozy pendant la dernière campagne présidentielle.
François Hollande n'a pas oublié le programme de Nicolas Sarkozy pendant la dernière campagne présidentielle.
©Reuters

Bonne nuit, les petits

Le groupe de travail des députés socialistes chargé de plancher sur la refonte des taux de TVA propose de relever le taux normal à 20,5% et d'augmenter le nombre de secteurs soumis au taux réduit de 5%. Une preuve de plus que François Hollande n'a pas oublié le programme de Nicolas Sarkozy pendant la dernière campagne présidentielle...

André Bercoff et François Lenglet

André Bercoff et François Lenglet

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton. Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), et plus récemment Qui choisir (First editions, 2012)

François Lenglet officie depuis 2012 sur la chaîne France 2 où il dirige le service France. Il est également éditorialiste dans l'hebdomadaire Le Point.

 

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Atlantico : Le groupe de travail des députés socialistes chargé de plancher sur la refonte des taux de TVA propose de relever le taux normal à 20,5% et d'augmenter le nombre de secteurs soumis au taux réduit de 5%. Après la ratification du traité européen,  le pacte de compétitivité où les accords de flexibilité et en attendant une éventuelle réforme des retraites, la politique de François Hollande semble se rapprocher de plus en plus  se rapprocher des idées défendues par Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle. Finalement, ne serait-ce pas le programme de l'ancien président de la République que François Hollande applique méticuleusement ?

François Lenglet : De fait, l’un et l’autre préconisent une politique identique mais je ne crois pas que ce soit Hollande qui se cale sur la politique de Sarkozy. Au fond, l’un et l’autre prennent comme acquis – et c’est la réalité - que l’outil monétaire est complètement hors d’atteinte, on n’a pas la maîtrise de nos taux d’intérêts, de notre taux de change, ni de notre politique budgétaire puisqu’il y a une trajectoire qui est balisée pour arriver jusqu’à 3%, en principe, en 2017. Pas de dévaluation possible, donc la ponctuation peut varier mais pas les arguments. Entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, il y a effectivement une différence de ponctuation. Pour la première fois, on travaille la compétitivité non plus par l’endettement – comme c’était le cas dans les années 1990 en baissant le coup du travail sans le financer (en creusant le déficit) – mais par des ajustements réels qui ne peuvent être que supportés par la fiscalité et singulièrement par le consommateur. De ce point de vue, TVA sociale ou pacte de compétitivité sont des dispositifs jumeaux.

Quant à la ratification du pacte budgétaire, il y eu une espèce de décoration superfétatoire de la part de François Hollande, qui était le pseudo pacte pour la croissance dont on a d’ailleurs plus du tout entendu parler. La France a signé le pacte en l’état et là, on n’a même pas changé la ponctuation. Le fait est que l’un et l’autre fassent la même politique est la résultante du fait que tous deux considèrent que la France dans l’euro, c’est l’intangible.

André Bercoff : Ce n’est pas le programme de Sarkozy que Hollande applique, mais bien celui du Mitterrand de fin 82 début 83 : le tournant de la rigueur à laquelle on pense toujours mais qu’on ne formule jamais. Certes, contrairement à son illustre mentor, Hollande a dû plonger dans l’eau glacée de la crise sans un instant de répit, surtout que, en bon candidat, il avait promis beaucoup plus qu’il ne pouvait tenir. Ce qu’il a en commun, en revanche, avec Sarkozy, c’est qu’il franchit le Rubicon en restant au milieu du gué : tous deux détestent les mots de rigueur et d’austérité, et, venant de rivages différents, essayent à leur manière de soigner leur corps électoral en sachant pertinemment qu’ils ne pourront contenter tout le monde et que les mesures seront farouchement controversées : taxe à 75% sur les hauts revenus pour réenchanter la gauche de la gauche, bouclier fiscal, il n’y a guère, pour rassurer la droite.

En  fait, sur l’Europe, la TVA, la sécurité, les Roms, Hollande fait du Sarkozy tout en se défendant vigoureusement  de ces « mauvaises actions ». Les choses étant ce qu’elles sont, le chômage où il grimpe, les marges des entreprises où elles s’effondrent, la croissance où elle s’aplatit, il n’y a plus hélas, que l’embarras du choix unique : social-libéral pour le prédécesseur, social-démocrate pour l’actuel, avec, si les décisions ne sont pas plus drastiques, l’échec au bout du tunnel.

Comment l'expliquez-vous ? Cela signifie-t-il que face à la réalité de la crise il n'y a qu'une politique possible ?

André Bercoff : Il y existe bien sûr deux autres politiques possibles qui auraient au moins le mérite de la cohérence : le tout libéral à la Thatcher, à la Reagan et à la greco-espagnole sur le souhait du FMI, ou alors, virage à 180° vers une gauche qui appliquerait enfin son programme : redistribution, relance, grands travaux, et non remboursement de la dette. Quant à l’efficacité des remèdes de cheval, il ne nous appartient pas d’en juger, n’étant ni futurologue, ni voyant. 

Sur quels points la politique de François Hollande diffère-t-elle, malgré tout, de la politique de Nicolas Sarkozy ?

François Lenglet : Elle diffère sur des symboles. Pour Sarkozy, c’était la baisse de l’impôt sur la fortune, qui a été substantielle. Pour Hollande, ça va être la taxe à 75%. Dans les deux cas, il s'agit de l'impôt sur les riches, c’est un élément central de la politique économique française.

Cette question se pose dans tous les pays en crise, on a le sentiment que les riches doivent payer davantage pour la crise. De ce point de vue, la réforme de l'ISF de Nicolas Sarkozy était héritée plutôt de l’avant crise.

S’il était resté au pouvoir, il aurait lui-même frappé davantage les riches. Il avait d’ailleurs déjà commencé avec des taux marginaux qui étaient sensiblement en progression pour les ménages au-dessus de 200 00 euros. On est arrivé à 45%, et on partait de 40 ou 41%. Regardez par exemple l’espèce d’idée reçue selon lequel il faut taxer autant la fiscalité du capital que le travail…

L’un et l’autre l'ont dit, et l’un et l’autre l’ont fait. La proportion de détenteurs d’actions français au capital des entreprises du cac 40 a commencé à diminuer sous Sarkozy de façon très substantielle car la fiscalité commençait à devenir punitive pour les revenus du capital.

Plus le temps passe, plus la « trajectoire hollandienne » rejoint le mainstream européen dans lequel était déjà Sarkozy.

André Bercoff : Il est certain que les mamours de François Hollande envers le secteur public, sont et seront toujours nettement plus appuyés que les « je t’aime moi non plus » de Sarkozy. Voir par exemple le jour de carence des fonctionnaires, les emplois protégés et autres contrats de génération. Si, sur le fond, les fausses promesses de Florange ont rejoint les fausses promesses de Gandrange, dans les faits, l’Etat est plus difficile à saigner à gauche qu’à droite, même si les énarques se répartissent très équitablement entre les deux camps.

Une partie de la gauche dénonce un tournant social-libéral. Est-ce justifié ? 

François Lenglet : Au fond, il y avait les mots et il y avait les sous-titres dans la campagne de Hollande. Les sous-titres ont toujours été ceux d’un social-libéralisme ou d’un social-démocratisme. Ceux qui n’ont pas entendu ou pas lu ça n’ont pas entendu ou lu attentivement.

Ce qui frappait dans les programmes de l’élection présidentielle, ce n’était pas les différences mais les ressemblances : la Banque publique pour l’industrie était dans tous les programmes, l’augmentation des taux marginaux aussi. Et cela se retrouvait de l’extrême-gauche à l’extrême-droite. Quand on additionne à la fois les contraintes de l’euro et les caractéristiques françaises, on arrive à une plate-forme relativement homogène.

Ceux qui voient un tournant font les surpris, mais ils n’étaient pas très lucides en imaginant que les socialistes allaient faire une autre politique.

André Bercoff : Quel tournant ? Hollande a toujours été social-libéral : il ne pouvait simplement pas l’avouer en campagne électorale. Le problème de l’actuel président est qu’il s’est senti forcé de continuer à promettre alors qu’il était déjà élu, erreur qu’il n’a pas fini de payer. Inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année, modification du Traité Européen, réduction du déficit à 3% du PIB : paroles, paroles. Certes, on peut toujours organiser le défilé des boucs émissaires et agiter les chiffons rouges du mariage pour tous et du vote des étrangers, reste que tout se fera à l’aune de l’économie, et qu’à l’instar des civilisations, les politiques savent désormais qu’ils sont de plus en plus mortels, et que s’ils veulent éviter de se faire remplacer partout par des Beppe Grillo, ils feraient beaucoup mieux de se taire. Et de faire.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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