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A qui va profiter la taxe sur le gazole ?
©Reuters

Inévitable

Le gouvernement prépare une nouvelle hausse des tarifs pour le gazole : les taxes devraient augmenter de 2 centimes par litre, tous les ans, et jusqu'en 2016.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico : Le gouvernement se prépare à augmenter les taxes sur le gazole de façon annuelle afin de revenir progressivement au niveau de l'essence, qui est aujourd'hui taxée à hauteur de 0,86 euro par litre, contre 0,65 euro en moyenne pour le diesel. Quelles sont les réelles intentions du gouvernement ?

Thomas Porcher : Actuellement en France, le prix du diesel à la pompe est un prix artificiel. D’ailleurs, en enlevant les taxes, le diesel est plus cher que l’essence. La différence de prix vient donc d’un choix politique. Aujourd’hui, le gouvernement semble en choisir un autre : le rééquilibrage des taxes. C’est un choix politique courageux quand on sait que 65% des français roulent avec une voiture diesel, mais il était inévitable à cause du fort consensus sur la dangerosité du diesel et de la pression de la commission européenne. La réalité est que ces vingt dernières années, les politiques ont préféré « faire la sourde d’oreille » et continuer à avantager le diesel alors que, déjà à la fin des années 80, des premiers rapports montraient sa nocivité et que d’autres pays, comme le Japon, prenaient des mesures pour limiter la circulation des voitures diesel. Le problème est qu’avec l’avantage fiscal, les ventes de voitures diesel se sont envolées passant de 33% en 1990 à 50% en 2000, pour finir à plus de 70% cette année, et à mesure que la France se « diéselisait », il était de plus en plus dur de toucher aux taxes. Aujourd’hui, ce gouvernement est au pied du mur et paie l’addition de vingt années d’inaction.

Concrètement, à qui va profiter cette taxe ? Qui va en pâtir ?

Le rééquilibrage des taxes va permettre d’énormes rentrées fiscales. Sur la TICPE qui est une taxe additive (taxe sur les produits pétroliers), il y a une différence de 17 centimes entre les deux carburants. Or, à chaque centime de taxes en plus sur le gazole, c’est autour de 800 000 et 1 million d’euros en plus de rentrées fiscales par jour. Le problème est que cette augmentation des taxes sur le diesel va être douloureuse pour beaucoup de français, surtout si les prix du pétrole augmentent. Rappelons que 65% des français roulent au diesel et que 70% des voitures achetées l’année dernière étaient des voitures diesel. Le rééquilibrage doit donc être progressif et sur plusieurs années. Par exemple, par tranche de deux centimes par an.

Le diesel représente 80% de la consommation de carburants en France. Une hausse du prix peut-elle entraîner un changement dans les ventes de véhicules avec moteur diesel et ainsi encourager l'achat de véhicules à énergies propres ?

Le déséquilibre important entre l’achat de voitures diesel et essence provient de deux choses : l’avantage fiscal du diesel à la pompe et le fait que nos constructeurs automobiles se soient spécialisés dans les moteurs diesel. Il est donc évident que la perte de l’avantage fiscal du gazole va rendre moins attractif l’achat de voitures diesel et comme globalement le prix des carburants est cher, les gens vont probablement se diriger vers les voitures essences qui consomment le moins.

La ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a expliqué ce mardi au micro d'Europe1 que le diesel serait à l'origine d'un véritable problème de santé publique et du décès prématuré d'environ 40 000 personnes par an. Aligner le prix de l'essence avec celui du gazole va-t-il véritablement ralentir la consommation de ce carburant et donc les risques liés à la pollution aux particules ?

En terme de consommation de carburant, les changements ne seront pas visibles du jour au lendemain car beaucoup de français n’ont pas d’autres choix que de prendre leur voiture pour se déplacer. Rappelons que dans certaines régions françaises, le taux d’utilisation du véhicule particulier pour le trajet domicile-travail est de 85%. Il faudra donc attendre les premiers cycles de renouvellement des véhicules pour que la consommation de gazole diminue.


Propos recueillis par Mathilde Cambour

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