L'objectif de 3% de déficit est-il vraiment le meilleur outil de maîtrise des dépenses publiques ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Quel est l'outil adéquat pour maîtriser les dépenses publiques ?
Quel est l'outil adéquat pour maîtriser les dépenses publiques ?
©Reuters

Au passage ?

Le déficit de la France sera de 3,7% selon la Commission européenne en 2013, un niveau supérieur aux 3% imposés par le Traité de Maastricht. Mais ce critère est-il vraiment le bon ?

Gérard Thoris

Gérard Thoris

Gérard Thoris est maître de conférence à Sciences Po. il a notamment rédigé une Analyse économique des systèmes (Paris, Armand Colin, 1997), contribue au Rapport Antheios et publie régulièrement des articles en matière de politique économique et sociale (Sociétal, Revue française des finances publiques…).

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Ça recommence ! Hier, malgré nos engagements dans le cadre de Pacte de stabilité et de croissance, il n’était pas grave de dépasser les 3% de déficit budgétaire. La décision en fut prise au Conseil européen de mars 2005, trois ans après que le président de la Commission européenne Romano Prodi ait parlé de Pacte de stupidité. S’il n’y a pas de guillemets à cette expression qui sonnerait bien étrangement dans la bouche d’un si haut responsable politique, c’est que la formule effective qu’il employât dans Le Monde du 17 octobre 2002 était un sommet de l’ambiguïté. D’un côté, le seuil des 3 % est "le minimum des minimum" en matière de coordination des politiques économiques ; de l’autre, "il faut avoir un outil plus intelligent et plus de flexibilité". Aujourd’hui, il n’est donc pas plus grave de différer de revenir à ce fameux seuil. C’est la Commission européenne elle-même qui en donne quitus à la France, par l’entremise d’Olli Rehn, commissaire en charge des Affaires économiques et monétaires, qui reporte très explicitement cet objectif à 2014 !

Entre ces deux dates néanmoins, la dette publique de la France est passée de 66,4% à 90 %. Ce qui peut expliquer cette quiétude, c’est que, malgré tout, le poids des intérêts payés par les administrations publiques est resté stable à 2,7 % du PIB. Nous voilà donc avec un premier élément de réponse à la question posée : à quoi bon maîtriser les dépenses publiques si, dans l’immédiat, les intérêts de la dette ne s’accroissent pas ? A supposer que la France puisse s’endetter à taux zéro en 2013, l’accroissement du stock de dette ne coûte rien ! Quant au principal, la croissance y pourvoira et d’ailleurs d’autres que nous seront au pouvoir !

Ce premier élément de réponse est néanmoins bien discutable et on devrait le savoir. En premier lieu, 2,7 % d’intérêts c’est, année après année, plus que la croissance économique réelle. Cela signifie que les progrès de productivité suffisent à peine à payer les intérêts. Evidemment, ces intérêts vont aux détenteurs d’obligations publiques, mais ce serait un raccourci bien discutable de dire que, ce que les salariés n’ont pas en augmentations de salaires (nettes d’impôts) liées aux gains de productivité, ils le touchent en rémunération des actifs financiers qu’ils détiennent ! Parallèlement, même si le poids des intérêts n’a pas augmenté, comme la croissance nominale s’est effondrée, l’effet boule de neige s’est mis en route. Rien que pour 2013, la croissance nominale ne dépassant pas 1,5 %, il va falloir s’endetter à hauteur de 1,2 % du PIB pour payer les intérêts sur le stock de dettes.
On voit donc l’impasse dans laquelle nous sommes et que, évidemment, les responsables politiques ne peuvent admettre publiquement.

D’un côté, le poids de l’endettement passé est tel que, à défaut d’augmenter les impôts ou de diminuer les dépenses publiques, les intérêts de la dette sont payés par davantage de dettes ; d’un autre côté, on en est sûr, l’accroissement des impôts ou la diminution des dépenses publiques a un effet récessif. On se souvient néanmoins que François Hollande et son gouvernement l’avaient implicitement nié, contre toute évidence, en imaginant qu’un ajustement ex ante du budget de 30 milliards d'euros se traduirait, ex post, par une amélioration équivalente de la situation budgétaire.

Puisque nous sommes dans l’impasse, autant forcer une solution qui a des chances d’aboutir à une amélioration définitive de la situation économique. La fuite par l’endettement n’offre plus aucune perspective. On ne voit pas pourquoi ce qui a été tenté sans succès en 2009 réussirait aujourd’hui. Il reste donc la maîtrise des déficits publics.

Parmi les deux moyens d’y parvenir, la hausse des impôts est celui qui produit l’effet récessif le plus immédiat – on aura l’occasion de le voir avec la hausse de la TVA toujours prévue pour 2014. Il ne s’agit pas néanmoins de diminuer les dépenses publiques à la hache, on s’en doute. Il s’agit d’optimiser l’usage de l’argent public. Faut-il rappeler les évaluations de l’Institut Thomas More ? Si l’on s’approchait de l’efficacité allemande pour l’offre de biens collectifs qui sont évidemment au cœur de notre contrat social, nous pourrions économiser environ 8 % du PIB ! La réponse à la question devient extrêmement claire : le meilleur outil de maîtrise des dépenses publiques, ce sont les réformes structurelles dans les services de l’Etat Providence. Le premier ennui, c’est qu’il est bien tard pour les mettre dans un programme validé par le suffrage universel ; le second ennui, c’est qu’elles concernent directement la base électorale du parti au pouvoir.

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