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S’il ne s’agissait que d’indécence... Ce mauvais coup que Marcela Iacub nous porte à tous en s’en prenant à DSK
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Attaques

L'essayiste Marcela Iacub raconte dans son nouveau livre "Belle et Bête" sa liaison avec Dominique Strauss-Kahn.

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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Atlantico : L'essayiste Marcela Iacub raconte sa liaison avec Dominique Strauss-Kahn dans un livre dénoncé comme "une abomination" par l'ex-directeur du FMI et Anne Sinclair après la publication d'extraits ce jeudi dans le Nouvel Observateur. Ce livre n'est-il pas le symbole d'une société qui est passée de la transparence à l'indécence ? 

Eric Deschavanne : La transparence implique l'indécence. On passe volontiers d'une indignation à l'autre : on nous cache tout ! On nous dit tout ! Mais si l'on considère que la transparence est un devoir, il n'y a aucune raison pour que la vie sexuelle échappe à la moulinette médiatique. Du point de vue d'une morale de l'authenticité, pour le dire autrement, la décence exige de tout dévoiler. Ce qui est remarquable, précisément, c'est que "l'indécence" du dévoilement de la vie privée soit désormais régulièrement justifiée, au nom du devoir d'informer, de "l'audace" artistique, voire de l'idée, qui tend à se répandre, selon laquelle les comportements privés auraient une signification politique (en vérité, ils ont une signification morale, et le moralisme envahit l'espace public).

Avec cette affaire, on tient un symptôme social qui est presque trop beau pour être vrai. La rencontre de Marcela Iacub était a priori aussi improbable que potentiellement explosive !

Marcela Iacub est une intellectuelle à l'avant-garde de cette tendance qui fait de la vie privée - de la sexualité en particulier - un enjeu politique. Dominique Strauss-Kahn incarne désormais pour l'éternité l'homme de pouvoir dont la vie privée, plus particulièrement la vie sexuelle, a été transformée en objet médiatico-politique. Politisation de la sexualité, médiatisation de la vie sexuelle de l'homme politique : ajoutez à cela l'exercice littéraire de l'autofiction (fondé lui aussi sur l'idéal de la transparence au nom de l'authenticité) et vous obtenez un cocktail détonant !

La disparition de l'espace privé dans les sociétés modernes ne relève-t-elle pas d'une logique totalitaire orwellienne ?

Si logique totalitaire il y a, il s'agit d'un totalitarisme démocratique et libéral, d'un totalitarisme de la transparence qui se déploie sous la pression de la concurrence généralisée et au nom de l'intérêt du public. Big Brother, en l'occurrence, c'est nous, le public. Si l'on était capable de s'imaginer à la place des personnes qui les subissent, ces atteintes à la vie privée devraient nous être insupportables. Le consentement à ce phénomène tient au fait que, par essence, les victimes appartiennent à la caste des "people". Le dévoilement de la vie privée n'a d'intérêt qu'à mesure de l'exposition médiatique de la personne concernée. Je crains qu'à l'avenir la protection de la vie privée ne soit réservée qu'à ceux dont la vie privée n'interesse personne.

Ce qu'il faudrait parvenir à expliquer, c'est le ressort de notre consentement : provient-il d'une adhésion profonde à une morale publique qui considèrerait qu'un personnage public n'a plus droit à l'indifférence concernant sa vie privée, comme si, en effet, ses moindres paroles ou faits et gestes importaient à la conservation de l'ordre moral ? Ou bien repose-t-il tout banalement sur la tentation du voyeurisme ? Le ressentiment est à mon sens un ingrédient à ne pas négliger : le dévoilement de la vie privée représente en effet pour le public une manière d'humilier les puissants et les célébrités.

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