Industrie française : le pire pourrait être derrière nous si l’ambition politique est au rendez-vous <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Industrie française : le pire pourrait être derrière nous si l’ambition politique est au rendez-vous
©

Ca va s'arranger...

L'activité des industries continue de ralentir tous secteurs confondus, et cela depuis quatre ans. Allons-nous pouvoir rebondir un jour ?

Jean-Louis Levet

Jean-Louis Levet

Jean-Louis Levet est économiste.

Son dernier livre est Réindustrialisation j'écris ton nom, (Fondation Jean Jaurès, mars 2012).

Il est également l'auteur de Les Pratiques de l'Intelligence Economique : Dix cas d'entreprises paru chez Economica en 2008 et GDF-Suez, Arcelor, EADS, Pechiney... : Les dossiers noirs de la droite paru chez Jean-Claude Gawsewitch en 2007, et de Investir : une urgence absolue pour la France et l'Europe à télécharger chez la Fondation jean Jaurès (en libre téléchargement).

Voir la bio »

Atlantico : D'après l'enquête mensuelle Markit auprès des directeurs d'achats du secteur privé, la contraction du secteur privé français s'est encore accélérée en février, au plus fort depuis mars 2009. L'indice PMI du secteur des services a reculé à 47,3 contre 48,6 en janvier. Le PMI flash manufacturier ressort quant à lui à 47,8 contre 47,9. L'indice flash composite, qui réunit les deux secteurs, il est revenu à 47,3 en février contre 48,6 le mois dernier. Alors que certains annoncent la fin de la crise de la zone euro, la situation de l'industrie française peut-elle encore se dégrader, ou avons-nous touché le fond ?

Jean-Louis Levet : La question n'est pas de savoir où sera notre industrie demain, mais de savoir si nous en voulons une ou pas. Voici plus de deux décennies qu'un processus de désindustrialisation est en marche avec ses effets destructeurs sur l'emploi et une grande partie de nos territoires, que la crise financière puis économique de 2008 a révélé et accéléré. Or tout pays a besoin d'un tissu entrepreneurial dynamique, créatif, pour se développer, créer des emplois, assurer la maîtrise de son insertion dans la mondialisation. Le système productif français, depuis plusieurs années, se retrouve dans une position intermédiaire qui n'est plus supportable:

        * au sein de l'Union européenne entre les pays industrialisés des pays du Nord et les pays faiblement industrialisés du Sud (à l'exception de l'Italie qui garde un tissu de PME dynamiques);

        * entre l'industrie allemande de qualité et les entreprises des pays émergents bénéficiant de bas coût et de transferts de technologie;        

        * entre un modèle industriel à forte densité de produits importés et fondé sur une énergie fossile et un modèle industriel de qualité à haut rendement énergétique.

Notre pays, au-delà de mesures en faveur de l'industrie prises ces dernières années, mesures en réaction à une situation de perte croissante de compétitivité, doit faire le choix résolu d'une grande ambition industrielle. De même l'avenir de l'Union européenne passe par une stratégie d'investissement massif dans la recherche, le développement technologique et industriel correspondant en particulier aux grands besoins de demain, communs à tous les pays européens: mobilité, information, santé, énergie, urbanisme, technologies vertes.

A quoi est dû ce malaise aujourd'hui, qui touche aussi bien le secteur des services que l'industrie manufacturière en France ?

La désindustrialisation de notre économie résulte d'un choix politique implicite largement soutenu par une grande partie des mondes économique, financier et académique. Deux grandes tendances au cours des années 70 et 80 peuvent expliquer la situation que nous connaissons depuis plusieurs années:

      * La complexification des objets produits et des modes de production, l'automatisation de ses lieux aboutissent à une  diminution du nombre d'ouvriers et les éloignent de l'industrie, alors même que la politique industrielle, jugée trop coûteuse, est désavouée par les libéraux.

      * D'autre part, la promotion d'une économie de service couplée à celle de l'effacement de l'Etat régulateur a accrédité l'idée d'un déclin naturel et irrémédiable de l'industrie. Le règne du tout-marché et de la flexibilité des horaires et des salaires a pu alors débuté. Société post-industrielle, nouvelle économie, entreprise sans usine, les modes se succèdent renforçant l'idée que l'avenir du pays ne passe plus par le développement industriel.

Depuis le milieu des années 2000, l'inadaptation de la spécialisation industrielle française héritée des trente glorieuses commence à apparaître: trop concentrée sur les secteurs comme l'industrie automobile ou la sidérurgie, et pas assez sur les activités de haute technologie et d'innovation de rupture; des industries de haute technologie existantes trop dépendantes de la demande publique ou de facteurs géopolitiques aléatoires; une industrie française trop portée par les grands groupes et insuffisamment focalisée sur les produits de moyenne/haute technologie plus demandés sur les marchés mondiaux notamment dans les pays à la croissance forte et rapide. Devant le développement  insuffisant des services à forte valeur ajoutée, la prise de conscience de la place vitale des activités industrielles (au sens large) dans notre économie ne commence à se faire qu'à partir du milieu des années 2000.

Tout ceci a bien sûr des répercussions négatives sur l'attractivité des métiers industriels et artisanaux, l'adaptation de la formation aux besoins de l'économie, le développement de filières scientifiques, la qualité et les modes de travail, la culture de l'entrepreneuriat et de la prise de risque, etc. Alors même que notre pays et nos territoires possèdent des ressources humaines de qualité, un fort potentiel de créativité, dans de nombreux domaines.

Que faire?

Le pacte de compétitivité mis en place par le gouvernement constitue une première étape, en mobilisant notamment de façon cohérente la diversité des leviers de la compétitivité (recherche, innovation, financement des PME, formation, fiscalité, dialogue social, etc) tout en essayant de répondre à l'urgence de situations difficiles liées pour la plupart à une très faible croissance tant au niveau national qu'au niveau de la zone euro.

Réindustrialiser le pays, c'est viser à la fois:

       *  la montée en gamme des industries matures où l'enjeu de la qualité est décisif; nous y trouvons la plupart des points commerciaux encore fort de la France: aéronautique, spatial, agroalimentaire, cosmétiques, etc;

      * la promotion d'innovations de rupture pour les activité naissantes, source des rentes technologiques de demain dans les domaines du numérique, des industries de l'information, des énergies renouvelables, des technologies vertes... Ces changements majeurs à l'oeuvre permettent suivant les cas une miniaturisation accrue des objets, une résistance accrue aux chocs, une meilleure conductivité, un moindre impact environnemental. Et ces innovations seront de plus en plus issues de la combinaison de savoir-faire. Les nouveaux domaines de recherche et la convergence de domaines jusqu'ici cloisonnés donneront naissance à une multitude d'activités industrielles et de services associés.

      * relever le défi de l'économie des effets utiles: au-delà des sauts technologiques et de l'innovation sous toutes ses formes (organisationnelle, sociale, etc) à réaliser, aller vers un modèle économique de la qualité reste la meilleure garantie d'une croissance durable et équilibrée.

A court terme, il s'agit de favoriser l'investissement, d'orienter l'épargne vers les projets entrepreneuriaux, de soutenir notre tissu productif, et de chercher à favoriser le pouvoir d'achat des français via l'allègement de postes de plus en plus contraints, le logement en tout premier lieu.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !