Vincent Peillon peut-il encore échapper à la malédiction du ministère de l'Education nationale ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l'Education Vincent Peillon doit faire face à la colère des enseignants.
Le ministre de l'Education Vincent Peillon doit faire face à la colère des enseignants.
©Reuters

Sortilège

Vincent Peillon, ministre de l'Education, fait face à la grogne et au mécontentement du corps enseignant dans le cadre de la réforme de la semaine de quatre jours et demi. Un homme qui, pourtant, semblait correspondre au profil idéal dressé par une majorité des professeurs. Mais il n’est pas le premier à subir les reproches de cette profession, inquiète. Peut-on dire que le ministère de l'Education est maudit ?

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano est journaliste et conseiller en communication chez Only Conseil, dont il est le co-fondateur et le directeur associé.

Il anime un blog sur l'actualité des médias et a publié notamment Les Perles des politiques.

 

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Atlantico : Vincent Peillon fait face à la grogne et au mécontentement du corps enseignant dans le cadre de la réforme de la semaine de quatre jours et demi. Un ministre qui, pourtant, semblait correspondre au profil idéal d’une majorité de professeurs. Mais il n’est pas le seul à avoir subi à ce poste particulièrement complexe, les reproches d’une profession inquiète. Peut-on dire que le ministère de l'Education est maudit ? 

Jean-Luc Mano : Il n’y a pas de profil idéal pour être ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon n’a pas dérogé à cette règle. Le monde enseignant tombe de le réflexe pavlovien de la critique du pouvoir, c’est un milieu évoluant dans une logique de contestation, parce que c’est un milieu assez fortement syndicalisé, radicalisé et qui vit depuis les années 1970 un déclassement social et sociétal permanent. A l’époque, devenir enseignant était alors une ambition, une réussite, une consécration même alors qu’aujourd’hui de moins en moins de volontaires souhaitent enfiler la blouse du professeur, conséquence d’une hostilité sociale qui semble les user. Le monde enseignant est comparable à une citadelle assiégée, qui, quand il entend les mots évolution, transformation ou réforme, se sent immédiatement attaqué, sans la moindre sommation.

Le ministère de l’Education est l’un des plus difficiles à gérer. Au cours des vingt-cinq dernières années, aucune grande réforme n’a su faire consensus. Chaque début d’explication de réforme entraîne la grogne du monde enseignant inquiet pour son avenir, d’autant que leur massification s’est accompagnée de leur paupérisation. La violence, l’échec scolaire, l’absence de respect contribuent aussi à l’impression de menace qui pèse sur eux. Autre inquiétude, les enseignants ne sont plus les seuls détenteurs et promoteur du Savoir. La concurrence vient désormais d’Internet, des nouvelles applications ou encore des instituts privés, notamment pour l’apprentissage des langues étrangères. D’où une crispation et un enfermement relativement compréhensible.

Vincent Peillon aurait-il pu s'y prendre autrement ? Pourra-t-il s'en sortir ?

La première revendication des organisations syndicales sous l’ère Peillon a été l’augmentation du nombre de postes. 60000 ont été promis par François Hollande lors de sa campagne…Le ministre de l’Education a donc pu croire, après les années Sarkozy et leur lot de réduction de postes – non renouvellement d’un enseignant à la retraite sur deux – qu’il débutait son mandat avec une certaine popularité. Il faut ajouter qu’il est agrégé de philosophie, issu d’une gauche jospiniste, d’un classique à l’ancienne et donc qui avait des atouts à titre personnel. Autre avantage, le ministère disposait d’un budget plutôt confortable.

Vincent Peillon s’est alors lancé pour des raisons assez mystérieuses, et sans doute par faute d’ego, dans une réforme que les autres n’ont jamais tenté, la semaine de 4,5 jours. Ce qui est curieux, c’est que même s’ils sont tous conscients de la complexité de la gestion de l’Education, tous les ministres ont toujours eu à l’esprit de laisser leur empreinte dans le système éducatif français.

La réforme du rythme scolaire prévoyait initialement de revoir la durée des vacances scolaires, celles d’été. Mais comme souvent, il a fallu manoeuvrer avec les lobbies (restauration, hôtellerie, club de vacances, etc) qui ont finalement dictés leur loi au ministère. D’un autre côté, les enseignants eux-mêmes ne souhaitaient pas que leurs congés soient diminués estimant que leur faible salaire n’était compensé que par ce privilège. Les vacances sont un avantage qui leur est acquis. Face à une telle opposition, le ministre Peillon s’est attaqué à la répartition horaire en semaine, la seule option qui lui restait. Avant, aucune loi n’imposait la semaine de quatre jours. Chaque commune faisait à sa guise. Donc cette réforme est maladroite, engagée dans une certaine précipitation sans réflexion avec les syndicats. On aurait pu imaginer une vaste concertation. C’est la plus grande erreur de Vincent Peillon. Le maire de Lyon, Gérard Collomb et celui de Paris, Bertrand Delanoé, semblent bien embêtés sur cette question et pourraient ne l’envisager que pour 2014. Au sein même du parti socialiste, c’est un véritable problème.

Peillon est pour le moment en échec sur cette réforme et s’il n’accepte pas un an de négociations afin d’échanger avec les syndicats d’enseignants et les autres partis politiques, la réforme ne passera pas. Gagner contre l’avis de 90% des professeurs, d’au moins la moitié des parents et de la plupart des maires – même PS, on l’a vu – ça ne s’est jamais vu !

Existe-t-il une recette miracle jusqu'alors inexplorée ? Quels ministres sont parvenus à mener leurs réformes sans trop s'attirer les foudres des enseignants ? De quelle façon ?

Ce qui permettrait de changer les choses, c’est de laisser évoluer la culture de l’affrontement vers une culture du consensus. Il faut notamment revoir la relation de l’Education avec les élus. Commencer par recevoir les chefs de partis ou les spécialistes de l’Education, de l’ensemble des forces politiques représentées au Parlement, auraient pu permettre d’engager la réforme dans un climat plus apaisé. La relation avec les syndicats est la plus difficile, c’est pourquoi il faut impérativement se concentrer dans un premier temps sur le consensus politique. L'école tout comme l’hôpital sont des sujets qui nous concernent tous, peu importe notre situation sociale, ou notre avis politique. Il faut oublier les tentatives de passages en force. Nous avons derrière nous 25 ans de conflits opposant monde enseignant et monde politique. Je n’ai pas vocation à trouver la recette miracle mais il est bien évident que l’affrontement n’est pas une méthode qui puisse aboutir avec les enseignants. En réalité, il y a chez eux des ferments de conservatisme extrêmement forts, par nostalgie du statut d’antan. Le ministère de l’Education ne fait pas face à des problèmes pratiques mais à des problèmes culturels. Voilà pourquoi il est si particulier.

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