Les Tunisiens excédés par l’incurie économique de dirigeants absorbés par leurs querelles politiques<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Les Tunisiens sont excédés par l’incurie économique des dirigeants.
Les Tunisiens sont excédés par l’incurie économique des dirigeants.
©Reuters

Le jour d'après

Depuis l’assassinat de Chokri Belaïd le 6 février dernier, le Premier ministre Hamadi Jebali a tenté de reprendre en main la situation politique face à l’inertie dans laquelle la Tunisie est plongée depuis de longs mois. Mais si le remaniement tant attendu est un échec total, il pourrait néanmoins ouvrir la voie à de nouveaux changements.

Louise  Baker

Louise Baker

Consultante en économie internationale et gouvernance, Louise Baker travaille dans les pays en crise, en transition et en post conflit. Elle a une bonne connaissance du monde arabo-musulman avec de nombreuses expériences professionnelles en Afrique et au Moyen Orient.

Voir la bio »

Après l'assassinat de Chokri Belaïd et une grève générale le jour de son enterrement qui a été particulièrement suivie avec des boutiques ayant baissé leurs rideaux et un pays véritablement en deuil, la Tunisie a connu plusieurs jours de sursauts citoyens avec nombre de manifestations de part et d’autres de l’échiquier politique

Rappelons le contexte : après la chute de Ben Ali (14 Janvier 2011), des élections ont eu lieu en octobre 2011 pour élire une Assemblée Nationale Constituante qui disposait d'un mandat d'une année afin de travailler sur une nouvelle Constitution. Les débats se sont longtemps attachés à aborder des sujets identitaires, rarement voire jamais évoqués auparavant, et  souvent liés à la place de l’Islam dans la société. Débats portés en particulier par le parti étant sorti vainqueur des urnes : Ennadha. Or même s’il est le premier parti du pays, il doit s’allier à des partis laïques et les uns et les autres n’ont pas trouvé de terrain d’entente aussi bien sur la Constitution que sur les différents débats de société. Aujourd’hui, non seulement le délai est dépassé pour la rédaction de la Constitution dont le texte n’est toujours pas abouti, mais aussi le gouvernement en place ne s'est pas occupé de gérer les affaires courantes depuis la chute du régime précédent. Ainsi la situation économique et sociale s'est elle largement dégradée et aucune stratégie de développement ou de redressement du pays n’a été définie. Aussi d’ores et déjà, certains membres du gouvernement seraient entachés par des "affaires" et certains les accusent de trouver la place trop belle pour avoir envie de la quitter. Parce que la corruption n’a pas cessé, elle a juste pris de nouvelles formes.

Dès le soir de l’assassinat de Chokri Belaïd et face à un pays sous le choc, le Premier ministre Hamadi Jebali mettait dans la balance sa démission afin de pouvoir passer en force et organiser un nouveau gouvernement de technocrates. Or son propre parti Ennadha ne l’a pas suivi. Les laïques ont aussi proposé de démissionner puis sont revenus sur leurs positions. Un groupe de Sages s’est réuni, et de multiples discussions se sont engagées entre partis politiques. Chaque jour, les Tunisiens reprennent leur souffle pensant qu’aujourd’hui enfin, une solution sera trouvée. Et chaque jour depuis presque deux semaines, les échéances sont repoussées, l’incertitude grandit et la classe politique actuelle se discrédite un peu plus. Et c’est l’impasse.

Quant à la situation sécuritaire, elle suscite des inquiétudes. Si sous le régime précédent la violence était invisible, une presse tunisienne libérée met le doigt sur les forces d’opposition violente qui sont apparues sur fond de crise sociale, les trafics en particulier entre la Libye et le Sahel, et les conséquences d’une emprise de l’Etat sur la société qui a décru : la pression monte. Et face à cette violence, une bonne partie de la population condamne le gouvernement actuel au mieux de fermer les yeux, au pire de bénéficier de cette instabilité.

Il est temps de dépasser ces conflits identitaires, qui s’ils peuvent être utiles et nécessaires n’ont fait qu’engendrer la confusion dans une société en attente de réponses d’abord économiques et sociales.

Toutefois il faut noter qu’au sein des partis existants, de nouvelles scissions et défections ont lieu et de nouvelles organisations politiques semblent émerger depuis plusieurs jours, ce qui est un signe encourageant pour la suite. La force de la Tunisie est sa société civile organisée et malgré les résistances au changement, il est nécessaire de croire en sa capacité à avancer. Parce qu’elle est un petit pays de 10 millions d’habitants sans ressources naturelles. Et qu’elle ne peut pas se permettre d’adopter une position de repli sur soi.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !