L'hypothèse d'un retour de Sarkozy : atout ou malédiction pour la droite ?<!-- --> | Atlantico.fr
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75 % des sympathisants UMP voudraient que Nicolas Sarkozy soit candidat en 2017.
75 % des sympathisants UMP voudraient que Nicolas Sarkozy soit candidat en 2017.
©Reuters

Come-back

Alors que l'éventuel retour de l'ancien chef de l'Etat sur le devant de la scène politique alimente nombre de rumeurs, l'association des Amis de Nicolas Sarkozy se réunit pour la deuxième fois ce mercredi.

Philippe Braud et Nelia Latrous

Philippe Braud et Nelia Latrous

 

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 Nelia Latrous est spécialiste de la droite. Auteur de Bal tragique à l’UMP et UMP, ton univers impitoyable(Flammarion). Journaliste à D8, ex-LCI.

 

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Philippe Braud est politologue français, spécialiste de sociologie politique. Il est professeur des Universités à l'Institut d'Études Politiques de Paris et enseignant-chercheur associé au CEVIPOF (Centre d'Études Politiques de Sciences-Po). Il est notamment l'auteur de Petit traité des émotions, sentiments et passions politiques, (Armand Colin, 2007) et du Dictionnaire de de Gaulle ( Le grand livre du mois, 2006)

 

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Atlantico : Alors que l’éventuel retour de l’ancien chef de l’Etat sur le devant de la scène politique alimente nombre de rumeurs, l’association des Amis de Nicolas Sarkozy se réunit pour la deuxième fois ce mercredi. L’Hypothèse Nicolas Sarkozy est-elle un atout ou une malédiction pour l’UMP ?

Philippe Braud : Je dirais que cette hypothèse est plutôt un atout, encore qu’il faille multiplier les précautions de langage. Atout en ce sens que cela permettrait de dépasser par le haut les actuelles rivalités entre hiérarques, les deux candidats à l’élection ratée du président de l’UMP et les outsiders qui, en situation de blocage, viennent inévitablement s’agréger au peloton des prétendants. Son score très honorable à l’élection présidentielle de 2012 ne l’a pas disqualifié. Et son éloignement actuel de la vie politique ("être en réserve de la République" comme aurait dit de Gaulle) est plutôt un avantage s’il sait le gérer avec le maximum de discrétion. Cependant, son avenir demeure hypothéqué par l’issue des enquêtes judiciaires dans lesquelles son nom est cité. Et surtout, personne ne sait aujourd’hui quel sera le bilan des années Hollande, et les points faibles de son quinquennat. Or le positionnement du challenger de la droite en dépend largement.

Neila Latrous : A première vue, on pourrait penser que l'hypothèse du retour empoisonne l'UMP et l'empêche d'avancer, tant l'exercice de l'inventaire sarkozyste semble impossible. Aujourd'hui, nul ne se risque - à part Jean-Pierre Raffarin peut-être - à analyser les causes de l'échec de la présidentielle, et pour cause : personne n'admet véritablement cet échec ! Nicolas Sarkozy lui-même estime que les dés étaient pipés dès le départ, puisque tout le monde se serait ligué pour l'empêcher de gagner : la gauche, les médias, Marine Le Pen. Cet impossible inventaire empêche la droite de comprendre pourquoi les électeurs se sont détournés d'elle et comment les reconquérir.


L’ombre de l’ancien président de la République empêche-t-elle l’UMP de se reconstruire ?

Neila Latrous : Se reconstruire, non. L'UMP n'a d'abord jamais implosé, malgré les pressions du Front National à sa droite et de l'UDI à sa gauche. Je dirais plutôt que l'ombre de l'ancien président empêche l'UMP de se déconstruire. D'analyser les causes de l'échec de mai 2012. De revenir à l'essence de ce qui a fondé ce parti. D'extraire un projet de société sur la base de ce socle commun. L'ombre de Nicolas Sarkozy empêche l'UMP d'avancer.

Philippe Braud : Oui probablement. Chaque baron a intérêt à se montrer prudent dans ses velléités réformistes s’il ne veut pas un jour se trouver en porte-à-faux face au candidat "naturel" de la droite, finalement ressuscité. Etre obligé de s’inscrire dans deux scénarios différents (Sarkozy candidat, ou non, candidat en 2017) suppose beaucoup de subtilité politique et encourage l’immobilisme.


Jean-François Copé et François Fillon sont-ils prisonniers de l’héritage de Nicolas Sarkozy ?

Neila Latrous : Pour qu'il y ait héritage, il faudrait que Nicolas Sarkozy soit politiquement mort. Or, ce n'est pas absolument pas le cas ! Et en partant de l'Elysée, l'ancien président avait les idées bien claires sur le sujet puisqu'il n'a jamais désigné d'héritier. L'un et l'autre sont prisonniers de leur fidélité. François Fillon a été cinq ans à Matignon et on voit bien comme il lui est difficile aujourd'hui de s'affranchir totalement de Nicolas Sarkozy sans accréditer la thèse qu'il n'était qu'un simple "collaborateur" de la présidence. Jean-François Copé, pour remporter le scrutin interne à l'UMP, s'est grimé en sarkozyste pur jus. Toute émancipation serait vue à ce jour comme une trahison.

Philippe Braud : Non pas vraiment. Dans la perspective de 2017, si l’un ou l’autre se porte candidat, il lui faudra apparaître comme un "homme neuf", ou, du moins, "en rupture" comme l’a si bien pratiqué Nicolas Sarkozy lui-même par rapport à Jacques Chirac en 2007. Mais bien entendu, la "rupture" doit être soigneusement millimétrée pour ne pas décevoir les Sarkozistes les plus convaincus.

Sa popularité au sein de son propre camp est toujours très importante. Selon un sondage BVA publié vendredi, 75 % des sympathisants UMP voudraient qu’il soit candidat dans quatre ans. En revanche, une nette majorité des Français, 62 %, ne le souhaitent pas. Est-il vraiment le meilleur candidat de la droite ?

Philippe Braud : Il faut interpréter avec le maximum de prudence les données d’un sondage aussi éloigné de l’échéance présidentielle. En politique, les situations sont tellement fluides et les retournements de l’opinion publique si communs ! De toute façon, les chances de victoire d’un candidat dépendent au moins autant des erreurs, maladresses et échecs de l’adversaire que de l’habileté ou du savoir-faire du candidat. Il faut donc attendre, si j’ose dire ! les éventuelles bévues de l’actuelle présidence. Ceci étant, l’expérience de 2007 a montré que Nicolas Sarkozy pouvait être un redoutable candidat en campagne. Le problème demeure de savoir si son expérience présidentielle pèsera plus lourd que l’image (négative) de "cheval de retour". Pour en juger, il est encore beaucoup trop tôt ; d’où l’intérêt des uns et des autres, à l’UMP, à laisser ouvertes le maximum d’options au moins jusqu’à 2016.

Neila Latrous : En tout cas il n'y en a pas d'autre aujourd'hui. Il est celui qui a la plus forte côte d'avenir auprès des sympathisants de droite. Jean-François Copé est perçu comme trop clivant, François FiIlon a laissé des plumes dans la bataille interne. Quant aux autres... Alain Juppé, Xavier Bertrand, Bruno Le Maire, NKM, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez sont certes talentueux, sans doute compétents, ils ont été de grands ministres, mais il leur manque encore un peu d'étoffe et je les vois difficilement se présenter contre Nicolas Sarkozy. Mais là je vous parle de la situation en ce 20 février 2013. Il leur reste aux uns et aux autres un peu plus de trois ans pour gagner en épaisseur. En 2016, le meilleur candidat de la droite sera celui qui pourra l'amener à nouveau à la tête de l'exécutif.

Qui à l’UMP serait en mesure, aujourd’hui, d’empêcher un éventuel retour de Nicolas Sarkozy ?

Philippe Braud : Personne je crois. Nicolas Sarkozy a les moyens de briser les tentatives iconoclastes de s’opposer à lui, en raison de ses réseaux et de sa popularité au sein du cœur de cible de l’UMP. Sauf, bien sûr, si, demain, affaibli par des ennuis judiciaires graves ou par ses propres maladresses, il se révélait vulnérable. 

Neila Latrous : Aujourd'hui, personne. Dans notre livre "Bal tragique à l'UMP", il y a cette phrase d'un ancien de l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy : "Sauf ennui judiciaire majeur, il se représentera en 2017". Ca a le mérite d'être clair.

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