Hollande en Grèce : qui veut encore s’allier avec la France au niveau européen ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le sens de ce déplacement est d'envoyer un signal sur la nécessité de réorienter en partie les politiques d'austérité.
Le sens de ce déplacement est d'envoyer un signal sur la nécessité de réorienter en partie les politiques d'austérité.
©Reuters

Copain-copain

François Hollande devrait soutenir la relance par la croissance lors de son voyage en Grèce ce mardi. Cependant, la France n'a pas encore la crédibilité économique pour être prise en exemple.

Jean Quatremer

Jean Quatremer

Jean Quatremer est journaliste.

Il travaille pour le quotidien français Libération depuis 1984 et réalise des reportages pour différentes chaînes télévisées sur les thèmes de l'Europe.

Il s'occupe quotidiennement du blog Coulisses de Bruxelles.

Il est l'auteur de Sexe, mensonges et médias (Plon, 2012)

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Atlantico : François Hollande se rend en Grèce ce mardi pour rencontrer le Premier ministre Antonis Samaras. La chancelière Angela Merkel étant peu encline à changer ses positions sur les réformes de la zone euro, le Président va-t-il chercher des nouveaux alliés ?

Jean Quatremer : La Grèce n'est pas en état d'être l'allié de quiconque aujourd'hui. Quand elle sera sortie d'affaire, qu'elle aura redressé son économie, renoué avec la croissance et réformé en profondeur son état gangréné par la corruption, ce jour-là la Grèce sera en mesure d'être l'allié de quelqu'un. Mais elle est trop débitrice pour cela.

Un certain nombre de pays comme la France considèrent qu'on a été trop loin dans l'austérité, c'est une évidence. Mais le sens premier du voyage du président français est d'encourager les Grecs à poursuivre sur le chemin des réformes

Le sens second de ce déplacement est d'envoyer un signal sur la nécessité de réorienter en partie les politiques d'austérité. Cela ne veut pas dire que François Hollande ne considère pas qu'il ne faut pas purger les comptes publics. Tout le monde s'accorde à dire que l'équilibre de ces derniers est une nécessité. Ceux qui expliquent que ce n'est pas le cas ont tout à fait tort. Les marchés estiment que les comptes publics déséquilibrés étaient intenables, ils nous l'on fait payer cash. Lorsque la Commission a sorti la grosse artillerie, pour rééquilibrer les comptes, les marchés se sont calmés, et ont bien vu tout ce qui avait été accompli depuis 4 ans.

Le Président devrait aborder le sujet de la relance par la croissance. La crise de la zone euro semble loin d'être terminée. Le timing est-il bon pour se rendre à Athènes parler de croissance ?

Maintenant, on peut peut-être remettre sur le devant de la scène le volet croissance, car les marchés sont prêts à entendre ce discours. Ils veulent d'abord de la croissance pour gagner de l'argent, c'est leur but premier. Ils veulent aussi des économies fortes, et pas durablement plombées  par des déficits et des dettes publiques abyssales. Tout cela va ensemble. Il est temps de montrer que l'on veut de la croissance, et tous les pays veulent en entendre parler, en dehors de Madame Merkel.

Le budget européen qui a été voté il y a deux semaines peut-il aider les pays de la zone euro à retrouver la croissance ?  

Non, car on a ajouté l'austérité budgétaire nationale à l'austérité budgétaire européenne, ce qui est fâcheux. Dans le budget actuel, beaucoup de fonds ne sont pas dépensés. Soit par manque de projets à réaliser, soit parce que les États n'ont pas les moyens de cofinancer un certain nombre de projets (le budget exige pour certaines aides que  les États, régions, et communes cofinancent).

Sur la période 2007-2013, pour un budget de 864 milliards, 250 n'ont pas été dépensés. Cela fait beaucoup d'argent inutilisé. On peut toujours dire que si on dépense mieux, on pourra même dépenser plus qu'au cours de la période précédente.

Mais le budget est une question  d'affichage politique : on envoie comme signal aux citoyens et au reste du monde qu'on restreint le budget communautaire. Même si on rentre dans le détail des chiffres, on peut trouver une justification à cette baisse, mais c'est ce signal politique qui compte. David Cameron a fait de la politique en tenant une réduction nominale du budget et les Français n'ont pas été capables de faire de la politique. Le signal envoyé est celui de l'austérité, et encore l'austérité.

Il est clair qu'il faut que l'UE continue d'aider la Grèce afin de lui permettre de se relancer. Ce ne sera pas une relance à crédit comme l'a été la croissance grecque depuis 20 ans. Ce que paye la Grèce aujourd'hui, c'est sa croissance à crédit depuis 20 ans. Là, il faut rebâtir un État  pour lui donner des bases de la croissance du futur. La Grèce peut être aidée mais elle ne peut l'être que si elle a un État en situation fonctionner, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Néanmoins, il faut continuer de l'aider. Dans le prochain cadre budgétaire, celui de 2014-2020 les Grecs ont obtenu 12 milliards d'euros pour la période, soit 2 milliards de plus que ce qu'ils espéraient, ce qui montre que la solidarité continue de fonctionner.

Est-il envisageable de faire de l'Espagne, du Portugal et de l'Italie des alliés ?

La France n'est pas en état de donner des leçons et de demander des moyens supplémentaires pour une relance économique. Il est difficile de prôner la croissance et la relance tant qu'on n'a pas des comptes publics en ordre. En France, ce n'est pas le cas. Ses dépenses publiques représentent 56% du PIB, soit un des plus gros ratio du monde occidental. Et pourtant, notre économie ne fonctionne pas, et les gens ne sont pas heureux. Nous avons un problème structurel en France. Il y a des réformes à faire : quand on dit qu'on va couper 12 milliards d'euros de dépenses pour cette année, cela ne signifie pas nécessairement qu'on va sombrer dans une austérité budgétaire.

On peut faire des réformes intelligentes qui ne plombent pas la croissance, par exemple en limitant les allocations familiales à des conditions de ressources : un foyer qui gagne 6 000 euros par mois pourrait ne pas les toucher. C'est l'exemple même de mesures d'économie qu'on pourrait mettre en œuvre. Il est difficile de demander une relance générale concertée alors qu'on n'a pas fait le ménage chez nous.

Il faut être cohérent : les Allemands sont prêts à faire des efforts, mais à condition que nous même en fassions. Pour l'instant, on n'en a pas fait suffisamment. Il faut retrouver cette crédibilité économique pour se faire entendre. Tout le monde est d'accord (sauf l'Allemagne) pour dire qu'il faut donner du temps aux pays pour revenir à l'équilibre budgétaire, car il y avait eu une sous-estimation de l'impact des mesures d'austérité sur la croissance des pays touchés.

Aujourd'hui tout le monde reconnait que la France n'aura sans doute pas les 3% de déficit budgétaire à la fin de l'année, mais que finalement ce n'est pas si dramatique. On devrait atteindre assez rapidement en tout cas le déficit stabilisant, c'est à dire le déficit à partir duquel la dette cesse d'augmenter.

Qui aurait la crédibilité pour parler de relance par la croissance ?

Il n'y a pas d'interdit dans le débat. La France peut faire entendre sa musique, en réformant son économie. On ne peut pas prôner la relance quand nos dépenses publiques sont aussi hautes. On ne peut pas non plus aller plus loin dans l'augmentation des impôts. Il faut bien prendre d'autres mesures que celle des dépenses publiques supplémentaires.

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

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