TGV low-cost : la SNCF cherche-t-elle à tuer le train des classes moyennes ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
TGV low-cost : la SNCF cherche-t-elle à tuer le train des classes moyennes ?
©

Prix cassés

La SNCF lancera le 1er avril prochain son offre low-cost "Ouigo". Le principe ? Un remplissage des trains optimisé, pas de restauration, pas plus d'un bagage par passager et un embarquement 45mn avant le départ, le tout pour un tarif unique de 25 euros.

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

Voir la bio »

Atlantico : Quels sont les ressorts de la stratégie low-cost de la SNCF ? Pourquoi proposer cette nouvelle offre, alors que d'autres formules à faibles coûts (billets Prem's, iDTGV) existent déjà ?

Pascal Perri : Il y a deux idées dominantes dans le choix de proposer cette nouvelle offre. Primo, je pense que la SNCF cherche à optimiser l'utilisation de son réseau, qui n'est pas encore saturé. Il reste des créneaux disponibles, surtout au départ de certaines gares qui seront utilisées d'ailleurs par Ouigo (Marne-la-Vallée notamment). Il y a aussi du matériel roulant disponible dont la SNCF cherche à maximiser l'utilisation. Secundo, c'est tout simplement la volonté d'élargir son marché à de nouvelles catégories de population qui ne prennent pas le train pour des questions tarifaires. Les offres moins chères déjà existantes sont encore trop onéreuses, et la jungle tarifaire reste difficilement compréhensible. Il y a là seulement la volonté d'offrir le prix le plus bas du marché sans classer les clients selon une typologie particulière.    

Cette offre claire et dont les prix varieront très peu ne risque-t-elle pas de rendre les autres peu attractives ? Comment continuer à vendre des billets Paris-Marseille 80 euros dans un TGV classique, si l'équivalent Ouigo coûte 25 euros ?

Je ne crois pas que ce sera un problème. Je pense que la SNCF va s'orienter vers une politique de segmentation binaire du marché. Il y aura dans l'avenir des TGV de première classe réservés aux hommes d'affaires qui partiront des gares principales aux meilleurs horaires, qui reviendront le soir probablement à des horaires comparables avec un service "premium" (restauration, presse, wifi gratuit) correspondant à leurs besoins. A côté, il y aura une offre ultra simplifiée s'adressant à une clientèle qui n'exprime aucune contrainte d'horaires ou de services, et dont la demande de base est d'aller du point A au point B au meilleur tarif.               

Il subsistera probablement entre ces deux offres qui sont à l'opposé du marché une offre généraliste, mais il est vraisemblable qu'elle sera réduite en volume. Dans une période de disette et de perte de pouvoir d'achat répété, le budget transport est de plus en plus contraint. Il est tout à fait possible de se retrouver à la fin avec une offre bipolaire.

Fin de la restauration, un seul bagage par personne, nécessité d'arriver 45 minutes avant le départ, espace rempli au maximum... Ouigo ne serait-il pas le retour d'une troisième classe (supprimée en 1956) qui ne dit pas son nom ?

C'est une interprétation en effet. Mais je pense que, plus largement, cela correspond à une tendance lourde de l'économie que l'on retrouve dans les transports, mais aussi dans domaines plus inattendus comme la coiffure, les banques ou les assurances. Il y a un retour à une certaine simplicité de l'offre. On enlève toute la poudre de perlimpinpin pour revenir à une logique simple, mais pas simpliste, qui répond à une demande d'utilité. Je pense qu'on est plus dans la logique de simplifier l'offre et pas de "rajouter une classe."

La SNCF étant une entreprise publique, remplit-elle sa mission de service public en proposant ces trajets à des prix très bas ? Ou bien faut-il plutôt y voir  une certaine renonciation, en acceptant plus d'inégalités dans les conditions de transport des voyageurs ? 

Qu'une grande entreprise publique comme la SNCF s'engage dans cette démarche, c'est une sorte "d'anoblissement" du low-cost. On ne jouera pas sur la qualité : ce seront des TGV comme les autres qui rouleront à la même vitesse. Cela montre que ce modèle est soluble dans l'économie moderne, y compris dans des entreprises historiques, même fortement syndicalisées.

Ce n'est pas une manière de traiter inégalement les voyageurs. Il y a une demande et il ne faut pas l'ignorer. Je ne pense pas que ce soit un dévoiement de la mission de service public, au contraire on peut y voir une application de la démocratie industrielle au transport ferroviaire. La vocation de la SNCF, c'est d'ouvrir le train à tous. En conduisant cette politique, ils y parviennent.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !