Sarkozy : les scénarios possibles de son retour<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Alain Juppé, Nicolas Sarkozy a "envie" de se présenter à l'élection présidentielle de 2017.
Selon Alain Juppé, Nicolas Sarkozy a "envie" de se présenter à l'élection présidentielle de 2017.
©Reuters

Coucou, me revoilà !

L'ancien Premier ministre UMP Alain Juppé a affirmé mercredi que Nicolas Sarkozy avait "envie" de se présenter à la présidentielle de 2017.

Atlantico : Alain Juppé a déclaré mercredi "sentir" que Nicolas Sarkozy avait "envie" d'être le prochain président de la République. Neuf mois après son retrait de la vie politique, l'hypothèse d'un retour de l'ancien président de la République paraît de plus en plus crédible. Comment peut-il revenir ?

Thomas Guénolé : Il y a plusieurs conditions à remplir. Il faut déjà que la situation économique du pays, en particulier celle de l’emploi, soit mauvaise autour de 2016. Il faut ensuite que lui-même ne soit pas inquiété en 2016-2017 par les procédures judiciaires en cours sur les affaires Karachi, Bettencourt et autres. Il faut également qu’il soit le mieux placé à droite, au plus tard mi-2016, dans les sondages d’intentions de vote relatifs à la prochaine présidentielle.
Nelia Latrous : Aujourd’hui, je crois que l’hypothèse de son retour est aussi crédible que l’hypothèse de son non-retour. Une chose est sûre : la passion de la politique ne l’a pas abandonné. J’en veux pour preuve qu’il continue à recevoir tout ce qui se rapproche de près ou de loin de ce milieu : élus, cadres, jeunes espoirs de l’UMP, économistes, philosophes … Ses amis confirment aussi qu’il est très sensible à certaines attentions. Il garde un œil sur les sondages, par exemple. Il était touché de la standing ovation que lui a réservé le public au concert d’Enrico Macias. Il note aussi le volume de courriers qu’il reçoit au bureau, le nombre de personnes qui « likent » sa page Facebook, ou qui suivent son compte Twitter … Mais selon ses proches, il ne faut surtout pas y voir de signes de son retour. Aimer être aimé et avoir envie de replonger dans une campagne, ce sont deux choses très différentes. En résumé : Nicolas Sarkozy reviendra non pas seulement s’il en a envie, mais si les circonstances le permettent. C’est-à-dire si la justice le blanchit, si Hollande continue à décevoir et si la droite ne se trouve pas un nouveau champion. C’est une approche pragmatique et réaliste qu’il revendique.

Quels sont les différents  scénarios possibles de son  retour ?

Thomas Guénolé : En définitive, il n’y aura pas de retour de Nicolas Sarkozy en politique, car visiblement, il ne l’a jamais quittée. On oublie d’ailleurs souvent que cela s’est déjà produit, de 1999 à… 2001. Si donc ce dont on parle, c’est de sa candidature à la présidentielle de 2017, il y a, en schématisant, trois grands scénarios possibles : reprendre la tête de l’UMP puis être son candidat, être candidat de l’UMP sans en reprendre la tête, ou être candidat sans chercher l’investiture de l’UMP ni en reprendre la tête.
Le premier scénario, reprendre la tête de l’UMP puis être son candidat, suppose que Nicolas Sarkozy se fasse réélire à la présidence du parti. Ce mandat dure trois ans, donc à supposer que comme prévu, le prochain président soit élu en 2013, alors la fenêtre de tir suivante est en 2016. L’avantage de ce scénario est sa sûreté, car il donne un vrai contrôle du parti, donc de la machine de guerre électorale : qu’on songe au contre-exemple de Ségolène Royal, qui ne l’avait pas lors de la présidentielle de 2007, ce qui handicapa lourdement sa candidature. Par ailleurs ce scénario n’a pas d’inconvénient particulier.
Le deuxième scénario, être candidat de l’UMP sans en reprendre la tête, suppose que Nicolas Sarkozy remporte la primaire à droite pour la présidentielle. À supposer que les rumeurs sur ce sujet s’avèrent finalement fondées, cette primaire serait calquée sur celle de la gauche en 2011, donc ouverte à tous les électeurs qui le souhaitent, et elle aurait lieu au second semestre de 2016. En l’état actuel des enquêtes d’opinion, Nicolas Sarkozy la gagnerait. L’avantage de ce scénario est de créer une dynamique et de lancer de facto la campagne de reconquête de l’électorat. Il a cependant un inconvénient : si l’on s’en tient aux faits et pas aux rumeurs, il n’y a rigoureusement aucune certitude que cette primaire soient effectivement organisées.
Le troisième scénario, être candidat sans chercher l’investiture de l’UMP ni en reprendre la tête, est de loin le plus simple : un matin, Nicolas Sarkozy annonce qu’il est candidat à la présidence de la République. Et qui l’aime le suive. Pour être gagnante, cette façon de faire supposerait simplement qu’un attelage suffisamment fourni de personnalités de l’UMP se rallie à sa candidature autour de sa date d’officialisation – avant, pour déclarer la souhaiter ; après, pour déclarer la soutenir –, de sorte que toute autre velléité de candidature à droite soit étouffée dans l’œuf ou marginalisée. L’avantage de ce scénario est sa facilité, puisqu’il repose uniquement sur la mobilisation d’un réseau de personnalités de l’UMP pour réussir. Son inconvénient est d’être un quitte ou double : tout se joue en quelques jours et si la mayonnaise ne prend pas, le coup n’est pas rattrapable. En termes de calendrier, comme challenger et non comme président sortant, l’automne 2016 est la fenêtre de tir probable.
Nelia Latrous : La fenêtre de tir se trouve entre avril 2014 et octobre 2016. Avril 2014, c’est-à-dire après les municipales. Octobre 2016, c’est-à-dire avant une primaire ouverte pour désigner le candidat de la droite. Imaginons ainsi que l’UMP échoue aux municipales. Le scénario catastrophe serait de perdre Marseille et Bordeaux, d’échouer à reconquérir Paris et Lyon, et de ne pas remporter non plus les villes moyennes type Dijon. Cela ferait un peu de ménage à droite, certains ténors seraient balayés du spectre politique et le président de l’UMP se retrouverait sous le feu des critiques. De quoi créer un espace d’autant plus grand pour un retour. Il faudrait aussi que la pression du retour vienne de la base, que ça ne fasse pas « pousse-toi là que je m’y mette ». Cela implique que les militants restent dans la nostalgie du sarkozysme. A cet égard, les emballées médiatiques autour d’un retour possible entretiennent cette « sarko-nostalgie ».

L'hypothèse de son retour traduit-elle un vide à droite depuis la crise de l’UMP ?

Thomas Guénolé : Pas un vide : plutôt un trop-plein. Parmi ses anciens lieutenants, aucun n’émerge significativement du lot comme nouveau chef de file de l’UMP, et si deux d’entre eux se distinguent, leur rapport de forces a été équilibré au point de conduire à une guérilla faute de net vainqueur. En comparaison, seul Nicolas Sarkozy garde encore à ce jour chez les adhérents de l’UMP, mais aussi chez les électeurs de droite, un socle hégémonique. 
Neila Latrous : C’est un peu l’histoire de l’œuf et la poule. Est-ce que la crise à l’UMP ravive le scénario d’un retour de Nicolas Sarkozy ? Ou est-ce cette hypothèse qui a conduit l’UMP là où elle est ? Vous remarquerez que la campagne a tourné autour des marqueurs sarkozystes. En témoignent la double victoire de la motion La Droite Forte et du candidat Jean-François Copé qui a répété tout au long de l’automne qui s’effacerait si l’ancien président se décidait à revenir. J’ai tendance à penser que l’absence d’aggiornamento après la présidentielle, le refus de faire l’inventaire sarkozyste, d’une certaine façon aussi le déni de la défaite électorale de l’ex-président, n’ont pas permis à l’UMP de faire son examen de conscience. Et que c’est cela qui a provoqué la crise de l’automne. Maintenant, force est de constater que si François Fillon et Jean-François Copé ont fait la preuve de leur compétence, les militants UMP peinent encore à leur reconnaître l’étoffe et le charisme de Nicolas Sarkozy. Il leur reste quatre ans et demi pour gagner en épaisseur.

Un nouveau vote pour la présidence de l'UMP pourrait avoir lieu en septembre. Une implosion du parti serait-elle un handicap ou un avantage pour Nicolas Sarkozy ?

Thomas Guénolé : Je ne crois absolument pas à une scission de l’UMP. Les intérêts professionnels des élus, qui ont comme vous et moi des projets et des plans de carrière, dépendent de l’existence même de la marque UMP et de sa stabilité, qui font l’essentiel des scores électoraux aux scrutins locaux. La scission, ce serait donc tuer la poule aux œufs d’or : je n’y crois pas.
Neila Latrous : Indéniablement, ce serait un handicap car cela l’obligerait à sortir du bois plus tôt que prévu et ne pas respecter le calendrier envisagé par ses proches. Cela dit, l’implosion de l’UMP semble aujourd’hui relever de la pure politique fiction. Nul n’y a intérêt aujourd’hui : ni les fillonistes, ni les copéistes, ni les quadras non alignés. L’imminence des municipales, qui donne le coup d’envoi de toutes les élections de mi-mandat, oblige les ambitieux à s’entendre. Et l’ambition est je crois la qualité la mieux partagée à l’UMP.

Son retour est-il vraiment souhaité à l'UMP ? L'ancien président de la République peut-il se plier à l'exercice des primaires ?

Thomas Guénolé : Encore une fois, on ne peut pas parler de retour, puisque Nicolas Sarkozy n’a jamais quitté l’actualité politique. Tout au plus peut-on parler d’ascèse sur la scène médiatique. À proprement parler, la question ne porte donc pas sur son éventuel retour, mais sur son éventuelle candidature à l’élection présidentielle de 2017. Cela posé, oui, l’ancien président de la République peut se plier à l’exercice de la primaire à droite : il peut ensuite ne pas le vouloir, et préférer un autre des trois scénarios précédemment évoqués. Encore faudrait-il que cette primaire ait lieu. Or si l’on parle d’une primaire ouverte, comme celle de la gauche en 2011, alors Il n’y a rigoureusement aucune certitude en la matière : rien ne contraint actuellement l’UMP, ni dans ses statuts ni dans son règlement, à l’organiser.
Neila Latrous : Si l’on en croit le succès des adhésions à l’Association des Amis de Nicolas Sarkozy, il y a un vrai engouement des sympathisants de droite autour d’un éventuel retour de l’ex-président. D’ailleurs, les inscriptions au colloque organisé le 20 février à la Maison de la Chimie sont déjà closes depuis quelques jours, signe là aussi qu’il y a une vraie « sarko-nostalgie » de la base. Si l’on s’intéresse maintenant aux ténors maintenant, le scénario du retour de Nicolas Sarkozy ne fait pas que des heureux. Les « wannabe » présidentiables préfèreraient ne pas le voir revenir dans le jeu. D’où les petites phrases distillées ici ou là sur le fait que ses conférences grassement payées pourraient être un handicap. Or, en politique, on n’attaque que ce que l’on craint. Un retour de Nicolas Sarkozy est craint aujourd’hui. Ce doit être le signe qu’il a des chances de se faire réélire.

Quels sont ses principaux concurrents dans la course à l’Élysée ? A-t-il une réelle chance de se faire réélire  ?

Thomas Guénolé : Sur la base des enquêtes d’opinion actuelles, François Fillon est le seul rival substantiel de Nicolas Sarkozy à droite. Tous les autres, sans exception, sont beaucoup trop nettement distancés pour être pris en compte. Quant à savoir si Nicolas Sarkozy peut être réélu président de la République en 2017, se prononcer est totalement impossible à plus de quatre ans du scrutin : notamment parce qu’on ne peut pas faire de pronostic sur une élection nationale sans avoir une idée claire de ce que sera la conjoncture économique – en particulier sur le front de l’emploi – cette année-là.
Neila Latrous :Dans la chaussure de Nicolas Sarkozy, il y aura les gros cailloux, qui font vraiment mal et qui empêchent d’avancer, et les petits cailloux, désagréables certes, mais beaucoup moins dangereux. Dans la catégorie « gros cailloux » : Alain Juppé et François Fillon. Compte tenu de leur âge, l’un comme l’autre sait que 2017 sera le dernier tour de piste. C’est biologique comme disent les sarkozystes. Il est assez drôle de noter d’ailleurs qu’Alain Juppé a été très attaqué après sa sortie sur l’ « envie » de revenir de l’ex-président. Patrick Balkany a estimé qu’Alain Juppé entendait des voix, Luc Chatel a ironisé sur le thème : « Alain Juppé serait-il Madame Soleil ? Ça se saurait ». Dans la catégorie « petits cailloux », il y a ensuite Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez. Le premier a dit qu’il serait candidat à la primaire en 2016, avec ou sans le retour de Nicolas Sarkozy. Le second pourrait être tenté de se présenter pour s’imposer comme un ténor. Et puis il y a Jean-François Copé, qui a dit qu’il s’effacerait si Nicolas Sarkozy revenait. Lui est dangereux non pas parce qu’il peut être un concurrent en 2016, mais parce qu’il peut être tenté de tout mettre en œuvre pour rendre ce retour impossible.

En ce qui concerne la primaire justement, c’est l’exercice parfait pour un Nicolas Sarkozy. Cela lui permettrait de se remettre dans le bain en douceur. De radoucir son image aussi, en apparaissant dans une position humble qui permettrait de gommer les excès du Fouquet’s. D’oublier l’arrogance du premier mandat. De renouer aussi le lien charnel avec les militants. Nicolas Sarkozy est un affectif qui se sent pousser des ailes lorsqu’il se sait aimé.

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