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Une nouvelle fois, un international français de football est cité dans une affaire de prostitution de mineure.
Une nouvelle fois, un international français de football est cité dans une affaire de prostitution de mineure.
©Reuters

Zahia Club

Après le scandale Zahia il y a deux ans et demi, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour sollicitation de prostituée mineure dans laquelle apparaît le nom du joueur de foot Yann M'Vila.

Françoise  Gil

Françoise Gil

Françoise Gil est sociologue. Elle travaille sur les questions de sexualité, et notamment de prostitution, depuis plusieurs années. Son dernier livre Prostitution : fantasmes et réalités est paru en 2012 aux éditions Esf.

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Atlantico : Après l'affaire Zahia en 2010, une autre mineure est au coeur d'une nouvelle affaire de prostitution dans le monde du football. Quel est le profil sociologique et familial de ces jeunes filles ?  

Françoise Gil :Ces jeunes filles sont sans doute issues de classes sociales moyennes ou modestes, probablement sorties du cadre scolaire. On sait, par exemple, que des bars des Champs Elysées sont des lieux de rencontre entre des jeunes filles, soit autochtones, soit migrantes, et des hommes saoudiens ou des pays du Golfe. Une nuit est tarifée 1 000 à 1 200 € environ. Mais le cas de ces jeunes filles, qui intéressent beaucoup les médias, occultent, hélas, celui des jeunes mineures roumaines qui se prostituent à la Porte Dauphine, par exemple. 

Dans quelle mesure ce comportement est-il assimilable à de la prostitution ? La motivation financière est-elle la seule raison qui poussent ces jeunes filles à "michetonner" ? 

C'est de la prostitution, bien sûr. Elles sont attirées à la fois par l'argent que l'activité leur procure et par un désir de réussite sociale, voire de "célébrité". Un des paradoxes de notre société c'est qu'on condamne ce type de comportement en même temps qu'on valorise dans presque tous les magazines féminins des attitudes, looks et comportements hyper sexy qu'il faut savoir gérer, ce qui n'est pas le cas de toutes. Plus encore, de nombreux clips mettent en scène des filles très dénudées, provocantes dans la mise en scène du corps qui emprunte au milieu de la nuit, des boîtes, etc. Il y a une sorte de fascination pour ces personnages et beaucoup de "gamines" rêvent de leur ressembler. Ce qui est à craindre c'est qu'elles soient exploitées par un ou des proxénètes...

Quel est leur rapport à l'argent, à l'amour et au sexe ? 

On vit dans une période de grande inquiétude et insécurité quant à l'avenir. La situation de l'emploi est telle que beaucoup de personnes tentent de gagner de l'argent d'une autre manière (jeux, paris, sexe tarifé, etc.), ça procure un sentiment de réassurance. Quant au sexe, il y a une sorte d'incitation à être performant, tans pour les hommes que pour les femmes. Les journaux pour jeunes filles regorgent de conseils sur les pratiques sexuelles susceptibles de faire d'elles des séductrices hors pair, des "bombes" comme cela se dit couramment. Pour ce qui est de l'amour, ces jeunes filles rêvent certainement, comme ont fait leur mère ou leur grand-mère, du prince charmant. 

La valorisation de la consommation et la dépréciation de la valeur travail ne sont-elles pas aussi à mettre en cause ? Ce comportement ne révèle t-il pas surtout la normalisation de l'idée de marchandisation du corps ? 

Bien sûr, non seulement le travail se fait rare, mais la souffrance au travail est aujourd'hui un fait avéré. Les individus ne sont plus considérés par leurs supérieurs hiérarchiques, les savoir-faire ne sont plus reconnus, les règles de métier n'intéressent plus les recruteurs. L'individu doit être rentable avant tout, on s'épanouit très rarement dans son travail aujourd'hui. Tout cela pèse énormément sur les projets de vie des jeunes générations.L'expression "marchandisation du corps" est très à la mode ! Cela ne s'applique pas exclusivement à la prostitution, si marchandisation il y a, tout le monde est concerné. L'autre poncif c'est la question du manque d'estime de soi dès que le sexe et l'argent sont en jeu. Mais il n'y a pas de relation directe entre l'estime de soi et le travail du sexe, dès lors qu'il est assumé. Il faut faire la différence entre les différents cas de figure, je connais des prostituées qui n'ont aucun problème de ce côté là.

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