Et si la France ne devait avoir qu'un seul allié dans les pays émergents, qui serait-il ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande est arrivé ce jeudi en Inde pour une visite officielle de 48 heures.
François Hollande est arrivé ce jeudi en Inde pour une visite officielle de 48 heures.
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Relation privilégiée

François Hollande est arrivé ce jeudi en Inde. Une visite officielle qui sera dominée par les enjeux économiques et commerciaux avec, en particulier, deux contrats majeurs en cours de finalisation portant sur la vente de 126 Rafales et d'une centrale nucléaire.

Yves  Bourdillon

Yves Bourdillon

Yves Bourdillon est journaliste aux Echos depuis 1996, en charge de l’Afrique, du Proche Orient et de l’ex URSS.

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Atlantico : Officiellement en visite diplomatique jeudi à New Delhi, François Hollande a officiellement tenté de conclure la vente de 126 rafales à l’Inde. Au-delà du contrat commercial, à travers ce voyage la France ne lance-t-elle pas une ligne pour se forger un allié parmi les grandes puissances émergentes ?

Yves Bourdillon : Il s’agit clairement d’une visite exploratoire de la part d’un président qui n’a jamais été dans cette région du monde, comme dans bien d’autres d’ailleurs, dans un pays qui peut constituer un contre poids intéressant face au géant chinois. On sait en effet que l’Inde et la Chine ne sont pas les meilleurs amis du monde. Pour autant, il ne faut pas s’attendre à une véritable relation stratégique entre Paris et New Delhi. Les Indiens ont une diplomatie dans les instances internationales. Et leur allié naturel pour raisons culturelles parmi les occidentaux serait plutôt la Grande Bretagne.

Quels sont les autres puissances émergentes avec lesquelles la France pourrait se lier (quelles raisons, quelles caractéristiques, quelle disponibilité en fonction des alliances déjà existantes) ? 

On peut penser au Brésil, courtisé par Paris depuis des années pour des raisons commerciales, notamment la vente espérée d’avions Rafale, mais qui n’est pas encore un poids lourd diplomatique comme l’a montré sa naïveté dans le dossier iranien. La Russie, où François Hollande se rend fin février, avec qui les relations sont traditionnellement bonnes sans qu’on puisse toutefois envisager une alliance politique en raison de certaines caractéristiques du régime (faiblesses de l’Etat de droit, postures parfois anti occidentales de Vladimir Poutine) et du fait que Moscou a tendance depuis quelques années à se focaliser en Europe sur Berlin.

C’est surtout la Turquie, où François Hollande se rendra bientôt, qui constitue un partenaire prometteur, comme l’illustre l’annonce, mardi soir, par Laurent Fabius, de la levée des objections françaises à l’un des cinq chapitres de négociations d’adhésion à l’Union bloqués depuis 2007. La Turquie fait partie des treize principales économies de la planète et constitue pour les exportateurs européens un débouché presque équivalent à la Chine. Même si le dossier de l’adhésion turque demeure délicat, la Turquie a aussi pour avantage de permettre à François Hollande de se démarquer, comme il le fait presque systématiquement sur le plan intérieur, de la politique de Nicolas Sarkozy. On peine à trouver d’autres « cases libres » parmi les grands émergents en terme d’alliance.

Une alliance géopolitique solide passe-t-elle nécessairement par la mise en place de contrats ?

C’est une croyance répandue parmi les dirigeants français, mais ça ne me semble pas indispensable. Les Etats n’altèrent pas leurs intérêts sécuritaires en fonction de la signature ou pas d’accords de quelques centaines de millions de dollars. Les échanges en matière de commerce ou d’investissements pèsent, bien sûr, dans la manière dont un Etat jauge la qualité d’une relation, mais les grands contrats ne représentent souvent qu’une petite part des échanges économiques totaux entre deux pays. L’une des alliances militaires les plus solides de tous les temps, l’OTAN, n’était pas, à ma connaissance, fondée sur un écheveau de grands contrats civils. Et à l’inverse, l’Europe au XXème siècle a montré qu’on pouvait faire la guerre à un pays qui constituait pourtant un client ou un fournisseur important.

L’alternance présidentielle ouvre-t-elle de nouvelles possibilités de par sa ligne diplomatique ?

Il existe des grandes tendances dans la ligne diplomatique d’un pays, rarement remise en cause brutalement. L’Allemagne demeure le principal partenaire politique et économique de la France, les Etats-Unis un allié militaire incontournable, la relation britannique essentielle et compliquée à la fois, etc. Des ajustements à la marge sont possibles, comme ceux que François Hollande avait affirmé, avant son élection, vouloir imposer à l’Otan, sans donner vraiment suite, puisque parallèlement, l’Europe de la Défense demeure dans les limbes. Le seul changement visible, pour l’instant, c’est celui de la politique européenne, en rupture avec le Merkozy de 2010-2012. Les dossiers iranien, syrien ou sino-japonais donneront peut être aussi l’occasion de voir si François Hollande respectera ou pas la ligne qu’aurait suivi vraisemblablement Nicolas Sarkozy.

La dernière chance de la France est-elle de revenir vers l’Afrique même si celle-ci n’est pas encore au niveau des BRIC ?

Yves Bourdillon : L’opération au Mali montre bien que la France continue de vouloir jouer un rôle clé, sur le plan économique comme militaire, sur ce continent. Mais elle ne peut certainement plus le considérer comme une « chasse gardée » en raison de la poussée des intérêts américains et chinois. Il y a cependant de belles opportunités, pour elle comme pour les autres pays occidentaux, dans un continent aux habitants, certes, moins prospères que les Chinois mais dont le niveau de vie progresse enfin et qui représenteront un tiers de l’humanité dans trente ans.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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