Copé veut une relation affective avec les Français : entre travail sur l'image et consolidation d'un projet, de quel cocktail a besoin le président de l'UMP pour restaurer son avenir ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Dans une interview publiée par Paris Match jeudi, le président de l'UMP Jean-François Copé confie vouloir construire une "relation affective avec les Français", comme il l'a fait dans sa ville de Meaux.
Dans une interview publiée par Paris Match jeudi, le président de l'UMP Jean-François Copé confie vouloir construire une "relation affective avec les Français", comme il l'a fait dans sa ville de Meaux.
©Reuters

Double face

Dans une interview à Paris Match, Jean-François Copé confie vouloir construire une "relation affective avec les Français".

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

Voir la bio »

Atlantico : Le président de l'UMP Jean-François Copé affirme dans une interview à Paris-Match, publié jeudi, qu'il veut construire une "relation affective avec les Français", comme il l'a fait dans sa ville de Meaux. Plus que de son positionnement politique "clivant", Jean-François Copé semble souffrir d’un problème d’image personnelle. Le plus délicat ne sera-t-il pas de trouver le bon équilibre entre image et  projet politique ? Et quel pourrait-il être ?

Christian Delporte : Jusqu’à la primaire UMP, l’image de Jean-François n’avait jamais été catastrophique. En septembre 2011, selon le baromètre IFOP-Paris Match, 46% des Français une bonne image de lui, 46 une mauvaise. Un an plus tard, le rapport était de 48/52. C’est ensuite que les choses se sont aggravées, dans les circonstances qu’on connaît. L’opinion ne condamne jamais l’ambition ou la pugnacité, mais elles ont vite fait, à ses yeux, de se transformer en arrivisme et en arrogance.Copé en est là, aujourd’hui. Sa chance, c’est peut-être le temps qu’il a devant lui d’ici 2017 et d’éventuels succès électoraux de l’UMP sur lesquels il mise (à commencer par 2014). Son handicap, c’est la nouvelle primaire qui s’annonce.

Il caresse sans doute  l’idée de gagner en offrant un autre visage que celui du tricheur égotiste qui lui colle à la peau. D’où l’opération-séduction qu’il a déclenchée dans Paris-Match. Mais la « nouvelle image » de Copé, à peine esquissée, risque vite d’en prendre un coup. Ses partisans aiment son côté « cogneur ». Acceptera-t-il de lisser ses propos, au risque de déstabiliser les militants ? Au contraire, ne changera-t-il rien dans les mots et l’attitude, quitte à rompre avec l’image apaisée qu’il veut donner aujourd’hui et dérouter l’opinion ? Ici, il y a un problème de timing. Le changement d’image est peu compatible avec la campagne interne qui s’annonce. Ou, en tout cas, la fenêtre de tir pour que la « nouvelle image » s’installe est singulièrement réduite.

Quel est le risque d'une attention trop grande portée à la politique de l'image ? Quelle en est l'efficacité réelle ?

Les Français ont appris à décrypter la sincérité de l’image qu’on veut donner de soi-même. Le risque, c’est le grand écart entre l’image véhiculée par la communication sur papier glacé et la manière dont l’opinion perçoit l’homme politique, au travers de son intervention publique. Celui qui aspire à infléchir son image doit savoir qu’elle se construit sur la durée, sans à-coups et qu’elle doit s’accompagner par des faits et des gestes quotidiens. En termes de communication, elle relève de la stratégie plus que de la tactique. La conquête du pouvoir repose sur un équilibre complexe entre l’affection que vous renvoie l’opinion et la compétence qu’elle vous reconnaît. Nicolas Sarkozy l’avait bien compris en 2007. L’efficacité que lui attribuait une partie de l’opinion pouvait être ressentie comme de la brutalité par une autre.

Or, l’enjeu était de réunir plus de la moitié des Français. C’est pourquoi Sarkozy avait tenté de s’humaniser en développant le thème « j’ai changé », au cœur de son discours du congrès de l’UMP, le 14 janvier 2007. Et que disait-il ? « J’ai longtemps pensé que pour être fort, il ne fallait pas montrer ses faiblesses. Aujourd’hui, j’ai compris que ce sont les faiblesses, les peines, les échecs qui rendent plus fort ». Copé a-t-il médité ces mots ? Les Français aiment lorsqu’un homme politique reconnaît ses fragilités, avoue ses failles et parle à leur cœur, parce qu’enfin il leur ressemble. Et si un homme politique vous ressemble, c’est qu’il n’est pas tout à fait mauvais…

En dépit d’une image médiatique assez négative, Jean François Copé a su déjouer les pronostics et réunir derrière lui 50% des militants UMP.  A l’inverse certains hommes politiques très populaires comme Bernard Kouchner ont échoué aux élections. Une forte popularité ne se traduit pas toujours en succès électoraux et vice-versa. Comment expliquez-vous ce décalage ?

Pour conquérir l’Elysée – seule ambition qui compte en politique sous la Ve République -, il faut d’abord réunir deux conditions : affirmer un leadership sur son camp et pouvoir rassembler au-delà. La popularité ne sert à rien si on est un homme seul et, à cet égard, un parti constitue une machine de guerre. C’est la mainmise sur le PS qui a permis à Mitterrand d’écarter Rocard en 1981. C’est le RPR et la fidélité des militants qui ont sauvé Chirac en 1995 et lui ont permis de dégonfler la bulle Balladur. Rien ne sert d’être populaire entre deux élections si on n’a pas un parti qui vous permet de mener campagne le moment venu. Pour le reste, il faut savoir faire campagne, et là l’expérience de terrain, acquise grâce à la conquête de communes ou de circonscriptions, est irremplaçable. Rappelons-nous de 1988. Raymond Barre était populaire, reconnu compétent, auréolé par sa réputation d’homme d’Etat. Il était donné gagnant face à Mitterrand, plusieurs mois avant la présidentielle. Mais, sans parti, sans militants, sans expérience de campagne, il a échoué largement.

François Mitterrand, Nicolas Sarkozy et même Jacques Chirac ont eux aussi connu de longues périodes d’impopularité avant de devenir président de la République. Comment ont-ils réussi à retourner la situation ? Jean-François Copé peut-il s’inspirer de leur parcours ?

Il faut faire oublier son ambition… Mitterrand, à qui l’on reprochait son impatience arrogante et son appétit de pouvoir (un peu comme Copé ?) s’est nourri de ses échecs pour devenir le sage de la « force tranquille ». Chirac qui, longtemps, n’est pas parvenu à mordre au-delà de son électorat, a profité de son image de loser, abandonné de tous, pour s’humaniser et attirer à lui une sympathie qui lui avait manqué pendant vingt ans. Sarkozy, lui, a dû balayer l’image du traître vorace, sans scrupules. Son échec aux européennes de 1999 lui a finalement été salutaire. Pardonné par l’opinion, il est revenu deux ans plus tard, se montrant indispensable à la victoire de Chirac. On connaît la suite.

Ces trois hommes ont en commun l’ambition, mais aussi l’échec et la traversée du désert. Pour ressurgir avec l’image neuve de l’homme qui a compris ses erreurs, il faut savoir accepter de prendre du recul. Jusqu’ici, tout a réussi à Copé et il est toujours demeuré dans le jeu politique. Du coup, difficile pour lui de tirer les leçons des trois expériences évoquées. C’est l’épreuve et la souffrance qui forgent. Or, je ne suis pas sûr que Copé ait envie d’échouer dans la conquête de l’UMP…

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !