PSA : les syndicalistes ont-ils raison de dire que les 5 milliards de perte ne sont que de la poudre aux yeux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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PSA Peugeot-Citroën a annoncé une perte de 5 milliards d'euros en 2012.
PSA Peugeot-Citroën a annoncé une perte de 5 milliards d'euros en 2012.
©Reuters

Illusion ?

PSA Peugeot-Citroën a confirmé mercredi son objectif de redressement à moyen terme, malgré une perte record de 5 milliards en 2012.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : PSA Peugeot-Citroën a annoncé une perte de 5 milliards d'euros en 2012. Selon plusieurs sources évoquées par la presse, plus de 2,5 milliards d'euros de ces pertes seraient dû à des dépréciations d'actifs qui correspondent à des pertes de valeurs et non d'exploitation. Que signifient ces dépréciations d'actifs exactement ? A quoi cela renvoi ? Quelles sont les implications ?

Jean-Yves ArcherSi Peugeot ou Citroën doivent dépenser 100 pour produire et commercialiser une voiture et qu'ils ne la vendent que 80, il y a enregistrement directe d'une perte d'exploitation de 20 dans le compte de résultat. On parle alors de résultat d'exploitation ou de résultat opérationnel. En revanche, lorsque PSA décide de fermer l'usine d'Aulnay en 2014, il est clair que ses outillages et machines ne valent plus autant que si l'usine avait pu poursuivre son activité. Si une machine donnée à commande numérique vaut 100 à l'actif immobilisé actuel de PSA, les dirigeants – sous le contrôle rigoureux des commissaires aux comptes – doivent enregistrer une provision pour dépréciation de 60 si PSA pense vendre 40 en 2014 cette machine.

La dépréciation d'actifs c'est l'anticipation de la constatation d'un manque à gagner hautement probable sur exercice futur. Pour être un peu technique, ces provisions viennent de l'application des normes comptables IFRS qui raisonnent en " fair-value" : on prend les éléments à leur valeur marchande possible et non plus à leur coût historique d'achat diminué des amortissements.

Cela signifie t-il que la situation de PSA Peugeot-Citroën est "moins grave" qu'il n'y paraît ? Cela lui permet-il de "justifier" plus facilement son plan de licenciement et le recours de l'Etat ?

Sans être un familier du dossier, il est clair que la situation est sérieuse : des centaines de voitures sont sur parc et attendent des hypothétiques acquéreurs. Le marché est vraiment attaqué en volume mais aussi en marge ce qui impacte les comptes de PSA. Sur 5,01 milliards de pertes en 2012, 4,122 milliards viennent de " produits et charges opérationnels non courants " dont 3,009 milliards de dépréciations d'actifs évoqués ci-dessus. Autrement dit, le grand groupe industriel qu'est PSA a perdu 2 milliards " secs " en-dehors des obligations légales comptables.

Deux points critiques en découlent : tout d'abord, il faut financer cette perte. PSA a ainsi consommé ("cash-burning rate ") près de 3 milliards de trésorerie. Puis, il faut imaginer des solutions de gestion, des plans d'économie pour réduire la perte d'exploitation. En comité central d'entreprise, éventuellement en Justice, ces chiffres sont effectivement de nature à légitimer le plan de licenciement hélas incontournable. Sur le terrain politique, ai-je besoin de préciser que c'est autre chose ? Le recours à l'Etat est intervenu via une caution de près de 7 milliards auprès de la banque que possède Peugeot. Rappelons-nous que Carrefour, Alcatel ( Electrobanque ), Volkswagen, etc ont des banques intragroupes qui les aident à lever des fonds sur les marchés ou à aider leurs clients à mieux se financer lorsqu'ils achètent, par exemple, une voiture.

Point de précision, la banque de PSA se finance avec un différentiel de 4% au-dessus de celle, reconnue comme plus fiable, de Volkswagen. PSA Finances a réalisé 391 millions d'euros de résultat là où la banque de VW dépasse le milliardLe recours à l'Etat passera peut-être par une entrée au capital de PSA du FSI ( Fonds Stratégique d'Investissement ) puis par des apports en compte-courant dans les limites acceptées par Bruxelles et par notre droit des affaires ( notion de soutien abusif ).

Quel est l'avantage de déprécier ces actifs en période de crise ? Ce phénomène s'est-il déjà manifesté dans d'autres entreprises ? Cela peut-il continuer ?

Des personnalités aussi différentes et éminentes que Charles de Croisset ( Ex-HSBC, désormais Goldman Sachs ) ou Edouard SALUSTRO ( ancien président de l'Ordre des experts-comptables et ancien président de la compagnie nationale des commissaires aux comptes ) ont toujours attiré l'attention sur le caratère abrupt et pro-cyclique de l'application des nouvelles normes comptables. Il n'y a pas d'avantage à enregistrer des dépréciations : il y a obligation légale de le faire !

Des entreprises comme Carrefour ou Arcelor l'ont récemment fait. D'autres vont suivre ce qui ne facilitera pas la reprise puisqu'il y a destruction de valeurDernier point que je répète ici : toutes ces dépréciations finissent par rendre attractives certaines belles entreprises qui valent moins donc coûtent potentiellement moins pour des amateurs d'OPA hostiles. Là-dessus, ni Bercy, ni la Place Vendôme ne semblent – à ce stade – très mobilisés.

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