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Le président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, a relancé lundi le débat sur la publicité sur les chaînes publiques.
Le président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, a relancé lundi le débat sur la publicité sur les chaînes publiques.
©DR

Télé rabais

Dans un entretien accordé aux Echos, le patron de France Télévisions pose la question du retour de la publicité après 20h sur le service public. Dans un contexte de crise économique, Rémy Pflimlin souhaite renflouer les caisses de son groupe.

Francis Balle

Francis Balle

Francis Balle est professeur de Science politique à Pantheon-Assas. Il est l’auteur de Médias et sociétés 18 ème édition, ed Lextenso et de Le choc des inculture , ed L’Archipel.

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Atlantico : En 2008, l’annonce de la suppression de la publicité sur France Télévision, après 20 heures, par Nicolas Sarkozy avait créé la surprise, y compris au sein de l’audiovisuel public. A terme, l'idée était de supprimer la publicité sur ces chaînes. La loi a introduit deux taxes modulables indexées sur le chiffre d'affaires des chaînes de télévision privées et sur celui des opérateurs de communications électroniques. Aujourd'hui, le président de France Télévision, Rémy Pfimlin, a estimé dans une interview pour Les Echos, que "la question de la publicité sur France Télévisions doit être de nouveau abordée". En effet, il semblerait que les recettes de 2012 aient été revues à la baisse de 55 millions d'euros. Le manque de moyens est-il le plus gros handicap du service public de l'audiovisuel?

Francis Balle : La dérive pour les chaînes publiques est d’oublier que leur objectif n’est pas forcément de conquérir une audience maximale aux heures de grande écoute, mais de proposer autre chose que les chaînes privées. Ou du moins quelque chose de différent. Il leur faut être complémentaires, pas concurrentes. Cultiver par conséquent la différence. Dans le monde occidental, les seules chaînes publiques qui cultivent leurs différences sont celles qui n’ont pas de publicité du tout, c’est-à-dire la BBC et le réseau public américain. En contrepartie, elles ont d’autres ressources afin de résister sur le marché audiovisuel : la BBC (British Broadcasting Corporation) s’exporte beaucoup et PBS (Public Broadcasting Service) bénéficie de financements - qui sont insuffisamment développées en France – issus du mécénat et du parrainage. Ces derniers permettraient aux chaînes publiques d’éviter de se détourner de leur véritable vocation. Bref, cultiver au mieux leur différence dans un contexte budgétaire extrêmement contraints.

Si la qualité est en question, des moyens supplémentaires y changeront-ils quelque chose ?

La qualité, tout dépend de qui la juge. Est-ce les critiques des émissions de télévision, le public ou les producteurs eux-mêmes ? C’est une notion très subjective. Ce que l’on sait seulement, c’est que pour les émissions qui tiennent la rampe, les niveaux de satisfaction sont d’autant plus élevés que l’audience est relativement faible. Avec des émissions qui sont exigeantes, dans le sens où l’on s’adresse à un public averti, on ne peut pas nourrir l’espoir d’obtenir 8 millions de part de marché. Sur France Télévisions, on n’imagine pas rencontrer un succès de l’ordre de celui de « The Voice » sur TF1 par exemple. Pour ce qui est des émissions politiques, elles sont pertinentes  à condition que les hommes politiques soient traités en tant que tels, pas comme des people (ce qui est trop souvent le cas). L’émission doit respecter les règles du débat politique, pas celles des séries télévisées.

Des moyens supplémentaires ? Non, ce n’est pas seulement une question d’argent. Dans le contexte actuel, le service public audiovisuel est appelé à engager moins d’argent dans les émissions dont on pourrait faire l’économie. Des relais de croissance peuvent être trouvés par exemple dans la vente de programme dont l’espérance de vie est plus longue, c’est-à-dire des émissions de stock, pas de flux. Ce sont des émissions qui peuvent entrer dans le Patrimoine audiovisuel.

Quels sont les blocages à surmonter sur ce point ?

Il faut abandonner l’idée que le critère ultime de l’évaluation du succès d’une chaîne publique, financée par conséquent en grande partie avec les deniers publics, est l’audience. Il ne faut pas espérer conquérir une très vaste audience avec des émissions nouvelles (par le format) ou traitant de sujets qui ne touchent qu’une minorité de personnes. Cela ne veut pas dire que cette minorité n’ait pas, dans la société,  un certain rayonnement. Car au fond, le mot audience doit être pris dans deux acceptions tout à fait différentes. L’audience entraîne une notion de quantité mais aussi de qualité : ce n’est pas seulement l’étendue du public atteint qui compte, c’est aussi le rayonnement de certaines émissions, au-delà même du public habitué à les visionner. L’objectif des chaînes publiques est d’atteindre des programmes dont l’espérance de vie est importante. La question n’est pas de supprimer des canaux ou des programmes trop coûteux. Comme je l’ai dit, France Télévision doit coûte que coûte sauver son âme et donc sa diversité de programmes.

Quelle serait la voie d'avenir pour l'audiovisuel public ?

Il est toujours difficile de faire mieux avec moins. Mais on peut faire des économies sur certains programmes et se concentrer sur ceux qui ont le plus de succès. France Télévisions doit proposer autre chose au public ou au moins innover sur un concept existant. Il ne faut surtout pas que les chaînes publiques se détournent de leur véritable vocation, malgré le manque de recettes par rapport aux prévisions pour l’exercice 2012. Parfois, il est salutaire de faire mieux, avec moins d’argent.  

Le mécénat peut être une voie d’avenir. En effet, par définition, les mécènes n’interviennent pas sur le contenu. Il va chercher à valoriser sa marque par des émissions de prestige. En France, ce n’est pas dans nos usages mais il faut évoluer. Des dispositions fiscales notamment pourraient faciliter le financement de certains programmes. Revenir sur la publicité après 20 heures n’est pas la solution, d’autant plus que cela pourrait avoir comme effet de détourner les chaînes publiques de leur véritable vocation.

Propos recueillis par Mathilde Cambour

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