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Comment la France est devenue championne du monde de l'inventivité fiscale
Comment la France est devenue championne du monde de l'inventivité fiscale
©Flickr / Images_of_Money

A tout va

La France brille depuis plusieurs siècles dans sa capacité à innover lorsqu'il s'agit d'impôt et de taxation. Avec un certain succès puisque certaines mesures ont même été exportées à l'étranger.

François Tripet

François Tripet

François Tripet est avocat fiscaliste.

Avocat au Barreau de Paris depuis 1978, il est essentiellement un " patrimonialiste international " qui, avec son équipe, apporte son concours et son assistance à plus d'un millier de familles réparties sur les cinq continents.

François Tripet est l'auteur de l'ouvrage de réference "Droit Fiscal Francais et Trusts patrimoniaux Anglo-saxons " ( LITEC, 1989 )

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S’il est un domaine où la France est leader mondial depuis 800 ans, c’est bien celui de l’imp..

Nos souvenirs d’écolier ont été rythmés avec les « corvée, fouage, cens, dîme, taille, gabelle, capitation, et autres dixième et vingtième » qui comptent parmi les principaux impôts inventés par nos gouvernants à partir du Moyen Age et jusqu’en 1789. Preuve d’une belle imagination à une époque où nos voisins se contentaient de prélever des droits au passage des ponts, des carrefours ou sur les lieux des grandes foires. Il semble que la Révolution française ait décuplée l’énergie créatrice de nos Grands Argentiers dans leurs recherches quasi scientifiques de traque de la matière imposable.

En 1790-1791, les jacobins créent la taxe d’habitation, la taxe foncière et la taxe professionnelle (appellations actuelles). En 1798, ils ajoutent la contribution sur les portes et fenêtres (du jour au lendemain, nos immeubles murent curieusement leurs ouvertures non nécessaires !). L’impôt , comme le dit la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 en son article 13, est l’indispensable contribution demandée à tous les citoyens en proportion de leurs facultés contributives pour financer la Bureaucratie et la Guerre.

C’est pourquoi Joseph Cailliaux, ministre des Finances en 1914, crée en France un impôt au taux initial de 2% promis à un riche avenir : l’impôt sur le revenu (devenu l’IRPP en 1959). C’est peut être le seul cas où la France n’a pas été pionnière puisque Cailliaux a emprunté l’idée de l’impôt sur le revenu aux Anglais qui l’avaient institué quelques années auparavant.

La France, fière de son Administration de l’Enregistrement dont les juristes ont régné sur tout le XIXe siècle, restait néanmoins à la pointe de l’innovation dans le domaine des « droits d’enregistrement », notamment la taxe de publicité foncière, le salaire du Conservateur, les droits de succession et bientôt les droits de donation (notons que 150 ans plus tard, nombre de nos partenaires de l’OCDE ne connaissent toujours pas les joies ineffables des « droits d’enregistrement »).

En 1925, nous innovions encore par la création de la taxe d’apprentissage, premier impôt à visée sociale prédéterminée (et ancêtre de toutes les taxes parafiscales qui ont fleuri sur notre territoire de 1949 à 2003).

L’après guerre a été en 1954 l’occasion d’une invention géniale par notre ancien Directeur général des impôts, Maurice Lauré, concepteur de la Taxe à la valeur ajoutée (en abrégé TVA). On peut dire aujourd’hui que la moitié des Etats de la Planète ont fini par adopter la TVA dans leur système fiscal national et ont corrélativement abandonné le lourd système des taxes à la production en cascade.

Notre pays bénéficie (ou souffre ?) d’une administration centrale financière hypertrophiée dont on ne trouve, à ce niveau de pouvoir et de concentration, aucun équivalent dans le monde : le ministère de l’économie et des finances, en abrégé « Bercy » ! Il faut nourrir ce Léviathan composé de milliers de cerveaux créatifs : contrairement à une idée répandue, ce ne sont pas les Politiques qui ont inventé l’IGF (impôt sur les grandes fortunes, ndlr) en 1981 puis l’ISF (l'impôt de solidarité sur la fortune, ndlr) en 1988 mais bien les fonctionnaires de Bercy (à l’époque Rivoli) qui ont inculqué dans le cerveau de nos dirigeants cette riche innovation (l’impôt sur la fortune existe en Suisse depuis très longtemps : l’innovation française a consisté à en faire un impôt confiscatoire, ce qui a permis ultérieurement d’inventer le plafonnement puis le plafonnement du plafonnement !).Un ancien Premier Ministre, Michel Rocard, s’est fait inoculer en 1988 dans le cerveau, par les fonctionnaires de Bercy ,une équation dont il porte l’apparente paternité , selon laquelle une « contribution sociale » obligatoire n’est pas un « impôt » mais une « assurance santé ».

Il a fallu 15 ans à la Cour de cassation pour mettre un point final à cette controverse si française : la CSG est bien un impôt et non pas une cotisation sociale. Le jeu de mots a tout de même permis à nos gouvernants de doubler le rendement de l’impôt sur le revenu….sans y toucher dans les apparences ! Belle performance pour nos « créatifs de Bercy » qui, en 1996 , ont encore innové en suggérant au Parlement d’inventer la « CRDS » , contribution au remboursement de la dette sociale ,dont personne ne s’aventurerait plus aujourd’hui à affirmer qu’il ne s’agit pas d’un impôt !

Nos créatifs de Bercy sont si performants qu’ils sont appelés en consultation dans le Monde entier, par exemple par le Gouvernement chinois lorsqu’il souhaite récupérer sa « part de gâteau » de la croissance chinoise.

S’il est un domaine toutefois où nos géniaux fonctionnaires de Bercy sont à la peine depuis 800 ans ,c’est celui de la Confiance. Depuis des lustres, la Direction des Impôts organise régulièrement des grandes messes pour « restaurer la confiance avec les contribuables », preuve indirecte de la trop redoutable efficacité de Bercy. Au cours des siècles, la mémoire collective des Français n’a retenue qu’un seul Grand Argentier qui lui soit resté sympathique : Nicolas Fouquet ! On sait le sort tragique que Louis XIV lui réserva ….

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