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Comment expliquer l'incroyable remontée de Berlusconi dans les sondages ?
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Ancora ?

Le Cavaliere avait surpris en décembre en annonçant sa candidature aux élections législatives, d'aucuns pensant qu'il ne pourrait se remettre en selle après son éviction du pouvoir en 2011. C'était sans compter sur le potentiel apparemment inoxydable d'un homme qui s'apprête à réussir un (nouveau) retour en grâce.

Fabio Liberti

Fabio Liberti

Fabio Liberti est Directeur de recherche à l’IRIS, chargé du suivi de divers aspects du fonctionnement et développement de l’Union Européenne. Il est également spécialiste de la vie politique italienne, notamment pour les questions économiques et de politique étrangère.

Il a récemment publié L’Union européenne vers la désintégration ? Comment le rêve européen pourrait tourner au cauchemar (in Année Stratégique 2012, IRIS)

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Atlantico : Son parti le Peuple de la Liberté a pourtant enregistré une hausse de 9 points dans les sondages depuis janvier et sa coalition se rapproche de celle du centre-gauche conduite par le favori Pier Luigi Bersani. Comment expliquer le caractère inoxydable de Silvio Berlusconi vis à vis de l'opinion publique italienne ?

Fabio Liberti : Silvio Berlusconi possède une abilité à communiquer qui est hors du commun, cet animal politique ayant une très grande capacité à intercepter les attentes des Italiens. Le Cavaliere est un grand consommateur de sondages et il a plusieurs fois démontré par le passé qu'il pouvait anticiper les évolutions de l'opinion pour les inclure dans sa stratégie de campagne. Cette remonté dans les sondages montre bien qu'il a su encore une fois comprendre le ressenti national en jouant sur la fatigue de ses compatriotes face aux politiques d'austérité mises en place par le gouvernement Monti. Bien que M. Berlusconi ait eu l'initiative de plusieurs de ces mesures (comme la réduction des fonds alloués aux collectivités territoriales, ndlr) il n'a pas hésité à se positionner très tôt dans sa campagne contre la rigueur budgétaire en dénonçant une politique imposée par Bruxelles et Berlin. On peut dire qu'il parle « au ventre » des Italiens et que ce pari paye au vu de l'augmentation du chômage et des impôts. De plus, comme à chaque fois, il a su utiliser l’opposition radicale d’une partie de l’opinion publique contre la gauche italienne en agitant l'épouvantail d'une victoire du parti démocrate de Pier Luigi Bersani.

L’ancien Premier Ministre italien a récemment saturé les médias locaux en déclarant que « Mussolini [avait] fait de bonnes choses » en son temps. S’agit-il d’un simple dérapage ou bien d’une manœuvre révélatrice de son savoir faire médiatique ?

Bien évidemment d'une manœuvre, M. Berlusconi ayant pour habitude de faire des déclarations choc avant de les démentir quelques heures plus tard. Cette tactique lui permet de conserver le bénéfice du doute tout en lui offrant la possibilité d'occuper le devant de la scène politique comme à chaque fois. Les média se sont focalisés un temps sur les primaires du Parti Démocrate ainsi que sur l'entrée dans l'arène de Mario Monti mais depuis janvier Berlusconi occupe tout l'espace, un jour avec ces déclarations sur Mussolini, le lendemain avec ses promesses de rembourser aux ménages l'impôt sur la résidence principale.

Justement cette promesse de restituer les montants collectés par la taxe d'habitation (IMU) est devenu le nouveau cheval de bataille de Berlusconi a deux semaines du scrutin. Cette promesse peut-elle réellement séduire les électeurs qui sont au fait de l'état financier du pays ?

Berlusconi revient de très loin dans l’opinion publique italienne. Son principal objectif, au début de cette campagne, était d'obtenir une minorité de blocage face au favori démocrate, en exploitant les byzantinismes de la loi électorale italienne grâce à l'obtention de plusieurs régions-clés. Ce type de promesse est justement calibrée pour les cadres et les professions libérales qui s'y trouvent, ces dernières ayant une « fidèlité fiscale » moindre que le reste des électeurs. Il y a bien en conséquence une possibilité, malgré toutes les promesses non tenues par le passé, de voir cette tranche de l'électorat adhérer à une telle mesure (les sondeurs parlent pour l'instant d'un gain d'1 à 2 points), bien qu'un retour de bâton ne soit pas inenvisageable non plus. Personnellement je pense que ce sera peut-être la promesse de trop, sachant que la responsabilité de Berlusconi dans l'actuelle situation économique est encore présente dans l'esprit des Italiens.

Le scandale de la banque Monte dei Paschi, liée à la gauche italienne, semble avoir profité à la coalition de droite. Peut-on dire finalement que Berlusconi est en train de réussir son pari "populiste" en se positionnant comme un politique légitime face au pouvoir opaque des institutions financières ?

La gauche italienne pâti effectivement de cette affaire, impliquant une banque gérée par une fondation dont les dirigeants sont nommés par l’administration, de gauche, de la ville de Sienne. Cela vient s'ajouter a une campagne très terne débouchant peu de propositions séduisantes pour l'opinion, ce qui risque d'entamer un peu plus un socle pourtant élevé (entre 28 et 32% d'intention de vote pour le Parti Démocrate, ndlr).

Il faudrait dire néanmoins que Berlusconi n'est pas le seul, en Italie comme en Europe, a vouloir occuper ce créneau rentable qu'est la dénonciation du monde de la finance. Il n'est d'ailleurs pas exactement l'alternative « politique » au gouvernement des experts puisqu'il se définit aux antipodes des gouvernants qui l'ont précédé. S'il jouit d'une telle popularité c'est justement parce qu'il a su incarner l'anti-politicien par excellence, la classe politique traditionnelle étant discréditée dans l'opinion depuis l'opération « Mains Propres » (1992-1993) qui a révélé de nombreuses pratiques de corruptions dans plusieurs partis. M. Berlusconi a encore une fois la particularité de parler au ventre des Italiens plutôt qu'a leur tête et c'est ce qui lui permet de se démarquer des autres, la question de la dénonciation des pratiques financières n'étant qu'une raison parmi d'autres de sa percée électorale.

Propos recueillis par Théophile Sourdille

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