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Le gouvernement pourrait augmenter le salaire minimum en vigueur.
Le gouvernement pourrait augmenter le salaire minimum en vigueur.
©Reuters

Le véritable coût

Le gouvernement pourrait augmenter le salaire minimum en vigueur. Mais en baissant les charges sociales pour compenser cette hausse du coût du travail pour les entreprises, les finances publiques entrent dans un jeu sans fin. Un luxe que la France ne peut pas se permettre.

Gérard Thoris

Gérard Thoris

Gérard Thoris est maître de conférence à Sciences Po. il a notamment rédigé une Analyse économique des systèmes (Paris, Armand Colin, 1997), contribue au Rapport Antheios et publie régulièrement des articles en matière de politique économique et sociale (Sociétal, Revue française des finances publiques…).

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Lors de la campagne électorale, le candidat François Hollande s’était engagé à indexer le SMIC « non seulement sur les prix mais sur une part de la croissance » . On peut imaginer que cette formule d’indexation n’a pas fait débat parce qu’elle était déjà dans la loi. Celle-ci stipule en effet que le SMIC est augmenté chaque année « de la moitié de l’évolution du pouvoir d’achat du taux de salaire horaire de base ouvrier (SHBO) ». Or, d’une manière générale, dans le long terme, l’augmentation de la productivité, c’est-à-dire la croissance intensive, est la condition nécessaire de l’augmentation du taux de salaire.

Ce n’est pas une condition suffisante, certes, mais les chiffres montrent que, en France, les progrès de productivité ont, plus qu’ailleurs, été redistribués aux salariés. A l’inverse, la formule du candidat à la présidence pouvait faire sourire ceux qui prévoyaient, déjà à l’époque, le risque d’une récession. Si, en 2013, la croissance économique française était effectivement négative, à -0,3 % (selon les prévisions Natixis par exemple), est-ce que le gouvernement déciderait d’une baisse du SMIC ? A dire vrai, personne ne semble avoir osé poser la question !

Il est vrai que le salaire minimum reste au cœur des débats économiques en France depuis sa création en 1950. Certes, le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) constitue un filet de sécurité en donnant au pouvoir de négociation des moins qualifiés le levier de la loi. En ce sens, il s’agit d’une forme de justice commutative. Certes encore, le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) permet d’atteindre plus facilement la justice distributive – en évitant des écarts de rémunération qui blessent la cohésion sociale. Dans les deux cas néanmoins, il faut savoir que, en échappant aux normes du marché, on perd tout point de repère objectif sur ce qu’il faut faire. En ce qui concerne le SMIG, lors de sa constitution, la CGT a refusé qu’il soit évalué à partir d’un panier de biens. En ce qui concerne le SMIC, on ne sait pas très bien à quel pourcentage du salaire ouvrier moyen il faut le fixer.

Ce salaire minimum dont on ne sait pas bien fixer le niveau, il faut néanmoins savoir qui le paie, en définitive. En 1968, il était clair que le partage de la valeur ajoutée avait connu une déformation en faveur des entreprises : transformer le SMIG en SMIC revenait à se donner les moyens de procéder à un réglage relativement fin de la répartition des progrès de productivité au niveau national. L’ennui, c’est que, à plusieurs reprises, le réglage n’a pas été aussi fin que cela et les augmentations de salaires l’ont emporté sur les progrès de la productivité. Alors, les entrepreneurs ont progressivement cherché à faire payer le SMIC par les autres salariés. On a ainsi assisté à un écrasement du bas de la pyramide des salaires sans équivalent en aucun autre pays. Bien évidemment, chaque fois que c’était possible, les entrepreneurs ont cherché à reporter les hausses de coûts salariaux en hausses de prix. Mais, comme le dit le candidat François Hollande : « Lorsque le prix d’un produit est relevé, que ce produit est acheté par le consommateur, c’est bien un prélèvement sur le consommateur » .

En définitive, dans un monde ouvert, on ne peut augmenter les prix à volonté. Au final, dans notre histoire longue, chaque augmentation significative du SMIG ou du SMIC a été suivie par une dévaluation (1956-1958 ; 1968-1969 ; 1981-1982-83-84). Cela revient à dire que l’on reprend partiellement d’une main (par des prix à l’importation plus élevés), ce que l’on a donné de l’autre. En 2002, l’alignement vers le haut de l’ensemble des garanties de rémunérations mensuelles – dont la variété était le fruit de la mise en œuvre progressive des 35 heures – s’est traduit par une augmentation du salaire minimum évaluée entre 17 et 22 %. Comme, euro oblige, elle n’a pu être traduite en dévaluation, elle a été largement reportée en déficit commercial, c’est-à-dire de l’activité économique nationale et de l’emploi national.

Pour revenir en arrière, à défaut d’obtenir un accord des partenaires sociaux comme de l’opinion publique en vue d’une révision des règles d’indexation du SMIC, on a décidé de cacher le problème. Autrement dit, une partie du SMIC a été socialisée. Cela a été réalisé par un transfert des cotisations sociales autrefois intégrées dans le coût salarial sur le budget de l’Etat. Il est fascinant de voir que le ratio du SMIC au salaire médian est passé de 60 à 64 % de 1990 à 2008… mais que la socialisation d’une partie des charges sociales normalement payées par l’employeur au bénéfice du salarié, ramène ce ratio à 52 %. Autrement dit, aujourd’hui, le SMIC est payé pour une part par les contribuables présents voire, par la magie de l’endettement, par les contribuables futurs.

Finalement, Nicolas Sarkozy a essayé d’instaurer un pare-feu entre l’opinion publique et le pouvoir politique : la Commission nationale de la négociation collective. Il faut remarquer que cela n’a, en rien, résolu les problèmes du passé mais a seulement permis de stabiliser les choses. Cette commission, présidée par Paul Champsaur, a régulièrement montré que le problème de la pauvreté en France était moins lié au niveau du SMIC qu’aux autres paramètres de la vie dont la régularité de l’emploi par exemple . Son influence la plus visible a été l’absence de tout coup de pouce pendant la durée de son mandat.

Aujourd’hui, lorsque le Premier ministre propose une augmentation du RSA de 10 %, on peut dire que, d’une certaine manière, il s’inscrit dans la logique de ces recommandations. Mais une telle augmentation resserre dangereusement l’écart avec le SMIC et donc réduit l’effet attendu du RSA en termes de reprise d’activité. Au nom des incitations au travail, il va donc falloir augmenter le SMIC. Évidemment, la Commission Champsaur ne peut se renier en avalisant une telle politique. Elle est donc intégralement renouvelée sous la présidence, cette fois, de François Bourguignon. L’avenir dira si, sur ce chapitre comme sur tant d’autres, l’agenda économique de François Hollande consiste à défaire les réformes du précédent quinquennat.

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