Fessenheim : Fukushima français ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Fessenheim : Fukushima français ?
©

Terrain mouvant

La plus vieille centrale nucléaire française est aussi la plus menacée par le risque de tremblement de terre. Pour le spécialiste des risques Philippe Herlin, les experts français travaillent "au doigt mouillé".

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

Voir la bio »

La ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet se voulait précise. Elle déclarait le 13 mars dernier : « A Fessenheim, en ce qui concerne le risque sismique, on prend en compte  le dernier tremblement de terre connu sur la zone, en l’occurrence celui de Bâle en 1356. Il a été évalué à 6,2 sur l’échelle de Richter. On a pris une marge de 0,5. Fessenheim est donc prévu conçu pour résister à un séisme de 6,7 ».

La mesure au "doigt mouillé"

Vous avez bien lu, nos experts mesurent à la décimale près un tremblement de terre datant de 1356, d’après des témoignages d’époque. C’est déjà une blague, mais ça ne s’arrête pas là. La marge de sécurité est de 0,5, or il faut savoir que l’échelle de Richter est logarithmique : un séisme d’une magnitude de 7 n’est pas « un peu plus puissant » qu’un séisme d’une magnitude de 6, il se traduit par 10 fois plus d’amplitude de mouvement et dégage 30 fois plus d’énergie !

Il est en effet vérifié que les tremblements de terre, par leur magnitude comme par leur fréquence, relèvent de lois de puissance. Ainsi une centrale nucléaire qui résiste parfaitement à un séisme de 6,7 sera gravement endommagée s’il atteint 7. Nos experts partent donc d’une mesure « au doigt mouillé », mais à la décimale près, et appliquent une marge d’erreur ridicule à un phénomène qui relève d’une loi de puissance. Même les Subprimes étaient mieux construites.

Il faut fermer la centrale de Fessenheim

Bien sûr, la fréquence des tremblements de terre dans cette région est très faible, incomparablement moins importante qu’au Japon, justement parce que le dernier remonte au Moyen-âge. Mais tout de même, autant de légèreté dans l’estimation du risque expose clairement cette centrale à un séisme qui l’endommagera sévèrement.

En reprenant les développements scientifiques exposés dans mon livre Finance : le nouveau paradigme, notamment concernant la distinction cruciale entre risque gaussien (un hasard « sage », limité) et risques liés aux lois de puissance (un hasard « sauvage », propice à la théorie du Cygne noir, selon laquelle un événement imprévisible a une faible probabilité de se produire, mais conduit à des conséquences considérables s'il survient), il me semble évident (et je précise que je suis personnellement favorable au nucléaire) qu'il ne faut pas rallonger la durée de vie de la centrale de Fessenheim, et même envisager de la fermer.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !