L’Europe doit-elle se réjouir de l’arrivée de John Kerry à la tête de la diplomatie américaine ? <!-- --> | Atlantico.fr
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John Kerry est le nouveau chef de la diplomatie américaine.
John Kerry est le nouveau chef de la diplomatie américaine.
©Reuters

Soft power

L'Europe n'est plus au centre des intérêts des Etats-Unis, contrairement à la Chine ou l'Iran. La nomination de l'europhile et francophone John Kerry peut-elle inverser la tendance ?

Guy Millière

Guy Millière

Guy Millière est un géopolitologue et écrivain français. Il est "senior advisor" pour le think tank  Gatestone Institute à  New York, et auteur du livre Le désastre Obama  (édition Tatamis).

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Atlantico : De nombreux observateurs affirment que l'Europe n'est plus du tout au centre des intérêts des Etats-Unis, contrairement à l'Asie. La nomination de l'europhile et francophone John Kerry à la tête de la diplomatie américaine le 1er février, est-elle une bonne une bonne nouvelle pour les Européens ? 

Guy Millière : Il ne faut pas se faire beaucoup d'illusions sur la nomination de John Kerry. Comme cela a été le cas depuis janvier 2009, les décisions essentielles en matière de politique étrangère américaine continueront à être prises à la Maison Blanche, et pas au Secrétariat d'Etat. La marge de manœuvre de John Kerry sera faible. Les grandes orientations resteront les mêmes qu'au cours des quatre années qui viennent de s'écouler : pour Obama, l'Europe est un continent déclinant qui perd de l'importance sur la surface de la planète.  Elle n'est pas au cœur des enjeux cruciaux du monde qui vient, qui dépendra, à ses yeux, de ce qui se joue en Asie et de l'évolution du monde musulman.

Les interlocuteurs primordiaux pour les Etats-Unis resteront la Chine, la Russie, l'Inde, l'Iran, l'Egypte, la Turquie. Obama ne s'intéresse à l'Europe que lorsqu'elle risque d'éclater, car il sait qu'il y aurait des répercussions pour les Etats-Unis, et quand le vieux continent est confronté à des périls graves, comme avec la situation au Sahel aujourd'hui, son message est : débrouillez-vous tout seul, et comptez sur une aide minimale des Etats-Unis.

John Kerry fera peut-être quelques visites de courtoisie à Paris, Londres et Berlin, mais il n'y a pas à attendre davantage. Et s'il doit insister sur un dossier dans l'objectif d'y laisser son empreinte, ce sera plutôt celui du changement climatique », qu'il a défini récemment comme un « péril plus grave que le terrorisme ».

Selon un article de l'hebdomadaire anglais The Economist, de nombreux démocrates affirment que la politique étrangère passe au second plan, les affaires intérieurs étant jugées bien plus importantes par le président Barack Obama. Le nouveau secrétaire des Affaires étrangères disposera-t-il de la liberté nécessaire pour imposer son idéologie ?  

D'abord, il n'est pas certain que John Kerry ait une idéologie. Ses idées sont celles de la gauche américaine contemporaine et forment un mélange hétéroclite où figurent la défense de l'environnement façon Al Gore, la préférence pour les solutions négociées et l'apaisement face à l'islam radical et aux ennemis des Etats-Unis, la volonté de confier un rôle de plus en plus important à des institutions de gouvernance mondiale telles l'Organisation des Nations Unies.

Ensuite, il s'opère effectivement, de la part de l'administration Obama un recentrage sur les Etats-Unis. Barack Obama l'a dit plusieurs fois, l'heure doit être maintenant au « nation building », la « construction nationale », à l'intérieur du pays lui-même. Comme je l'explique dans mon livre Le désastre Obama, Barack Obama disait la vérité lorsque quelques jours avant l'élection présidentielle de 2008, il déclarait qu'il voulait « changer radicalement » les Etats-Unis.

Son objectif est, en réalité, double : d'une part, procéder à un repli des Etats-Unis sur eux-même en diminuant leur implication dans les affaires économiques, politiques et militaires du monde. D'autre part, transformer les Etats-Unis en profondeur en en faisant un pays plus proche d'un fonctionnement social-démocrate à l'européenne. John Kerry aura pour tâche de gérer le prolongement du retrait américain des affaires du monde. Et c'est un rôle qu'il est tout à fait prêt à tenir. Il n'imposera rien. Ses idées, fondamentalement, sont très proches de celles de Barack Obama.

Dans un article de l'Express, un journaliste dresse un bilan plutôt positif du mandat d'Hillary Clinton : on lui attribue l'ouverture à l'international de la Birmanie, ainsi que le retour de l'influence américaine dans la zone pacifique. Peut-on s'attendre à que Kerry continue dans cette lignée, et fasse contrepoids à la politique isolationniste de Barack Obama ? 

J'ai, je dois le dire, beaucoup de mal à voir en quoi un bilan de la politique étrangère américaine au terme du premier mandat de Barack Obama peut-être présenté comme positif. Hillary Clinton, pour l'essentiel, n'y est pas pour grand chose puisqu'elle a été l'exécutante de décisions prises au-dessus d'elle.
Néanmoins, le retrait des Etats-Unis de la surface du monde laisse une situation très conflictuelle entre la Chine et le Japon, un monde musulman en convulsions et glissant vers l'islam radical, un arc de crise qui s'étend du Pakistan à la Mauritanie.
L'ouverture de la Birmanie, par rapport à tout cela, est très secondaire. John Kerry changera-t-il quoi que ce soit à la ligne suivie jusqu'à présent ? Je pense que la réponse est : non. Obama a des objectifs. Il avance vers ses objectifs. Kerry est là pour le seconder. Rien de plus.

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

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