Goodyear : quand François Hollande et la CGT surfent sur une vague de démagogie et d'archaïsme<!-- --> | Atlantico.fr
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1 200 emplois seront menacés avec la fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens Nord.
1 200 emplois seront menacés avec la fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens Nord.
©Reuters

Scandale

La fermeture annoncée de l'usine Goodyear d'Amiens Nord restera comme la conséquence la plus cruelle de l'archaïsme syndical français soutenu par une démagogie politique particulièrement sophistiquée.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Plus de 1000 emplois industriels sont donc pris en otage par l’idéologie. C’est d’abord une tragédie pour le personnel et les familles. Plus de 1000 emplois détruits, c’est une partie de la ville qui va mourir. Mais c’est aussi une opération syndicale et politique qui confine au sabotage du tissu industriel au profit de petits intérêts d’appareils syndicaux. La responsabilité de la CGT ne souffre d’aucune circonstance atténuante. Le sponsoring à peine déguisé du pouvoir politique est accablant et coupable. Coupable de complaisance, de démagogie et d’archaïsme.

Les faits d’abord. Ils sont simples et cruels. Depuis plus d’un an, la direction de Goodyear a prévenu que son usine d’Amiens n’était pas compétitive. En clair, cette entreprise tournait à perte ce qui veut dire que dans le groupe d’autres salariés en France et dans le monde travaillaient aussi pour permettre à ceux d’Amiens de survivre. Cette situation n’était pas durable. Depuis plus d’un an, la direction de Goodyear a expliqué aux syndicats et aux actionnaires que pour maintenir le site en activité, il fallait investir et modifier l’organisation afin de dégager des marges de compétitivité pour revenir à l’équilibre. Depuis plus d’un an, la direction butait sur le refus de la CGT d’accepter de signer un accord de compétitivité qui aurait permis de maintenir l’emploi au prix d’une réduction d’horaires, et par conséquent, d’une réduction sensible du coût salarial.

La négociation Goodyear était typiquement l’exemple d’un accord de flexibilité comme le principe en a été acté, il y a deux semaines par le patronat et la CFDT.

Accord qualifié au passage "d’historique" par le gouvernement et c’est vrai. Parce qu’il permet de conserver le tissu social, de l’adapter à l’aléa de la conjoncture, de préserver l’outil de travail et de pouvoir repartir dès que la reprise conjoncturelle se profile sur les marchés. Pendant plus d’un an, la CGT a refusé toute négociation  et la direction en a tiré la leçon. Il lui faudra fermer le site et licencier plus de 1000 salariés qui seront impossible à recaser dans la région.

Cette affaire est d’autant plus scandaleuse qu’à quelques kilomètres de Goodyear, l’usine Dunlop installée depuis des lustres à Amiens Sud, a elle signé un accord de compétitivité.

Les syndicats ont accepté un abandon de salaire pour conserver leur emploi. Exactement comme les ouvriers de l’automobile en Allemagne où Volkswagen est devenue du coup la première entreprise mondiale. Exactement comme chez General Motors aux États-Unis où la marque et l’usine ont été sauvées grâce à des financements publics mais surtout grâce à un accord avec les syndicats. Ce n’est pas Barack Obama qui a sauvé Général Motors, ce sont les syndicats de Detroit.

A Amiens, chez Goodyear, la CGT a clairement fait le choix du chômage plutôt que le choix de l’emploi. C’est un choix habituel à la CGT. C’est un choix catastrophique. Il revient à dire aux salariés que finalement, ils ont plus intérêt à toucher des indemnités de départ et des aides au chômage que d’accepter un travail passagèrement soldé. La CGT préfère donc aller au conflit pour des raisons corporatistes, pour affirmer sa puissance et préserver le pouvoir de la petite caste d’apparatchiks qui vivent sur le laxisme généreux du modèle social et confisque la gouvernance au détriment des adhérents syndiqués.

L’autre solution eut été d’aller au compromis ce qui est plus dans la culture de la CFDT.

Ce qui est plus grave encore pour l’avenir de notre industrie, c’est qu’un tel comportement reçoit le soutien du pouvoir politique. Le gouvernement et le chef de l’État se félicitent de l’évolution des rapports sociaux, (formidable) de leur intelligence restaurée, de la responsabilité des grandes centrales comme la CFDT, mais soutiennent en sous-main un système qui privilégie le chômage au travail.

Alors qu’en fait, il n’y a plus un sou à distribuer !

Le gouvernement actuel (mais la droite était-elle différente), se comporte comme s’il était aux commandes d’un système de rente. Un peu comme la Russie ou les monarchies du Golfe dont la préoccupation majeure est de distribuer de la rente pétrolière ou gazière. Le petit problème chez nous c’est que l’on n’a pas de rente à distribuer. Il nous faut fabriquer de la richesse et de la croissance sinon on dépense ce que l’on possède et on emprunte.

Le gouvernement, et particulièrement les équipes de Bercy, ne font aucune pédagogie des contraintes de la modernité. Au contraire. On pleure avec les ouvriers de Florange sans leur expliquer pourquoi et comment on en est arrivé là… On propose à Goodyear de tout remettre à plat. Le virtuose de la démagogie c’est évidemment Arnaud Montebourg qui va jusqu’ à menacer de nationaliser des entreprises en difficulté (mais avec quel argent et pourquoi faire) si encore on promettait aux jeunes pousses de grandir mais non, on les invite à se développer, à créer des emplois en leur disant bien que le fisc surveillera les plus-values. Le ministre du Redressement Productif n’est d’ailleurs pas à une contradiction prête. Après avoir été intransigeant chez PSA, le voilà qui conseil aux syndicats de Renault de faire un effort de salaire pour sauver leur emploi. Et avec ça, on s’étonne qu’en menaçant de plumer les pigeons, les pigeons veuillent migrer ailleurs sous des climats plus accueillant.

On marche sur la tête

Dans l’affaire Goodyear, le gouvernement est embêté ; il ne peut même plus dire qu’il s’agit d’un licenciement boursier ce qui ne l’a pas empêché de suggérer de ressortir un projet de loi pour interdire les licenciements boursiers. Encore faudrait-il réussir à les définir et trouver des exemples de réalité. Depuis cinq ans aucune entreprise qui a lancé un plan social n’a vu son cours de bourse augmenter. Aucune. Chez Goodyear, l’entreprise n’a distribué aucun dividende à ses actionnaires depuis trois ans. C’est un coup dur pour l’argumentaire politique classique.

Parallèlement, le gouvernement va recommencer à caresser les fonctionnaires dès qu’ils grondent un peu dans la rue. Qu’ils aient des problèmes de fin de mois c’est sans doute vrai mais ils sont exonérés de toute menaces sur l’emploi.

Ça doit avoir un prix, la sécurité de l’emploi. Non ?

Cette affaire est désespérante, lamentable. On prête à François Mitterrand qui ne manquait pas de cynisme, l’obstination à tout promettre. « Pour être élu en démocratie il faut faire des promesses à ses électeurs ; on me reproche parfois de ne pas les respecter, je voudrais vous assurer de mon engagement à continuer sur cette voie. »

On peut évidemment se poser en héritiers de François Mitterrand, mais on pourrait aussi prendre en compte que les temps ont changé.

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