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Mali : les Allemands sont-ils des poules mouillées ?
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Solidarité européenne

Si elle qualifie tout de même l'opération militaire au Mali de « justifiée », l'Allemagne, troisième puissance militaire européenne, ne souhaite toujours pas s'engager.

Yves  Bourdillon

Yves Bourdillon

Yves Bourdillon est journaliste aux Echos depuis 1996, en charge de l’Afrique, du Proche Orient et de l’ex URSS.

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Atlantico : L'Allemagne est jusque-là l'un des partenaires européens les plus réticents à l'engagement au Nord-Mali. Peut-on dire que les Allemands ont peur de s'engager sur ce théâtre d'opérations ? Pourquoi ? 

Yves Bourdillon : Les Allemands ne veulent pratiquement jamais s’engager militairement, pour des raisons historiques évidentes. Depuis la fin du régime nazi, ils n’ont envoyé qu’une seule fois des soldats en zone de conflit, en Afghanistan en 2001. L’Allemagne semble de surcroît représenter le pôle le plus prudent d’un Occident extrêmement réticent à risquer la vie de ses soldats (ce qui est légitime et évite les aventures irresponsables) et où on évoque « enlisement », « bourbier », voire « Vietnam » à chaque opération militaire. Au vu des douloureuses expériences irakienne, afghane, ou libyenne (rappelons que Berlin non seulement ne s’est pas associé à l’intervention franco-britannique en Libye mais a même refusé de la soutenir politiquement) elle redoutait sans doute ce qu’on appelle « le brouillard de la guerre », les conséquences inattendues et parfois désastreuses d’une intervention lancée pour des raisons à priori valables. On l’a vu avec le pillage des arsenaux de Kadhafi en 2011, qui a permis aux djihadistes de se doter d’armes lourdes et de « métastaser » au Mal. Berlin ne voulait sans doute pas assumer politiquement de tels « dommages collatéraux ».

Angela Merkel a pourtant récemment déclaré que "la terreur au Mali est une menace pour l'Europe", comment expliquer dans ce cas la frilosité de Berlin ?

Les pays occidentaux ne pouvaient effectivement laisser AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique) faire du Mali un sanctuaire, comme l’Afghanistan jadis. Pour autant, comme d’ailleurs les autres pays occidentaux qui n’ont fourni qu’une poignée d’avions de transports, Berlin a pu vouloir tirer les marrons du feu, en misant sur le fait que l’armée française parviendrait à vaincre sans aide 3 à 6 000 djihadistes dans le désert, un terrain favorable à l’aviation.

En outre, l’Allemagne, comme d’ailleurs les autres alliés occidentaux de la France, pouvait s’interroger sur les buts politico-militaires de la France. On sait que parfois des calculs complexes se cachent derrière des guerres « humanitaires ». Au départ, on évoquait juste la nécessité de bloquer l’avancée des djihadistes vers le sud, pratiquement sans troupes au sol, puis il s’est agi de reconquérir tout le pays avec des colonnes blindées, maintenant il va falloir s’impliquer dans le « nation building ». Paris n’a pas fait beaucoup de « pédagogie » avec ses alliés, mais il faut reconnaître que l’offensive d’AQMI le 8 janvier ne lui a pas laissé beaucoup de temps pour cela. 

Des personnalités politiques allemandes comme Norbert Lammert (président du Bundestag) veulent s'impliquer afin d'éviter le même scénario qu'en Libye. Peut-on s'attendre à une évolution de la position allemande sur le sujet ?

Berlin pourrait effectivement contribuer, sans grand risque politique ou humain, à la sécurisation du pays avec de l’aide logistique ou humanitaire. Mais je serais surpris d’un revirement de la diplomatie allemande, puisque même quand il ne s’agit que d’argent, l’Allemagne se montre encore prudente sur ce dossier : elle n’a promis que vingt millions d’euros à la conférence des donateurs du Mali, mardi.

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