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Offensive sur le droit de vote des étrangers : le calcul politique imaginé par les socialistes pour gagner la bataille
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Calcul

Alors que la question du mariage homosexuel, sujet phare de la campagne de François Hollande, est actuellement débattue à l'Assemblée nationale, une autre mesure de son programme pourrait prochainement voir le jour.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Boulette de communication ou habile manœuvre de diversion ? Il est trop tôt pour le dire. En tout cas l’annonce, d’une initiative imminente du Premier ministre sur le droit de vote des étrangers extra communautaires aux élections locales, a fait son effet dans les rangs parlementaires. Remettre cette vieille patate chaude, devenue promesse de campagne de François Hollande, sur la table à quelques heures de l’ouverture du débat sur le mariage homo, il fallait oser ! L’information, émanant d’un proche conseiller de Jean-Marc Ayrault avait-elle été lâchée un peu prématurément ? Comment certains le laissent entendre ? En tout cas les responsables de droite en sont presque restés cois, et ceux de gauche bouche bée.

A chaud, et en attendant d’affûter leurs arguments, le président du groupe UMP, Christian Jacob tout comme le porte-parole des centristes de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde ont  fustigé « une mesure de diversion pour mobiliser l’attention médiatique, une volonté du gouvernement d’occuper l’espace public au moment où les plans sociaux s’additionnent ». A l’opposé, un de ceux  qui ont fait figure d’aiguillon au PS, le député de Seine-Saint-Denis, Razzy Hammadi, s’est dit « agréablement surpris », alors que Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste s’est contenté de déclarer que « toute initiative qui permettra d’envisager le vote de ce texte sera une bonne initiative». L’initiative en question consistera pour le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à recevoir « les présidents des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat pour les consulter sur le projet de loi constitutionnelle en préparation. Ces consultations débuteront dans les prochains jours ». C’est ce qu’indiquait un communiqué diffusé par Matignon dans la soirée.

Pourquoi, alors que le droit de vote aux élections locales pour les étrangers non communautaires semblait renvoyé sine die, faute de majorité des trois cinquièmes pour modifier la Constitution sur le papier , la question redevient-elle d’actualité? La première raison est politique : le PS, notamment son aile gauche, n’a jamais lâché prise sur ce sujet. Des appels continuent d’être lancés et des pétitions circulent afin que le président de la République respecte cet engagement de campagne. Et ceux qui ne sont pas de farouches partisans de la mesure s’y résignent en se disant qu’il est préférable de ne pas faire traîner la polémique. Requinqués par le succès français au Mali qui provoque une légère embellie dans les sondages, François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont donc considéré que c’est le moment d’avancer dans les réformes sociétales…, en attendant une amélioration de la situation économique. Ce qui permet à leurs proches d’affirmer  que « notre volonté politique reste intacte ». A l’issue du Bureau national, le porte-parole du PS indiquait d’ailleurs « qu’à aucun moment , ni le Président de la République, ni le Premier ministre, ni nous-mêmes ne pensons que c’est la question centrale à poser tout de suite …mais en même temps , c’est rassurant que ce soit un des points (ndlr : le vote des étrangers), envisagés dans les consultations avec les groupes, parce que c’est un engagement auquel tient le Parti Socialiste ». C’est pour le moins une réaction prudente.

Dans le projet du gouvernement que Jean-Marc Ayrault va soumettre aux responsables politiques, le droit de vote des étrangers extra-communautaires aux élections locales ne constituerait qu’une partie d’une ample réforme constitutionnelle(annoncée par François Hollande lors de ses vœux aux parlementaires début janvier), qui engloberait  également le non cumul des mandats (mesure très populaire !), le statut du chef de l’Etat, la réforme du Conseil supérieur de la Magistrature, réforme également  du Conseil Constitutionnel où les anciens présidents de la République ne siégeraient plus après leur départ de l’Elysée, voire la diminution du nombre de députés. Certains y ajoutent les langues régionales et « le projet d’inscrire la démocratie sociale dans la Constitution ». Autrement dit un périmètre encore flou, mais en tout cas un vaste chantier, et du grain à moudre pour ouvrir des négociations avec des parlementaires de droite. Exactement la méthode inverse de Nicolas Sarkozy en 2008. Pour sa réforme constitutionnelle, l’ancien président  n’avait pas voulu prendre en compte les amendements présentés par le Parti socialiste, concernant notamment la modification du collège électoral du Sénat. A l’exception de Jack Lang, le PS avait voté contre la réforme. « Nous, nous voulons montrer que  nous sommes ouverts sur un certain nombre de sujets », indique le député Olivier Faure, proche de Hollande et d’Ayrault. Cette initiative permet au gouvernement de montrer qu’il n’a « renoncé sur aucun sujet et que le calendrier est respecté ».

Certains stratèges PS tablent aussi sur le malaise de nombre de leurs collègues de l’opposition face à la position intransigeante de la direction de leur parti, à propos du mariage gay, pour les rallier à leur projet . Ils font observer que  pas moins de cinq anciens ministres de Nicolas Sarkozy se sont déclarés favorables à cette réforme rejetée par une majorité de leur électorat.

Mais il s’agit-là de conjectures. Pour être adoptée, une réforme constitutionnelle a besoin d’une majorité de trois cinquièmes des voix du Congrès (Assemblée et Sénat réunie à Versailles). Et ils sont nombreux au PS, à plaider pour choisir l’autre solution, c’est-à-dire l’organisation d’un référendum. Non pas un référendum avec une seule question qui se transformerait inévitablement en vote pour ou contre François Hollande ! Les partisans de cette formule plaident pour une consultation en plusieurs questions, permettant éventuellement  un «  mix » d’approbations et de rejets, afin de minimiser un éventuel échec sur une question aussi clivante que le vote des étrangers si les autres points étaient adoptés. La Droite ne va d’ailleurs pas manquer de lancer le défi d’une consultation populaire à François Hollande!  

Pour l’heure on n’est qu’aux prémices d’une réforme qui modifierait considérablement la Constitution de la 5e République. En cas de détérioration de la situation économique et sociale, elle peut tout à fait s’enliser dans les sables du débat, faute de majorité parlementaire ou d’adhésion de l’opinion qui rendrait une consultation populaire trop risquée pour l’Exécutif .

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